Conseil d’Etat, 23 octobre 2002, n° 233543, M. Frédéric S.

L’acte par lequel est arrêtée la liste des administrateurs civils jugés aptes par le ministre auprès duquel ils sont affectés ou auquel ils sont rattachés, à bénéficier d’une promotion au grade d’administrateur civil hors classe en vue de l’établissement du tableau d’avancement au titre d’une année déterminée ne constitue qu’une mesure préparatoire à l’établissement, par le Premier ministre du tableau d’avancement définitif. Il n’a pas, dès lors, le caractère d’une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 223543,224365

M. S.

M. Sauron
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 30 septembre 2002
Lecture du 23 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°) sous le n° 223543, la requête enregistrée le 26 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Frédéric S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision publiée au Journal officiel le 27 juin 2000 et fixant la liste des administrateurs civils jugés aptes par le ministre de l’emploi et de la solidarité à bénéficier d’une promotion au grade d’administrateur civil hors classe au titre de l’année 1999 ;

Vu, 2°) sous le n° 224365, la requête enregistrée le 22 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Frédéric S. ; M. S. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du Premier ministre du 26 juillet 2000 portant inscription et promotion à la hors classe du corps des administrateurs civils au titre de l’année 1999 en tant qu’il arrête un tableau d’avancement ne comportant pas le nom de M. S. ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le décret n° 59-308 du 14 février 1959 relatif aux conditions générales de notation et d"avancement des fonctionnaires, modifié par le décret n° 89-66 du 4 février 1989 ;

Vu le décret n° 99-945 du 16 novembre 1999 portant statut particulier du corps des administrateurs civils ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. S. sont dirigées contre deux éléments d’une même procédure ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 223543 :

Considérant qu’aux termes de l’article 12 du décret du 16 novembre 1999 portant statut particulier du corps des administrateurs civils : "Après consultation de la commission paritaire ministérielle (...), chaque ministre adresse au Premier ministre la liste des administrateurs civils affectés ou rattachés à son département qu’il juge aptes à bénéficier d’une promotion./ Le Premier ministre arrête le tableau d’avancement après avis de la commission paritaire interministérielle visée à l’article 4 (...) et du ministre chargé de la fonction publique en suivant l’ordre de présentation de la liste. Toutefois, si le Premier ministre estime nécessaire de faire figurer en rang utile au tableau d’avancement le nom d’un ou plusieurs fonctionnaires promouvables, il en informe au préalable le ministre intéressé./ Celui-ci doit, dans un délai de quinze jours, faire connaître au Premier ministre son accord ou les raisons qui le conduisent à maintenir ses propositions. Le tableau d’avancement définitif est alors arrêté par le Premier ministre" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’acte par lequel est arrêtée la liste des administrateurs civils jugés aptes par le ministre auprès duquel ils sont affectés ou auquel ils sont rattachés, à bénéficier d’une promotion au grade d’administrateur civil hors classe en vue de l’établissement du tableau d’avancement au titre d’une année déterminée ne constitue qu’une mesure préparatoire à l’établissement, par le Premier ministre du tableau d’avancement définitif ; qu’il n’a pas, dès lors, le caractère d’une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ; que, par suite, la requête de M. S. tendant à l’annulation de la liste des administrateurs civils jugés aptes par le ministre de l’emploi et de la solidarité à bénéficier de cette promotion au titre de l’année 1999 n’est pas recevable ;

Sur la requête n° 224365 :

Considérant que les conclusions de la requête de M. S. doivent être regardées comme dirigées contre l’arrêté du Premier ministre du 26 juillet 2000 portant inscription et promotion à la hors classe du corps des administrateurs civils au titre de l’année 1999 en tant qu’il arrête un tableau d’avancement ne comportant pas son nom ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 15 du décret du 14 février 1959 relatif aux conditions générales de notation et d’avancement des fonctionnaires, alors en vigueur, les commissions administratives paritaires, fonctionnant comme commissions d’avancement, soumettent leurs propositions à l’approbation de l’autorité investie du pouvoir de nomination après "avoir obligatoirement procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle de l’agent, compte tenu principalement des notes obtenues par l’intéressé et des propositions motivées formulées par les chefs de service." ;

Considérant que si M. S. soutient que la liste ministérielle contestée a été établie en méconnaissance de la hiérarchie des notes obtenues par les agents concernés, il ressort des dispositions citées ci-dessus qu’elle n’est qu’un des critères pris en compte par la commission administrative paritaire pour apprécier le mérite d’un fonctionnaire lors de l’examen approfondi de sa valeur professionnelle ; que, par ailleurs, s’il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire du ministère de l’emploi et de la solidarité lors de sa séance du 26 mai 2000, que cette dernière a pris en compte, pour établir la liste ministérielle, le poste occupé par les agents, et par suite, la nature et le niveau des responsabilités qui leur étaient confiées, critère qui n’est pas contraire aux dispositions précitées de l’article 15, les choix opérés n’ont, contrairement à ce que soutient M. S., pas été fondés sur la direction d’administration centrale dont relevaient les fonctionnaires promouvables, mais sur leur rang de classement au sein desdites directions pour ne retenir que ceux dont les mérites lui paraissaient établis ; qu’enfin, le moyen, tiré de ce que les modalités de la prise en compte de l’ancienneté, s’agissant des administrateurs civils recrutés en application de la loi du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l’accès des militaires à des emplois civils, ne sont pas clairement définies par l’administration, n’est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, toutefois, qu’il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire du ministère de l’emploi et de la solidarité lors de sa séance du 26 mai 2000 que celle-ci n’a pas procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle de M. S., comme l’exigent les prescriptions de l’article 15 du décret du 14 février 1959, mais s’est bornée à commenter le recours que ce dernier avait exercé à l’encontre de la précédente liste ministérielle ; qu’ainsi, la liste, parue au Journal officiel du 27 juin 2000, des administrateurs civils jugés aptes par le ministre de l’emploi et de la solidarité à bénéficier de la promotion au grade d’administrateur civil hors classe en vue de l’établissement du tableau d’avancement au titre de l’année 1999, a été établie, en ce qui concerne M. SALAS, au terme d’une procédure irrégulière ; que, par suite, l’arrêté du Premier ministre du 26 juillet 2000 portant inscription et promotion à la hors classe du corps des administrateurs civils au titre de l’année 1999 est illégal en tant que le nom de M. S. n’y figure pas ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés, M. S. est fondé à en demander, dans cette mesure, l’annulation ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du Premier ministre du 26 juillet 2000 portant inscription et promotion à la hors classe du corps des administrateurs civils au titre de l’année 1999 est annulé en tant que le nom de M. S. n’y figure pas.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. S. est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Frédéric S., au Premier ministre, au ministre des affaires sociales. du travail et de la solidarité, et au ministre de la fonction publique, de la réforme de 1 ’Etat et de l’aménagement du territoire.

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