Conseil d’Etat, 9 octobre 2002, n° 237158, Fédération de l’hospitalisation privée

L’exercice d’une activité professionnelle ne confère aucun droit au maintien de la législation et de la réglementation concernant cette activité et se trouve soumis, à la date de leur entrée en vigueur, aux règles nouvelles édictées par l’autorité compétente.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 237158

FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE

M. Boulouis
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 septembre 2002
Lecture du 9 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 7 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE, dont le siège est 81, rue Monceau à Paris (75008) ; la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir les dispositions des paragraphes 1.1.1 1° b) et c), 1.1.2.2 et 2.2 de la circulaire du ministre de l’emploi et de la solidarité et du ministre délégué à la santé n° 265 du 12 juin 2001 relative aux modalités de mise en oeuvre des dispositions réglementaires applicables aux pharmacies à usage intérieur ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 16 septembre 2002 pour la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’interprétation que l’autorité administrative donne au moyen de dispositions impératives à caractère général des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en oeuvre n’est susceptible d’être directement déférée au juge de l’excès de pouvoir que si et dans la mesure où cette interprétation méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives ou réglementaires qu’elle se propose d’expliciter ou contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes juridiques ;

Sur les termes de la circulaire du ministre de l’emploi et de la solidarité et du ministre délégué à la santé du 12 juin 2001 relatives à l’application aux établissements disposant d’une pharmacie à usage intérieur autorisée des dispositions du code de la santé publique issues du décret du 26 décembre 2000 :

Considérant que l’exercice d’une activité professionnelle ne confère aucun droit au maintien de la législation et de la réglementation concernant cette activité et se trouve soumis, à la date de leur entrée en vigueur, aux règles nouvelles édictées par l’autorité compétente ;

Considérant qu’aux termes de l’article 3 du décret du 26 décembre 2000 : « Les établissements (...) qui disposent, à la date de publication du présent décret au Journal officiel de la République française, d’une pharmacie à usage intérieur autorisée, ont un délai de trois ans pour se conformer aux dispositions des articles R. 5104-9 et R. 5104-11 du code de la santé publique./ S’ils ne se sont pas conformés dans ce délai auxdites dispositions, l’autorisation est suspendue ou retirée par le préfet du département dans les conditions prévues à l’article R. 5104-27./ Toutefois, lorsque les pharmacies à usage intérieur de ces établissements assurent une ou plusieurs des activités mentionnées au deuxième alinéa de l’article R. 5104-15 du code de la santé publique, les établissements disposent d’un délai de six mois pour solliciter auprès du préfet une nouvelle autorisation dans les conditions prévues à l’article R. 5104-25 (...) » ;

Considérant que s’il résulte des dispositions précitées des deux premiers alinéas de l’article 3 du décret du 26 décembre 2000 que les établissements disposant d’une pharmacie à usage intérieur autorisée à la date de publication de ce décret ne sont pas tenus de solliciter une nouvelle autorisation s’ils n’assurent pas une ou plusieurs des activités mentionnées au deuxième alinéa de l’article R. 5104-15 du code de la santé publique et, dans le cas contraire, disposent d’un délai de six mois pour solliciter une autorisation, ces établissements doivent respecter les règles d’organisation et de fonctionnement résultant de ce décret à compter de l’entrée en vigueur de ces règles, sauf celles mentionnées aux articles R. 5104-9 et R. 5104-11 du code de la santé publique, pour lesquelles les établissements disposent d’un délai de mise en conformité de trois ans à compter de la publication du décret ; que la circonstance que les pharmaciens chargés de la gérance des pharmacies à usage intérieur dans les établissements privés soient dans une situation contractuelle vis-à-vis de l’établissement ne fait pas obstacle à ce que les dispositions réglementaires relatives aux conditions d’exercice de leur activité soient applicables aux établissements disposant d’une pharmacie autorisée à la date d’entrée en vigueur de ces dispositions ; que, dans ces conditions, la circulaire attaquée n’a pas méconnu le sens et la portée des dispositions réglementaires précitées en prescrivant aux préfets, d’une part, si les contrôles font apparaître que les pharmacies de ces établissements n’assurent pas leurs activités conformément aux prescriptions réglementaires de « mettre en oeuvre (...) les procédures de suspension ou de retrait des autorisations délivrées au titre de la réglementation antérieure », d’autre part, « si les activités mentionnées au deuxième alinéa de l’article R. 5104-15 du code de la santé publique ne sont pas assurées conformément aux prescriptions réglementaires relatives aux installations, au fonctionnement et à la gérance », de refuser l’autorisation ; que, dans ce dernier cas, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la circulaire contestée n’a pas pour objet et n’aurait pu avoir légalement pour effet de dispenser le préfet du respect de la procédure mentionnée à l’article R. 5104-22 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la fédération requérante n’est pas recevable à demander l’annulation sur ce premier point ;

Sur les termes de la circulaire relative à l’entrée en vigueur, à l’égard d’établissements disposant d’une pharmacie à usage intérieur autorisée, des dispositions du code de la santé publique issues du décret du 26 décembre 2000 qui renvoient, pour leur application, à des arrêtés ministériels :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 5104-20 du code de la santé publique issu du décret précité, les pharmacies à usage intérieur doivent « fonctionner conformément aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière dont les principes sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé./ Par ailleurs, un arrêté du ministre chargé de la santé fixe les conditions dans lesquelles les médicaments, produits ou objets mentionnés aux articles L. 5121-1, L. 5126-5 et L. 5137-1 autres que ceux concernés par l’arrêté prévu à l’article R. 5203 sont détenus, prescrits et dispensés. Cet arrêté fixe en outre les conditions de détention et de dispensation des médicaments, produits, objets, dispositifs médicaux stériles mentionnés aux articles L. 5126-11 et L. 5126-12 » ; qu’aux termes de l’article R. 5104-39 du même code : « Dans les établissements de santé privés et médico-sociaux privés, la gérance d’une pharmacie à usage intérieur est assurée par un pharmacien salarié qui (...) est lié à l’établissement par un contrat de gérance conforme à un contrat-type fixé par arrêté du ministre chargé de la santé après avis du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens » et qu’aux termes de l’article R. 5104-40 du même code : « Le contrat de gérance mentionné à l’article R. 5104-39 comporte notamment les éléments suivants : 1 ° Le temps de présence du pharmacien qui ne peut être inférieur à l’équivalent de cinq demi-journées par semaine ou, dans les établissements médico-sociaux, à l’équivalent de deux demi-journées et sa répartition hebdomadaire ; 2° Les obligations de service du pharmacien et les modalités de son remplacement en cas d’absence ; 3° Les éléments de la rémunération du pharmacien et les conditions d’évolution de celle-ci prenant en compte, pour les pharmaciens des hôpitaux publics en détachement, les dispositions statutaires qui leur sont applicables ; 4° Les conditions dans lesquelles sont mis à la disposition du pharmacien le personnel ainsi que les locaux, équipements et aménagements nécessaires au bon fonctionnement de la pharmacie » ;

Considérant que, si les dispositions de l’article R. 5104-39 du code de la santé publique issues du décret précité renvoient à un arrêté ministériel le soin d’établir un contrat-type auxquels doivent être conformes les contrats de gérance passés entre les établissements de santé privés et les établissements médico-sociaux privés, le 1 ° de l’article R. 5104-40 fixe avec précision l’obligation de présence minimale hebdomadaire à laquelle est astreint le pharmacien gérant dans ces établissements ; que l’intervention de l’arrêté précité n’est, dans ces conditions, pas nécessaire à l’entrée en vigueur de cette obligation ; que, par suite, en affirmant au 1.1.2.2. que, si les pharmacies à usage intérieur doivent se mettre en conformité avec les prescriptions fixées par les arrêtés d’application à compter de la date d’entrée en vigueur de ces arrêtés, les prescriptions du décret autres que celles mentionnés aux articles R. 5104-9 et R. 5104-11 du code de la santé publique sont immédiatement applicables, et qu’ainsi, celles relatives au temps de présence minimum des pharmaciens gérants sont opposables aux contrats en cours en prescrivant aux préfets de veiller à ce que ces contrats soient en conséquence modifiés, la circulaire attaquée n’a pas méconnu le sens et la portée de ces dispositions réglementaires ; que la fédération requérante n’est, par suite, pas non plus recevable à en demander l’annulation sur ce point ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE contre la circulaire du ministre de l’emploi et de la solidarité et du ministre délégué à la santé du 12 juin 2001 relative aux modalités de mise en oeuvre des dispositions réglementaires applicables aux pharmacies à usage intérieur ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu de condamner la fédération requérante à payer à l’Etat la somme que le ministre de l’emploi et de la solidarité demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l’emploi et de la solidarité tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DE L’HOSPITALISATION PRIVEE et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

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