Conseil d’Etat, 1er octobre 2001, n° 232274, M. WAMYTAN et autres

Il y a lieu de retenir le principe dont s’inspirent notamment l’article L. 338 du code électoral pour l’élection des conseillers régionaux, l’article L. 262 du même code pour les élections municipales dans les communes de 3500 habitants et plus et l’article 192 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie pour l’élection des membres des assemblées de province, et selon lequel si, dans un tel scrutin, plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci est attribué à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 232274 232380 232381 232382

M. WAMYTAN et autres

M. Mochon, Rapporteur

Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement

Séance du 10 septembre 2001

Lecture du 1er octobre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu 1°), sous le n° 232274, la protestation, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 6 avril 2001, présentée par M. Roch WAMYTAN, demeurant tribu de la conception, vallée de Tiati à Mont-Dore (BP 288 - 98810) ; M. WAMYTAN demande que le Conseil d’Etat annule les opérations électorales qui se sont déroulées le 3 avril 2001 pour l’élection par le congrès de la Nouvelle-Calédonie des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu 2°), sous le n° 232380, le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 9 avril 2001, présenté par le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN NOUVELLE-CALEDONIE ; le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN NOUVELLE-CALEDONIE demande que le Conseil d’Etat annule l’élection de M. MANUOHALALO au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 3 avril 2001 et proclame élu M. Mapou ;

Vu 3°), sous le n° 232381, la protestation, enregistrée le 9 avril 2001, présentée par M. Cézelin TCHOEAOUA, président du Groupe Union calédonienne du congrès, demeurant 129 ter route territoriale 7 à Ouegoa (9882 I ), Mme Nicole WAIA, demeurant 16 rue Laforte à Dumbea (98830. M. Pascal NAOUUNA, demeurant pavillon 3247 à Poya (98877) et M. Gilbert TUYENON, demeurant 33 rue JF Cherrier à Magenta (98802) ; M. TCHOEAOUA, Mme WAIA. M. NAOUNA et M. TUYENON demandent au Conseil d’Etat ;

1°) à titre principal d’annuler l’élection des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 3 avril 2001 et d’invalider la liste FLNKS ;

2°) à titre subsidiaire d’invalider l’élection de la tête de liste FLNKS ;

3°) à titre encore plus subsidiaire, d’annuler l’attribution du onzième siège à M. MANUOHALALO ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 août 2001 présenté par M. TCHOEAOUA, qui se désiste, au nom de l’ensemble de ses auteurs, de la protestation n° 232381 ;

Vu 4°), sous le n° 232382, la protestation, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 9 avril 2001, présentée par M. Raphaël MAPOU, et M. Cono HAMU, demeurant FCCI, 11 rue du Dr Lescour à Kamaky (98000) ; M. MAPOU et M. HAMU demandent que le Conseil d’Etat annule l’élection de M. MANUOHALALO au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 3 avril 2001 et proclame élu M. Mapou ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mochon, Maître des Requêtes ;

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les protestations de M. WAMYTAN et de M. TCHOEAOUA, Mme WAIA, M. NAOUNA et M. TUYENON tendent à l’annulation de l’élection du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 3 avril 2001 et que la protestation de M. MAPOU et M. HAMU et le recours du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN NOUVELLE-CALEDONIE. que s’est approprié le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, tendent à l’annulation de l’attribution du onzième et dernier siège de membre de ce gouvernement à M. MANUOHALALO et à ce que soit proclamé élu M. MAPOU ; que ces protestations et ce recours étant relatifs à la même élection, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Sur la requête n° 232 381 :

Considérant que par un mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 28 août 2001, M. TCHOEAOUA, Mme WAIA, M. NAOUNA et M. TUYENON se sont désistés de leur protestation ; que ce désistement est pur et simple ; qu’il y a lieu d’en donner acte ;

Sur les autres requêtes :

Considérant qu’aux termes de l’article 110 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie relatif à l’élection des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie : "Les membres du gouvernement sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Les listes de candidats, membres ou non du congrès, sont présentées par les groupes d’élus définis à l’article 79. Elles comprennent un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de trois. /Chaque membre du congrès ne peut participer à la présentation que d’une seule liste de candidats. / Les listes sont remises au président du congrès au plus tard cinq jours avant le scrutin. Lecture en est donnée avant l’ouverture du scrutin. " ;

Considérant que, lors de l’élection du 3 avril 2001, la liste présentée par le Rassemblement pour la Calédonie dans la République et la Fédération des comités de coordination des indépendantistes (RPCR - FCCI) a obtenu 32 suffrages, la liste présentée par le Front de libération national kanak socialiste (FLNKS) 12 suffrages et la liste présentée par le groupe Unioncalédonienne (UC) 7 suffrages ; qu’après l’attribution à chacune de ces listes de respectivement six sièges de membres du gouvernement. deux sièges et un siège par l’application du quotient électoral, un dixième siège a été attribué à la liste RPCR - FCCI selon la méthode de répartition des restes à la plus forte moyenne ; que pour l’attribution du onzième et dernier siège par cette même méthode, les deux listes RPCR - FCCI et FLNKS obtenaient une moyenne identique ; que le président du Congrès a procédé à l’attribution de ce siège au candidat le plus âgé ;

Sur les griefs relatifs à l’ensemble des opérations électorales :

Considérant qu’il ne résulte d’aucun texte législatif ou réglementaire ni d’aucun principe applicable en l’absence de texte que les candidats à l’élection du gouvernement de Nouvelle-Calédonie par le congrès de la Nouvelle-Calédonie doivent apposer leur signature sur la liste des candidats prévue par l’article 110 précité de la loi du 19 mars 1999 ; que par suite le grief tiré de ce que M. HNEPEUNE n’a pas signé cette liste sur laquelle il figurait doit être écarté ;

Considérant que si M. HNEPEUNE, qui figurait sur la liste du groupe Union calédonienne a déclaré, après le dépôt de cette liste, n’avoir autorisé aucune liste à présenter sa candidature, il ne résulte pas de l’instruction que cette candidature, non plus que cette annonce postérieure au dépôt de la liste aient, dans les circonstances de l’espèce, revêtu le caractère de manœuvres de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

Sur le grief tiré de l’attribution irrégulière du onzième siège de membre du gouvernement :

Considérant que les dispositions précitées de la loi organique du 19 mars 1999 ne prévoient pas les modalités de répartition du dernier siège en cas d’égalité des moyennes des listes ; que toutefois, dans un tel cas et dans le silence des textes, il y a lieu de retenir le principe dont s’inspirent notamment l’article L. 338 du code électoral pour l’élection des conseillers régionaux, l’article L. 262 du même code pour les élections municipales dans les communes de 3500 habitants et plus et l’article 192 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie pour l’élection des membres des assemblées de province, et selon lequel si, dans un tel scrutin, plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci est attribué à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages ;

Considérant qu’en application de ce principe, le dernier siège devait être attribué à M. MAPOU, candidat sur la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages, et non à M. MANUOHALALO, candidat le plus âgé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN NOUVELLE-CALEDONIE et MM. MAPOU ET HAMU sont fondés à demander que l’élection de M. MANUOHALALO au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soit annulée et que M. MAPOU soit proclamé élu ; qu’en revanche, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa protestation, M. WAMYTAN n’est pas fondé à demander l’annulation de l’élection du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans son ensemble ;

Sur les conclusions de M. WAMYTAN tendant à ce que le Conseil d’Etat prononce une amende pour recours abusif :

Considérant que la faculté de prononcer une amende pour recours abusif relève du pouvoir propre du juge administratif ; que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la protestation de M. TCHOEAOUA, Mme WAIA, M. NAOUNA et M. TUYENON.

Article 2 : L’élection de M. MANUOHALALO au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est annulée.

Article 3 : M. MAPOU est proclamé élu membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

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