Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 236939, Elections municipales d’Anse-Bertrand (Guadeloupe)

A compter de la date de l’abrogation de l’article 194 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, au demeurant déclaré non conforme à la Constitution par la décision n° 99-410 DC du Conseil constitutionnel, immédiatement applicable en Guadeloupe, le cas d’inéligibilité qu’il prévoyait a cessé d’être applicable, que la décision juridictionnelle prononçant la liquidation judiciaire, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer soit intervenue après ou avant cette abrogation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 236939

Elections municipales d’Anse-Bertrand (Guadeloupe)

Mme Ducarouge, Rapporteur
M. Lamy, Commissaire du gouvernement

Séance du 3 juillet 2002
Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août et 6 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. José MOUSTACHE ; M. MOUSTACHE demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule le jugement du 31 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 mars 2001 dans la commune d’Anse-Bertrand en vue de la désignation des membres du conseil municipal ;

2°) rejette la protestation de M. Dona-Erié contre ces opérations électorales ;

3°) condamne M. Dona-Erié à lui verser la somme de 3 308 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. MOUSTACHE et de la SCP Tiffreau, avocat de M. Dona-Erié,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 202 du code électoral dans sa rédaction résultant de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, rendu applicable à l’élection des conseillers municipaux par l’article L. 233 du même code : "Conformément à l’article 194 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont inéligibles les personnes physiques à l’égard desquelles la liquidation judiciaire, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer prévue par l’article 192 de la loi précitée a été prononcée" ; que toutefois l’article 4 de l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce a abrogé notamment l’article 194 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 dont l’article L. 202 du code électoral se bornait à rappeler les termes ; que si l’article 3 de ladite ordonnance prévoit que "les références contenues dans les dispositions abrogées par l’article 4... sont remplacées par les références aux dispositions correspondantes du code de commerce", il est constant que ce code, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 18 septembre 2000, ne contient aucune disposition correspondant à l’article 194 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, au demeurant déclaré non conforme à la Constitution par la décision n° 99-410 du Conseil constitutionnel ; qu’il en résulte qu’à compter de la date de l’abrogation de l’article 194 de cette loi, immédiatement applicable en Guadeloupe, le cas d’inéligibilité qu’il prévoyait a cessé d’être applicable, que la décision juridictionnelle prononçant la liquidation judiciaire, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer soit intervenue après ou avant cette abrogation ; que, par suite, M. MOUSTACHE, dont la faillite personnelle a été prononcée pour une durée de dix ans par un arrêt du 27 avril 1998 de la cour d’appel de Basse-Terre, n’était pas de ce seul fait inéligible ; qu’ainsi c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur cette inéligibilité pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 mars 2001 en vue du renouvellement du conseil municipal d’Anse-Bertrand ;

Considérant qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres griefs articulés par M. Dona-Erié ;

Sur le grief tiré du défaut de signature de la déclaration de candidature par tous les candidats et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 264 du code électoral, applicable à l’élection des conseillers municipaux des communes de 3500 habitants et plus : "Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque tour de scrutin. (...) - Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 du total des suffrages exprimés. Ces listes peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d’autres listes sous réserve que celles-ci ne se présentent pas au second tour et qu’elles aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés ..." et qu’aux termes de l’article L. 265 du même code : "La déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture d’une liste répondant aux conditions fixées aux articles L. 260, L. 263 et L. 264. Il en est délivré récépissé.- Elle est faite collectivement pour chaque liste par la personne ayant la qualité de responsable de liste ... Pour chaque tour de scrutin, cette déclaration comporte la signature de chaque candidat, sauf le droit pour tout candidat de compléter la déclaration collective non signée de lui par une déclaration individuelle faite dans le même délai et portant sa signature ... - Récépissé ne peut être délivré que si les conditions énumérées au présent article sont remplies ..." ; qu’enfin aux termes de l’article L. 269 : "Est nul tout bulletin établi au nom d’une liste dont la déclaration de candidature n’a pas été régulièrement enregistrée" ;

Considérant que si, en vertu de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 265 précité, "en cas de refus de délivrance du récépissé, tout candidat de la liste intéressée dispose de vingt-quatre heures pour saisir le tribunal administratif qui statue, en premier et dernier ressort, dans les trois jours du dépôt de la requête", ces dispositions ne sauraient faire obstacle à ce que soit contestée devant le juge de l’élection la régularité de l’enregistrement d’une liste dont le préfet a délivré récépissé ;

Considérant qu’il n’est pas sérieusement contesté que Mme Inamo épouse Valere et Mme Moignaud, candidates sur la liste conduite par M. MOUSTACHE, n’ont ni signé elles-mêmes, pour le premier comme pour le second tour du scrutin, la déclaration collective de candidature déposée par M. MOUSTACHE, qui avait la qualité de responsable de ladite liste, ni complété cette déclaration collective par une déclaration individuelle portant leur signature ;

Considérant que la signature de la déclaration de candidature par chaque candidat de la liste, dans les conditions définies par les dispositions précitées de l’article L. 265 du code électoral, constitue une formalité nécessaire à la validité de cette déclaration ; que, par suite, le préfet de la Guadeloupe ne pouvait légalement procéder à l’enregistrement de la liste conduite par M. MOUSTACHE ; qu’ainsi, ladite liste ne pouvait légalement être admise à participer au scrutin des 11 et 18 mars 2001 pour le renouvellement du conseil municipal ;

Considérant qu’eu égard à la nature et aux effets de l’irrégularité dont il s’agit, cette irrégularité est de nature à entraîner l’annulation de l’ensemble des opérations électorales litigieuses ; que par suite M. MOUSTACHE n’est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Basse-Terre ait annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 11 et 18 mars en vue du renouvellement du conseil municipal d’Anse Bertrand ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Dona-Erié qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. MOUSTACHE la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner M. MOUSTACHE à payer à M. Dona-Erié la somme que celui-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. MOUSTACHE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions aux fins d’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative présentées par M. Dona-Erié sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. José MOUSTACHE, à M. Dona-Erié et au ministre de l’outre-mer.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1218