L’article L. 571 du Code de la santé publique (ancien) prévoit qu’en matière d’installation d’officine, le préfet peut accorder des dérogations fondées sur les besoins réels de la population résidente et saisonnière. Le juge fait application de cette disposition en autorisant l’ouverture de la pharmacie en tenant compte de l’importante population saisonnière mais également que la commune constitue un pôle d’attraction pour les communes environnentes.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
N° 02BX00157
Mme L. D.
Mme Viard, Rapporteur
M. Rey, Commissaire du gouvernement
Audience du 25 Juin 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée au greffe de la cour le 21 janvier 2002 sous le n° 02BX00157 la requête présentée par Mme Hélène L. D. ;
Mme L. D. demande à la cour :
d’annuler le jugement du 2 novembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé à la demande de l’EURL Corinne Vialle, de M. Paul M. L., de M. Frédéric G. et de M. Francis L. l’arrêté du 11 février 1999 par lequel le préfet de la Dordogne lui a concédé une licence pour l’ouverture d’une pharmacie selon la voie dérogatoire dans la commune de Champagnac de Belair et l’a condamnée à verser auxdits requérants une somme de 1 500 F chacun sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
de rejeter leur demande ;
de condamner conjointement et solidairement les intimés à lui verser une somme de 1 000 euros par application de l’article L 761-1
du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mai 2002 :
le rapport de Mme Viard ;
les observations de Maître Tocanne, avocat de Mme L. D. et de la commune de Champagnac de Belair ;
les observations de Maître Moreau, collaborateur de Maître Hontas, avocat de MM L., G., M. L. et de l’EURL Corinne Vialle ;
les observations de Maître Lucq, avocat de la communauté de communes du Pays de Champagnac en Périgord ;
et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;
Sur l’intervention de la commune de Champagnac de Belair et de la communauté de communes du Pays de Champagnac en Périgord :
Considérant que la commune de Champagnac de Belair et la communauté de communes précitée ont intérêt à l’annulation du jugement attaqué ; qu’ainsi leur intervention est recevable ;
Sur les conclusions de la requête de Mme L. D. :
Considérant qu’aux termes des 4ème et 5ème alinéas de l’article L 571 du code de la santé publique alors en vigueur : "Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l’exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis motivé du directeur régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l’ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière mentionnés à l’alinéa précédent sont appréciés au regard, notamment, de l’importance de la population concernée, des conditions d’accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci resteraient à appelées à desservir Le préfet précise, dans sa décision, les populations prises en compte pour l’octroi des licences" ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, d’une part, qu’outre la population de la commune de Champagnac de Belair où la création d’une officine de pharmacie par voie dérogatoire a été autorisée par l’arrêté litigieux, cette officine est appelée à desservir la population des communes avoisinantes de Quinsac et de Condat sur Tricou ainsi qu’une partie de la population des communes de Villars et de Saint Pancrace situées à moins d’une dizaine de kilomètres de Champagnac de Belair ; qu’eu égard à l’accroissement régulier de la population de la commune de Champagnac de Belair et des communes de Quinsac et de Condat sur Tricou depuis le dernier recensement de 1990 et dont le tribunal administratif n’a pas tenu compte, la population normalement appelée à s’approvisionner en médicaments à Champagnac de Belair peut être évaluée à un peu moins de 2 000 personnes ; qu’il y a lieu de tenir compte de l’importante population saisonnière qui séjourne une grande partie de l’année dans les divers lieux d’accueil touristiques du canton et dans les résidences secondaires dont le nombre s’élève à près de 200 ; que, d’autre part, compte tenu des activités commerciales, économiques et sociales de cette commune chef-lieu de canton et notamment de l’existence d’une entreprise importante, de nombreux artisans et commerçants, d’un cabinet médical, de services d’aide à domicile, d’antennes de plusieurs services publics, d’un groupe scolaire regroupant 115 élèves et d’équipements sportifs, elle constitue un pôle d’attraction pour les communes environnantes ; qu’enfin, si une pharmacienne de Brantôme et les deux pharmaciens de Saint Pardoux la Rivière et de Saint Jean de Côle soutiennent que la création de l’officine litigieuse aurait des répercussions néfastes sur leur activité, ils n’appuient leur dire sur aucune justification précise ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur le fait que les besoins réels de la population n’exigeaient pas la création d’une officine par voie dérogatoire pour annuler l’arrêté litigieux ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les intimés devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant la cour ;
Considérant, en premier lieu, que l’arrêté du 11 février 1999 qui a autorisé la création de l’officine de Mme L. D. précise dans ses motifs que la commune de Champagnac de Belair est dépourvue de moyens de transports en commun, que cette officine est appelée à satisfaire les besoins en médicaments d’environ 2 000 personnes, que 30% de cette population a plus de 60 ans, que la population saisonnière doit être également prise en compte et que la commune de Champagnac de Belair possède une activité économique et industrielle importante ; que cette motivation satisfait aux exigences des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que le préfet n’était pas tenu de mentionner les officines existantes et la population que ces officines resteraient appelées à desservir ;
Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutiennent les intimés, l’arrêté attaqué s’est fondé pour apprécier la demande de création de ladite pharmacie présentée à titre dérogatoire sur les dispositions des 4ème et 5ème alinéas de l’article L 571 du code de la santé publique ; que, par suite, le moyen tiré d’une erreur de droit doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, ainsi qu’il résulte de ce qui vient d’être dit, que l’intérêt pour la population concernée de la création de cette officine est établi ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence d’intérêt pour la santé publique de cette décision doit être écarté ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme L. D. est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l’arrêté litigieux et l’a condamnée à verser à chacun des demandeurs la somme de 1 500 F ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme L. D. qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser aux intimés la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner conjointement et solidairement les intimés à verser à Mme L. D. la somme globale de 1 000 euros qu’elle demande en application des dispositions susvisées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les interventions de la commune de Champagnac de Belair et de la communauté de communes du Pays de Champagnac en Périgord sont admises.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 2001 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par l’EURL Vialle et autres devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 4 : L’EURL Vialle et autres sont condamnés conjointement et solidairement à verser à Mme L. D. la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
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