Conseil d’Etat, 27 mai 2002, n° 229133, Syndicat de l’industrie des technologies de l’information

Si les dispositions de l’articles 236 de l’annexe II excluaient, dans tous les cas, la déduction de la taxe afférente aux dépenses exposées pour le logement ou l’hébergement des dirigeants ou du personnel, celles de l’article 239 de la même annexe, en revanche, n’excluaient la déduction de la taxe afférente à des dépenses telles que frais de réception, de restaurant et de spectacle exposées pour les dirigeants ou le personnel que lorsque l’engagement de ces dépenses avait été motivé, non par le souci d’assurer le bon déroulement des activités de l’entreprise, mais par le dessein d’octroyer un avantage aux intéressés.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 229133

SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION

M. Fabre, Rapporteur

M. Goulard, Commissaire du gouvernement

Séance du 29 avril 2002

Lecture du 27 mai 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2001 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION, dont le siège est 2, place de la Défense BP 240 à Paris La Défense Cedex (92053) ; le Syndicat demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’instruction du 13 novembre 2000 publiée au Bulletin Officiel des Impôts du 17 novembre 2000 sous la référence 3 D-2-00, en tant que l’administration y exclut du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée la taxe grevant les dépenses de restaurant, de réception et de spectacles exposées du fait des dirigeants et du personnel des entreprises, alors même que ces dépenses sont engagées pour les seuls besoins de l’activité de ces entreprises ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d’Etat,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie à la requête :

Considérant qu’il ressort des statuts du SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION, produits par celui-ci en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, que son président en exercice est habilité à le représenter en justice, et que l’introduction en son nom d’une action contentieuse n’est subordonnée à la décision d’aucun autre de ses organes ; que, par suite, la présente requête est régulièrement présentée, au nom du Syndicat, sous la signature d’un avocat dûment mandaté à cet effet par son président en exercice ;

Sur l’intervention du Syndicat national de l’industrie pharmaceutique :

Considérant que le Syndicat intervenant a intérêt à l’annulation de l’instruction attaquée ; qu’ainsi, son intervention est recevable ;

Sur les conclusions de la requête :

Considérant que les conclusions à fins d’annulation pour excès de pouvoir de la requête du SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION sont dirigées contre une instruction du 13 novembre 2000, publiée au Bulletin Officiel des Impôts du 17 novembre 2000 sous la référence 3 D-2-00, et relative aux exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles exposées par les entreprises ; que l’objet de cette instruction a été de préciser les conséquences de l’arrêt du 19 septembre 2000 par lequel la Cour de Justice des Communautés européennes a jugé invalide la décision du 28 juillet 1989 aux termes de laquelle le Conseil des Communautés européennes avait autorisé la France à étendre, par dérogation à l’objectif fixé au § 6 de l’article 17 de la sixième directive, du 17 mai 1977, le champ des exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévues, en ce qui concerne les dépenses susénoncées, par les textes français applicables à la date d’entrée en vigueur de la directive, et sur le fondement de laquelle avaient été prises les dispositions de l’article 4 du décret du 14 décembre 1989, reprises sous l’article 236 de l’annexe II au code général des impôts et prévoyant qu’en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces dépenses est "à titre temporaire... exclue du droit à déduction" ; qu’après avoir, à juste titre, exposé que l’intervention de l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes avait pour effet de restreindre le champ légal des exclusions du droit à déduction prévues par le décret du 14 décembre 1989 à celles d’entre elles que prévoyaient les dispositions des articles 236 et 239 de l’annexe II au code général des impôts issues du décret du 27 juillet 1967, l’instruction critiquée énonce que, de ce fait, tant pour l’exercice du droit à déduction de la taxe grevant des dépenses engagées à compter du 1er septembre 2000 que pour la récupération, par voie d’imputation ou de réclamation à fins de restitution, de la taxe qui a grevé des dépenses engagées entre le 1er janvier 1996 et le 31 août 2000, il convient de distinguer, d’une part, les dépenses "qui sont supportées au profit de tiers" et ouvrent le droit à déduction, et, d’autre part, "toutes les dépenses de logement, de et de spectacles supportées au bénéfice des dirigeants et des salariés des entreprises", qui "demeurent exclues du droit à déduction" ;

Considérant que les articles 236 et 239 de l’annexe II au code général des impôts issus du décret du 27 juillet 1967 disposaient, respectivement : "La taxe afférente aux dépenses exposées pour assurer le logement ou l’hébergement des dirigeants et du personnel des entreprises n’est pas déductible...", et : "La taxe afférente aux dépenses exposées pour assurer la satisfaction des besoins individuels des dirigeants et du personnel des entreprises, et notamment celle afférente aux frais de réception, de restaurant et de spectacle, n’est pas déductible..." ; que, si les premières de ces dispositions excluaient, dans tous les cas, la déduction de la taxe afférente aux dépenses exposées pour le logement ou l’hébergement des dirigeants ou du personnel, les secondes, en revanche, n’excluaient la déduction de la taxe afférente à des dépenses telles que frais de réception, de restaurant et de spectacle exposées pour les dirigeants ou le personnel que lorsque l’engagement de ces dépenses avait été motivé, non par le souci d’assurer le bon déroulement des activités de l’entreprise, mais par le dessein d’octroyer un avantage aux intéressés ; qu’ainsi, le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION est fondé à soutenir que l’instruction susanalysée du 13 novembre 2000, en ce qu’elle inclut dans le champ des dépenses qui n’ouvrent pas droit à déduction les dépenses de restaurant, de réception et de spectacles exposées par les entreprises du fait de la participation de leurs dirigeants ou salariés à des repas, réceptions ou divertissements organisés dans le seul intérêt de leur activité, ajoute illégalement ce cas d’exclusion à ceux que prévoyait le décret du 27 juillet 1967 ; qu’il suit de là que le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION est recevable et fondé à demander que ladite instruction soit, dans cette mesure, annulée pour excès de pouvoir ;

Sur les conclusions du Syndicat national de l’industrie pharmaceutique tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ne permettent pas de condamner l’Etat à verser au Syndicat intervenant, qui n’a pas la qualité de partie dans la présente instance, la somme qu’il réclame en remboursement des frais par lui exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention du Syndicat national de l’industrie pharmaceutique est admise.

Article 2 : L’instruction du 13 novembre 2000 publiée au Bulletin Officiel des Impôts du 17 novembre 2000 sous la référence 3 D-2-00 est annulée en tant qu’elle inclut au nombre des dépenses de restaurant, de réception et de spectacles qui n’ouvrent pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée celles que supportent les entreprises du fait de la participation de leurs dirigeants ou salariés à des repas, réceptions ou divertissements organisés dans le seul intérêt de leur activité.

Article 3 : Les conclusions du Syndicat national de l’industrie pharmaceutique tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DE L’INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION, au Syndicat national de l’industrie pharmaceutique et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1097