Conseil d’Etat, référé, 7 mars 2002, n° 243833, M. Pierre Larrouturou

Si le principe du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion est une liberté fondamentale et s’il incombe au Conseil supérieur de l’audiovisuel de veiller ce que, durant la période précédant la campagne électorale officielle pour l’élection du Président de la République, les services de communication audiovisuelle ne méconnaissent pas le principe d’équité de traitement entre candidats, la circonstance que M. LARROUTUROU n’aurait obtenu pendant les mois de janvier et février qu’un temps d’antenne sensiblement inférieur aux autres candidats ne constitue pas une atteinte manifestement illégale à cette liberté fondamentale.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 243833

M. Pierre LARROUTUROU

Ordonnance du 7 mars 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 6 mars 2002 présentée par M. Pierre LARROUTUROU domicilié 80, rue de la Roquette à PARIS (75011) et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d’Etat :

o fasse injonction au Conseil supérieur de l’audiovisuel sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative de faire application des pouvoirs qu’il tient de la loi du 30 septembre 1986 afin de rétablir et de garantir l’égalité de traitement entre les candidats déclarés en vue de la prochaine élection présidentielle, au profit, en particulier de l’Union de la semaine de 4 jours et de son candidat déclaré en vue de ce prochain scrutin, M. Pierre Larrouturou ;

o condamne le Conseil supérieur de l’audiovisuel à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. LARROUTUROU fait valoir qu’il a l’intention d’être candidat à l’élection présidentielle ; qu’à ce titre, il a droit à ce que le Conseil supérieur de l’audiovisuel fasse respecter, conformément à la loi du 30 septembre 1986, le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ; que ce principe a le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu’il en va de même des principes de la liberté d’expression et de communication ; que ces principes doivent être appliqués jusqu’à l’ouverture de la campagne électorale officielle ; que toutefois, au cours des mois de janvier et février, M. LARROUTUROU et le parti qu’il représente n’ont disposé que d’un temps d’antenne très inférieur à celui des autres candidats ne bénéficiant que d’une faible représentation sur le plan national ; qu’il y a urgence à ce qu’il soit remédié à cette situation ;

Vu la loi organique n° 62-292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que M. LARROUTUROU demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de faire injonction au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’user des pouvoirs qu’il tient de la loi du 30 septembre 1986 pour assurer l’égalité de traitement entre les candidats déclarés en vue de la prochaine élection présidentielle ;

Considérant que la mise en oeuvre des pouvoirs conférés au juge administratif des référés par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonnée à la condition qu’une atteinte « manifestement illégale » soit portée à une liberté fondamentale ;

Considérant que si le principe du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion est une liberté fondamentale et s’il incombe au Conseil supérieur de l’audiovisuel de veiller, conformément à sa recommandation du 23 octobre 2001 et en application de ses communiqués n° 475 du 7 février 2002 et 477 du 5 mars 2002, à ce que, durant la période précédant la campagne électorale officielle pour l’élection du Président de la République, les services de communication audiovisuelle ne méconnaissent pas le principe d’équité de traitement entre candidats, la circonstance que M. LARROUTUROU n’aurait obtenu pendant les mois de janvier et février qu’un temps d’antenne sensiblement inférieur à celui dont auraient disposé Mme BOUTIN, Mme TAUBIRA, Mme LEPAGE et M. BESANCENOT ne révèle pas, en l’état, - et alors, notamment, que l’intention qu’il affirme d’être candidat à la prochaine élection à la présidence de la République n’est pas assortie de justifications ni même d’indications précises sur la possibilité qu’il aurait de satisfaire aux conditions posées par le deuxième alinéa du I de l’article 3 de la loi susvisée du 6 novembre 1962 pour être effectivement candidat à cette élection - qu’une atteinte « manifestement illégale » ait été portée, en ce qui le concerne, à une liberté fondamentale ;

Considérant dès lors qu’il y a lieu de rejeter la requête de M. LARROUTUROU, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 de ce même code ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. LARROUTUROU est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. LARROUTUROU. Copie en sera adressée pour information au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Fait à Paris, le 7 mars 2002

Signé : D. Labetoulle

Pour expédition conforme,

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1052