Conseil d’Etat, référé, 26 mars 2002, n° 244426, Société Route Logistique Transports

L’activité de transport routier public ne peut être exercée que sous réserve de l’obtention de licences délivrées par l’administration. Les restrictions apportées en ce domaine au libre exercice d’une activité professionnelle résultent de la loi elle-même. Il s’ensuit que lorsque le préfet fait usage, dans les conditions et pour les motifs que la loi prévoit, de son pouvoir de retirer des licences précédemment accordées, il ne peut être regardé comme portant atteinte à une liberté fondamentale.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 244426

SOCIETE ROUTE LOGISTIQUE TRANSPORTS

Ordonnance du 26 mars 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 24 mars 2002 présentée par la société Route Logistique Transports, dont le siège social est à Sassenay (71530) ; la société Route Logistique Transports demande au juge des référés du Conseil d’Etat ;

1/ d’annuler l’ordonnance du 22 mars 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce que, sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, soit prononcée la suspension de l’arrêté du 4 mars 2002 du préfet de la région Bourgogne, lui retirant les licences communautaires de transport, qu’elle détenait ;

2/ de suspendre, en application de l’article L.521-2 du code de justice administrative, l’exécution de l’arrêté préfectoral du 4 mars 2002 ;

3/ de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l’ordonnance attaquée est intervenue en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure, dès lors qu’elle s’est expressément fondée sur le procès-verbal de la commission des sanctions administratives, alors que cette pièce ne lui a pas été communiques ; que le principe d’impartialité a été méconnu du fait de la présence lors de la réunion de la commission des sanctions administratives du fonctionnaire auteur du contrôle ; que la présence, lors de la même séance de M. Escale était également irrégulière ; que la requérante n’a pas été en mesure devant la commission de discuter les faits reprochés ; que c’est à tort que l’ordonnance attaquée a estimé que la sanction prononcée à l’encontre de la requérante était justifiée et adaptée ; que le moyen tiré d’une méconnaissance de la présomption d’innocence était fondé ; que la demande présentée au juge des référés entrait dans le champ d’application de l’article L.521-2 du code de justice administrative, dès lors que l’arrêté du 4 mars 2002 affecte le droit de propriété et la liberté du commerce et de l’industrie ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 684/92 du Conseil du 16 mars 1982 ;

Vu le règlement (CEE) n° 881/92 du Conseil du 26 mars 1992 ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, modifiée, d’orientation des transports intérieurs ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.5 du code de justice administrative : « L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L.522-1 du même code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale » ; que ces dispositions font obstacle à ce que le juge des référés se fonde pour rejeter une demande sur une pièce qui n’aurait pas été connue du demandeur ;

Considérant que pour écarter un des moyens invoqués par la requérante, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon s’est expressément référé au « procès-verbal de la séance du 25 janvier 2002 de la commission des sanctions administratives » ; qu’il est constant que ce procès-verbal n’a pas été versé au dossier dans le cadre de la procédure écrite ; que si, après avoir été produite par l’administration au cours de l’audience, cette pièce pouvait être prise en considération par le juge des référés, c’était à la condition que le requérant en eût eu la communication contradictoire à l’occasion de la partie orale de la procédure et eût été mis à même avant la clôture de l’instruction d’en contester les énonciations ; que la réalité de cette communication contradictoire, expressément contestée en appel par la requérante, n’est établie par aucune mention de l’ordonnance attaquée, non plus que par un procès verbal qui aurait été dressé dans les conditions prévues à l’article R.522-11 du code de justice administrative ; que la société requérante est dès lors fondée à soutenir que l’ordonnance attaquée est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées des articles L.5 et L.522-1 du code de justice administrative et à en demander pour ce motif l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer pour statuer immédiatement sur la demande présentée en premier ressort par la société Route Logistique Transports ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) » ;

Considérant que si l’article L.522-1 énonce, dans son premier alinéa, que « le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale » et prévoit, dans son deuxième alinéa, qu’une audience publique est tenue lorsqu’il est demandé au juge de prononcer les mesures mentionnées à l’article L.521-2, l’article L.522-3 dispose que ces formalités ne sont pas exigées notamment lorsqu’il apparaît manifeste que la demande est mal fondée ;

Considérant qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 36 de la loi du 30 décembre 1982, d’orientation des transports intérieurs : « Sur le territoire national, les activités de transport routier public de personnes ou de marchandises et de location de véhicules industriels avec conducteur destinés au transport de marchandises s’effectuent sous le couvert d’une licence de transport intérieur ou d’une licence communautaire./ La licence communautaire est délivrée dans les conditions prévues par le règlement (CEE) n°684/92 du Conseil du 16 mars 1992 ou le règlement (CEE) n° 881/92 du Conseil du 26 mars 1992 » ; qu’aux termes du 1" alinéa de l’article 37 de la même loi : « I- Les autorisations et les copies conformes de la licence de transport intérieur ou de la licence communautaire prévues aux chapitres III et IV du titre II de la présente loi pourront faire l’objet d’un retrait, à titre temporaire ou définitif, en cas d’infraction aux dispositions relatives aux transports, aux conditions de travail et à la sécurité constituant au moins des contraventions de la troisième classe » ;

Considérant que la société Route Logistique Transports détenait 27 licences communautaires de transport ; que par une décision du 30 novembre 2000, le préfet de la région de Bourgogne avait prononcé à son encontre sur le fondement des dispositions précitées de l’article 37 de la loi du 30 décembre 1982, le retrait pour un an de 20 de ces licences ; qu’à l’issue d’un contrôle réalisé le 14 novembre 2001, l’administration a estimé que l’entreprise avait à nouveau commis diverses infractions entrant dans le champ des prévisions de ce même article 37 ; que sur le fondement de ces faits, le préfet de la région de Bourgogne a par arrêté du 4 mars 2002 prononcé le retrait définitif des 27 licences ;

Considérant qu’il résulte des dispositions législatives précitées que l’activité de transport routier public ne peut être exercée que sous réserve de l’obtention de licences délivrées par l’administration ; que les , restrictions apportées en ce domaine au libre exercice d’une activité professionnelle résultent de la loi elle-même ; qu’il s’ensuit que lorsque le préfet fait usage, dans les conditions et pour les motifs que la loi prévoit, de son pouvoir de retirer des licences précédemment accordées, il ne peut être regardé comme portant atteinte à une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la demande présentée par la requérante sur le fondement de l’article L.521-2 est ainsi manifestement non fondée et doit être rejetée, selon la procédure prévue à l’article L.522-3 du code de justice administrative ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner l’Etat à verser à la société Route Logistique Transports la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon du 22 mars 2002 est annulée.

Article 2 : La demande présentée en premier ressort, par la société Route Logistique Transports et le surplus de ses conclusions d’appel sont rejetés.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Route Logistique Transports. Copie en sera adressée au ministre de l’équipement, des transports et du logement, ainsi qu’au préfet de la région Bourgogne.

Fait à Paris, le 26 mars 2002

Signé : D. Labetoulle

Pour expédition conforme,

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1048