Les statistiques demandées par l’AFAC, qui récapitulent le nombre de candidats présentés à l’examen du permis de conduire et le taux de réussite à cet examen des différentes auto-écoles, ne contiennent aucun élément de caractère nominatif au sens des dispositions de la loi du 17 juillet 1978. Elles ne comportent par ailleurs aucune indication relevant du secret en matière commerciale et industrielle au sens de l’article 6 de cette loi. Par suite, le ministre n’est pas fondé à soutenir que les statistiques en cause n’auraient pas le caractère de documents administratifs communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978.
Conseil d’Etat
Statuant au contentieux
N° 157402
MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT
c/ Association française de l’apprentissage de la conduite (AFAC)
M. Ménéménis, Rapporteur
M. Courtial, Commissaire du gouvernement
Séance du 12 juin 2002
Lecture du 3 juillet 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le recours du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME, enregistré le 29 mars 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le ministre demande au Conseil d’Etat :
1° d’annuler le jugement du 13 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Gribelbauer, président de l’association française de l’apprentissage de la conduite, le refus implicite du préfet de la Moselle de lui communiquer les statistiques de réussite au permis de conduire établies par auto-école dans son département ;
2° de rejeter la demande présentée par le président de l’association française de l’apprentissage de la conduite devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative,
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’Association française de l’apprentissage de la conduite (AFAC) a demandé au préfet de la Moselle, sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, communication de statistiques récapitulant, pour chacune des auto-écoles du département de la Moselle, d’une part le nombre d’élèves présentés et reçus à l’examen du permis de conduire, d’autre part le taux de réussite à cet examen calculé sur la base de ces éléments ; qu’à la suite du refus opposé par le préfet à cette demande, l’AFAC a saisi la commission d’accès aux documents administratifs qui a émis, le 27 mai 1992, un avis favorable à la communication de ces documents, sous réserve de l’occultation des mentions relatives aux effectifs des candidats présentés, au motif que la communication de cet élément serait de nature à porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle au sens de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ; que le préfet n’a pas donné suite à la nouvelle demande formulée par l’AFAC à la suite de cet avis ; que l’AFAC a formé devant le tribunal administratif de Strasbourg un recours en annulation de la décision de rejet née du silence gardé par le préfet ; que le MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif a annulé le refus implicite du préfet ;
Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dans sa rédaction alors applicable : "Sont réputées nominatives au sens de la présente loi les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l’identification de personnes physiques auxquelles elles s’appliquent, que le traitement soit effectué par une personne physique ou par une personne morale" ; qu’aux termes de l’article 5 de ladite loi : "Est dénommé traitement automatisé d’informations nominatives au sens de la présente loi tout ensemble d’opérations réalisées par des moyens informatiques, relatifs à la collecte, l’enregistrement, l’élaboration, la modification, la conservation et la destruction d’informations nominatives ainsi que tout ensemble d’opérations de même nature se rapportant à l’exploitation de fichiers ou bases de données et notamment les interconnexions ou rapprochements, consultations ou communications d’informations nominatives" ; qu’il résulte des termes de ces dispositions législatives, éclairées au surplus par leurs travaux préparatoires, que les informations nominatives qu’elles mentionnent sont celles qui permettent d’identifier des personnes physiques ; que les entrepreneurs individuels, pris en cette qualité, ne sont pas des personnes physiques pour l’application de ces dispositions ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, si les statistiques dont l’AFAC demande communication sont issues d’un traitement automatisé d’informations, elles ne contiennent aucune donnée permettant l’identification de personnes physiques, ni aucun élément constituant une information nominative, au sens des dispositions susanalysées de la loi du 6 janvier 1978 ; qu’ainsi, le ministre n’est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que la communication des statistiques en cause était régie par les dispositions précitées de la loi du 17 juillet 1978 et non par celles de la loi du 6 janvier 1978 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 modifiée portant mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal dans sa rédaction alors applicable : "Le droit de toute personne à l’information est garanti par le présent titre, en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs de caractère non nominatif. Sont considérés comme documents administratifs au sens du présent titre tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires... prévisions et décisions revêtant la forme d’écrits, d’enregistrements sonores et visuels, de traitements automatisés d’informations non nominatives" ; qu’aux termes de l’article 2 de cette loi : "Sous réserve des dispositions de l’article 6, les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande" ; qu’aux termes de l’article 6 de ladite loi : "Les administrations... peuvent refuser de laisser consulter ou de communiquer un document dont la consultation ou la communication porterait atteinte : ... au secret en matière commerciale et industrielle..." ; qu’aux termes de l’article 6 bis de cette loi : "Les personnes qui le demandent ont droit à la communication... des documents de caractère nominatif les concernant..." ; qu’au sens de ces dispositions, éclairées notamment par les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1978, revêtent un caractère nominatif les documents qui permettent de porter une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les statistiques demandées par l’AFAC, qui récapitulent le nombre de candidats présentés à l’examen du permis de conduire et le taux de réussite à cet examen des différentes auto-écoles, ne contiennent aucun élément de caractère nominatif au sens des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 ; qu’elles ne comportent par ailleurs aucune indication relevant du secret en matière commerciale et industrielle au sens de l’article 6 de cette loi ; que, par suite, le ministre n’est pas fondé à soutenir que les statistiques en cause n’auraient pas le caractère de documents administratifs communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le refus implicite du préfet de la Moselle de communiquer à l’AFAC les statistiques retraçant le taux de réussite à l’examen du permis de conduire de chaque auto-école du département de la Moselle ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et à l’Association française de l’apprentissage de la conduite.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1018