format pour impression
(imprimer)

LES AUTRES BREVES :
16/07/2004 : Le Conseil d’Etat confirme la décision de la Fédération Française de Football (FFF) homologuant les résultats du Championnat National pour la saison 2003-2004
11/07/2004 : Le droit public face à sa codification : les PGD garderont-ils leur place ?
10/07/2004 : Le Tribunal administratif confirme la suspension du maire de Bègles
10/07/2004 : Nouvelles règles relatives au dépôt d’objets d’art et d’ameublement dans les administrations
10/07/2004 : Attribution de points d’indice majoré à certains fonctionnaires
4/07/2004 : Polynésie française : la croix de la discorde
3/07/2004 : Vers la création d’un pôle juridictionnel administratif spécialisé en matière d’expulsion ?
2/07/2004 : Le Président de la CAA de Versailles nommé
2/07/2004 : Simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et réduction de leur nombre
2/07/2004 : Simplification du régime d’entrée en vigueur, de transmission et de contrôle des actes des autorités des établissements publics locaux d’enseignement



6 avril 2000

L’humanité en guerre

L’Espagne connaît actuellement une bataille assez féroce au sein de ses tribunaux à propos d’une nouvelle plainte dirigée contre les ex-dictateurs et responsables d’un pays d’Amérique Latine. Après avoir tenté de juger Pinochet pour ses actions au Chili, après s’être intéressée au cas argentin, l’Espagne a été saisie d’une plainte dirigée contre des anciens dirigeants du Guatemala. En l’espèce, l’ancien prix Nobel de la Paix, Rigoberta Menchu, a déposé une plainte contre 3 ex-dictateurs et cinq hauts responsables militaires guatémaltèques, pour les délits de génocide et d’extermination du peuple maya, pour torture, terrorisme, assassinat et détention illégale.

Appelé à connaître de la recevabilité de la plainte, le juge de l’Audience Nationale, Guillermo Ruiz Polanco a admis la demande de Rigoberta Menchu en se fondant notamment sur l’application d’un principe constitutionnel espagnol qui proclame le droit de toutes les personnes à une aide juridictionnelle effective face à des présumés crimes contre l’humanité. En outre, une Loi Organique Espagnole sur le Pouvoir Judiciaire a posé le principe de compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité, c’est à dire que tout pays peut se reconnaître compétent pour juger ces criminels. Dans son ordonnance, le juge a relevé dans un premier temps la carence des tribunaux guatémaltèques en estimant que ces derniers ne pouvaient accorder l’aide que les requérants demandaient. Il affirmait ainsi que les juridictions guatémaltèques doivent être « supplée par les tribunaux qui - comme les tribunaux espagnols - soutiennent l’extraterritorialité de leur juridiction en ce qui concerne le principe légal de poursuite universelle de délits gravement attentatoires aux droits de l’homme  ».

Seulement, cette ordonnance a fait l’objet d’un appel par le procureur général de l’Audience Nationale qui affirmait notamment que l’affaire ne relevait pas de la compétence des juridictions espagnoles et que « le Guatemala a prouvé sa volonté de résoudre les horreurs de son passé.  ». Par ailleurs, le procureur invoquait que les actes faisant l’objet d’une plainte doivent être soumis au droit de la guerre, puisque commis durant la guerre civile. Il relève à cet effet que le juge Polanco « n’opère pas de distinction entre les faits qui se sont produits au cours d’une irréfutable guerre civile et les faits que l’on impute aux personnes contre lesquelles la plainte a été déposée. [et ceci est important puisque les premiers] ne sont pas punissables, car relevant du principe ius in bello  ». De son côté, la partie civile condamnait cette invocation du droit de la guerre en affirmant que «  si on appliquait ce principe, jamais on aurait condamné les nazis qui agirent durant la deuxième Guerre Mondiale. Mais, ceci a été résolu à Nuremberg. C’est incroyable qu’on invoque à nouveau le droit de la guerre pour justifier les atrocités.  ».

En outre, le procureur général - jamais à court d’arguments - invoque à l’appui de sa demande de rejet de la plainte le "principe de la chose jugée". En effet, en 1996, ont été signés des accords de paix entre les deux ennemis de guerre. Suite à ces accords, a été créée la Commission pour l’Eclaircissement Historique et une loi de réconciliation nationale a été adoptée. Mais sur ce point, la partie accusatrice affirme que le principe de la chose jugée est seulement possible quand il y a une résolution ferme. « Confondre quelques accords de paix avec une résolution ferme fait rougir de honte  », affirme l’avocat de Menchu.

Enfin, dernier argument est celui concernant l’assaut contre l’Ambassade d’Espagne au Guatemala en 1980 qui avait entraîné la mort de 37 personnes dont 2 espagnols. Seulement, le procureur général a invoqué au cours de l’audience que « Notre ordonnancement juridique ne réglemente pas les ambassades comme un territoire espagnol à l’étranger, au contraire des navires et des avions espagnols.  ». En se fondant sur toutes ces raisons, le procureur demandait la réformation pour défaut de compétence pour l’instruction et le jugement des délits invoqués. L’affaire a été mise en délibéré mais, la procédure continue néanmoins à suivre son cours, notamment en matière de recherche de preuves. Certains arguments invoqués sont très fortement contestables au niveau juridique, notamment l’invocation du principe de la chose jugée ou, pire encore, le refus de reconnaître les ambassades comme un morceau d’Espagne. Affaire à suivre ....

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site