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3 janvier 2003

Les héritiers doivent-ils s’acquitter du dépassement de plafond des dépenses électorales ?

Dans une décision du 6 décembre 2002 (n° 231868, Mme Marchand et autres ; à paraître), le Conseil d’Etat est revenu sur une position adoptée par la Cour administrative d’appel de Paris dans le domaine du dépassement du plafond des dépenses électorales par un candidat. Le juge suprême estime que le versement mis à sa charge en application de l’article L. 52-15 ne se transmet pas aux héritiers.

Au cours des élections municipales de Boulogne-sur-Mer des 11 et 18 juin 1995, la liste pilotée par M. Muselet recueillait la majorité des voix. Seulement, à la suite d’un recours, le tribunal administratif de Lille constatait un dépassement du plafond des dépenses électorales de plus de 2,5 millions de francs. Déclaré inéligible, le candidat décida de faire appel du jugement. Le 30 octobre 1996, le Conseil d’Etat confirmait la position des juges du fond.

Or, l’article L. 52-15 du Code électoral prévoit en son dernier alinéa que "dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision définitive, la commission fixe alors une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine". En application de cette disposition législative et de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 octobre 1996, le président de la Commission nationale des comptes de campagne adoptait une décision mettant la somme de 2.566.800 francs à la charge des ayants droits de M. Muselet, ce dernier étant décédé le 9 octobre 1996.

Refusant une telle décision, les héritiers décidèrent de saisir le juge administratif. En effet, selon une jurisprudence traditionnelle, les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne détiennent un caractère administratif détachable de l’élection et peuvent donc, en tant que telles, être attaquées devant le juge administratif de droit commun (Conseil d’Etat, 12 octobre 1992, n° 132694, Galy-Dejean).

En première instance, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le 6 juillet 1998 la demande. Saisie en appel la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé cette position dans un arrêt du 25 janvier 2001 malgré des conclusions contraires. Les juges d’appel indiquaient que "ne s’agissant pas d’une sanction à caractère pénal, la dette à l’égard du Trésor public ne disparaît pas avec le décès du débiteur ; que cette dette, qui a un caractère patrimonial, est une dette du candidat à l’égard du Trésor public ; qu’elle doit en conséquence être inscrite au passif de sa succession et, sous réserve que ladite succession soit acceptée, être versée par ses héritiers".

Dans ses conclusions, Victor Haïm citait dans le cadre de sa démonstration les propres conclusions de Laurent Touvet rendues sous la décision du Conseil d’Etat du 30 octobre 1996. Ce dernier estimait que "la dette à l’égard du Trésor ne disparaît pas avec le décès du débiteur" et que "cette somme est une dette du candidat à l’égard du Trésor qu’il faudra inscrire au passif de la succession et devra être versée par les héritiers de M. Muselet".

Rejettant cet argumentaire, Victor Haïm estimait que la sanction prononcée en application de l’article L. 52-15 du Code électoral constitue une "sanction administrative au même titre que la déclaration d’inéligibilité" qui "doit être soumise aux règles qui s’appliquent aux autres sanctions administratives de même nature".

Or, depuis un avis du 5 avril 1996 du Conseil d’Etat (n° 176611, Houdmond), le juge admet que les sanctions administratives ont un caractère répressif car peuvent s’analyser comme une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu’elles visent. Ainsi, une telle sanction "appartient à la matière pénale au sens des stipulations de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, alors même que le législateur a laissé le soin de l’établir et de la prononcer à l’autorité administrative ; par suite, les principes énoncés par lesdites stipulations lui sont applicables" (Conseil d’Etat, 28 juillet 1999, n°188973, GIE Mumm-Perrier-Jouët). En conséquence, et selon une jurisprudence traditionnelle de la CEDH, "hériter de la culpabilité du défunt n’est pas compatible avec les normes de la justice pénale dans une société régie par la prééminence du droit".

En conséquence, Victor Haïm proposait de ne pas mettre à la charge des héritiers le paiement de cette somme. Non suivi par la Cour administrative, les héritiers décidèrent de saisir le Conseil d’Etat. Dans sa décision du 6 décembre 2002, le juge administratif suprême reprend la démonstration opérée par le commissaire du gouvernement en première instance et relève "qu’eu égard à la nature de cet ordre de versement qui constitue une sanction administrative à caractère pécuniaire et au principe de proportionnalité des peines qui en découle, cette circonstance faisait obstacle à ce qu’une telle sanction fût mise à la charge de ses ayants droits". Le juge annule donc la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. (BT)

 


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