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22 juin 2002

Le renvoi préjudiciel pour l’appréciation du respect de la condition de réciprocité dans l’application d’une convention internationale voué à disparaître ?

Par un arrêt en date du 4 juin 2002, la deuxième section de la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré recevable la requête déposée par Mme Chevrol à l’encontre de la France. L’un des points centraux de cette affaire porte sur l’appréciation de la compatibilité de la technique opérée par le juge administratif du renvoi préjudiciel au ministre des Affaires étrangères pour l’appréciation de la condition de réciprocité posée par l’article 55 de la Constitution en matière d’accords internationaux.

Le 17 février 1987, Mme Chevrol, médecin disposant du diplôme de l’Etat algérien obtenu en 1969 sollicité son inscription au tableau du conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Après plusieurs rejets, l’intéressée renouvela sa demande en se fondant sur les dispositions de l’article 5 des accords d’Evian prévoyant que "les grades et diplômes d’enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programmes, de scolarité et d’examens, sont valables de plein droit dans les deux pays".

Après un nouveau rejet le 16 juin 1995, Mme Chevrol présenta auprès du Conseil national de l’ordre des médecins une demande d’annulation. Par une décision en date du 20 mars 1996, le Conseil rejetait la demande. Saisi en appel, le Conseil d’Etat demanda le 29 octobre 1998 par la voie de la technique dite du renvoi préjudiciel au ministère des affaires étrangères d’apprécier l’application des accords d’Evian. Par un arrêt d’Assemblée en date du 9 avril 1999, le Conseil d’Etat rejeta le recours au motif que "par des observations produites le 2 novembre 1998, le ministre des affaires étrangères a fait savoir que les stipulations précitées de l’article 5 [des accords d’Evian] ne pouvaient être regardées comme ayant été en vigueur à la date de la décision attaquée dès lors que, à cette date, la condition de réciprocité posée à l’article 55 de la Constitution n’était pas remplie".

Un recours fut alors déposé par Mme Chevrol devant la Cour européenne des droits de l’homme afin d’obtenir la condamnation de l’Etat français pour la pratique du renvoi préjudiciel. D’où provient cette technique ? L’article 55 de la Constitution de 1958 prévoit que les engagements internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois et cela sous réserve de réciprocité, c’est à dire sous réserve de son application par l’autre partie. Les juridictions françaises apprécient différemment cette condition.

Le Conseil constitutionnel se borne, depuis sa décision IVG de 1975, au constat d’une réciprocité formelle (simple signature et ratification par les Etats-parties contractants). La Cour de cassation quant à elle pose depuis un arrêt du 6 mars 1984 (Mme Kappy épouse Lisak) une présomption irréfragable de réciprocité en considérant que tant que le gouvernement n’a pas pris l’initiative de dénoncer une convention internationale ou de suspendre son application, la condition de réciprocité est remplie.

Devant le juge administratif, l’appréciation de la condition de réciprocité est différente. Depuis un arrêt Rekhou du 29 mai 1951, le Conseil d’Etat renvoie l’appréciation de cette question devant le ministre des Affaires étrangères par la technique dite du renvoi préjudiciel. Cette technique est-elle conforme aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme ?

Dans un arrêt Beaumartin c/ France en date du 24 novembre 1994, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour la technique du renvoi préjudiciel auprès du ministre des affaires étrangères de l’interprétation des textes internationaux (cette technique avait préalablement été abandonnée par le juge suprême en 1990 - arrêt GISTI). La CEDH estimait en effet que le requérant n’avait pas eu droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, le Conseil d’Etat n’exerçant pas alors une plénitude de juridiction sur l’ensemble des questions de droit et de fait relevant de sa compétence. Cette solution est-elle transposable au cas de l’appréciation de la réciprocité des traités ?

Le Gouvernement français répond par la négative est estimant que si l’interprétation de la norme est l’une des missions essentielles du juge, l’appréciation de la condition de réciprocité qui "revient à constater, avec effet rétroactif, l’applicabilité ou l’inapplicabilité d’un engagement international, à partir d’informations relatives au comportement d’un Etat étranger" serait étrangère à la mission naturelle du juge. En conséquence, en opérant un tel renvoi, le Conseil d’Etat ne perdrait pas une plénitude de juridiction.

Seulement relève la requérante, la détermination des règles applicables (et donc des accords internationaux applicables) entre dans les fonctions premières du juge qui doit donc pouvoir apprécier la condition de réciprocité. En outre, dans le cadre d’un tel renvoi, le requérant n’a pas l’occasion de se prononcer sur l’intitulé de la question et le juge s’estime lié par la réponse donnée par l’exécutif ; diminuant ainsi l’exercice de l’ensemble de ses compétences.

Les deux parties sont appelées à présenter le 22 octobre 2002 en audience publique leurs arguments pour une décision attendue d’ici la fin de l’année. (BT).

 


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