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11 juin 2002

L’objectif à valeur constitutionnelle est-il invocable directement par les individus ?

Par une ordonnance en date du 3 mai 2002 (Association de réinsertion sociale du Limousin et autres, n° 245697), le Conseil d’Etat agissant en qualité de juge des référés est venu préciser la possibilité pour un particulier d’invoquer un objectif à valeur constitutionnelle dans le cadre de son recours contentieux.

Dans le cadre du contentieux normatif de nature législative, le Conseil constitutionnel dispose d’un bloc de constitutionnalité qui s’est au fur et à mesure des années élargi afin d’intégrer des sources diverses et variées. Ainsi, outre le seul texte de la Constitution, ce contrôle s’opère également au regard des dispositions du Préambule de la Constitution de 1946, des articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes constitutionnels mais également, vis-à-vis d’objectifs de valeur constitutionnelle.

Ces objectifs sont dégagés au fur et à mesure par le Conseil constitutionnel à l’occasion de son contrôle. Ainsi, ont été dégagé les objectifs destinés à assurer le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale (Décision n° 84-181 DC du 10 octobre 1984 ; Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse), la sauvegarde de l’ordre public (Décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989 ; Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France), le pluralisme des courants d’expression socioculturels (Décision n° 93-333 DC du 21 janvier 1994 ; Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication), la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent (Décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995 ; Loi relative à la diversité de l’habitat), l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi (Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 ; Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes) ou la lutte contre la fraude fiscale (Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ; Loi de finances pour l’année 2000).

Une question s’est rapidement posée à savoir si ces derniers peuvent être invoqués directement par un requérant dans le cadre d’un recours. Le Conseil d’Etat vient d’y apporter dans une ordonnance en date du 3 mai 2002 une réponse négative.

En l’espèce, une association demandait au juge administratif sur le fondement de l’objectif de valeur constitutionnelle posant la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, d’enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de prendre diverses mesures en vue d’assurer le logement immédiat des familles se présentant à un centre d’accueil notamment par la voie de réquisitions de locaux inoccupés.

Rejetant la requête, le Conseil d’Etat relève que "si dans une décision du 29 juillet 1998, le Conseil constitutionnel a qualifié d’objectif de valeur constitutionnelle la "possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent", il n’a pas consacré l’existence d’un droit au logement ayant rang de principe constitutionnel". Le juge administratif suprême repousse donc l’argument invoqué par les requérants. Il estime en effet qu’un objectif de valeur constitutionnelle ne peut être utilement invoqué directement par un requérant à l’encontre d’une décision le touchant.

Cette solution confirme un courant de la doctrine, notamment soutenu par Louis Favoreu, qui estime que de tels objectifs ne sont pas invocables directement par les individus car ils sont "tournés vers les pouvoirs publics". En effet, par cet objectif, le Conseil constitutionnel tend à fixer des délimitations, des buts que doit atteindre le législateur lors de l’adoption des diverses lois.

Plusieurs critiques sont néanmoins à apporter à cette position logique, mais pour le moins restrictive. Tout d’abord, dans le cadre de l’adoption d’ordonnances dites de l’article 38 qui revêtent temporairement un caractère administratif, le juge administratif devrait pouvoir contrôler leur conformité à ces objectifs dégagés par le Conseil constitutionnel et ceci à la demande de tout individu intéressé. En outre, en raison des grandes délégations offertes au Gouvernement par le législateur en matière de détermination des mesures d’application, le Gouvernement devrait également respecter les limitations fixées au Parlement. Les mesures d’application sont en effet inséparables des lois originelles et forment un tout qui doit s’emboîter dans le chenal construit par les objectifs de valeur constitutionnelle. Pour cette raison, les individus devraient être en mesure d’invoquer dans le cadre d’un recours un tel objectif de valeur constitutionnel. (BT)

 


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