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19 mai 2002

Décision n° 88-D-13 du 15 mars 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur des feuilles d’aluminium transformé pour l’emballage et le conditionnement des produits laitiers frais

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre en date du 7 mai 1986 par laquelle le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, a saisi la commission de la concurrence d’un dossier relatif à des pratiques relevées dans le secteur des feuilles d’aluminium transformé pour l’emballage et le conditionnement des produits laitiers frais ;

Vu les ordonnances nos 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble je décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application ;

Vu les pièces du dossier

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (11) ci-après exposées.

I. - Constatations

A. - Les caractéristiques du secteur

Les feuilles d’aluminium transformé sont utilisées par l’industrie laitière pour l’operculage des pots de yaourt, fromages frais et desserts. Elles sont utilisées sous forme d’opercules (forme de couvercle la plus répandue), d’opercules prédécoupées ou de capsules ou collerettes (ces dernières étant désormais peu utilisées).

Les opérations de transformation réalisées par les fournisseurs de feuilles d’aluminium pour l’emballage et le conditionnement des produits laitiers frais consistent à imprimer ou colorier sur une face de la feuille d’aluminium la marque et la présentation demandée par le client et à enduire une laque sur l’autre face destinée au thermoscellage du produit devant être conditionné.  Le travail de transformation engendre ainsi des produits diversifiés répondant aux demandes de la clientèle. L’activité exige des investissements lourds ; le seul coût d’une imprimeuse est évalué à 10 millions de francs.

La demande de feuilles d’aluminium transformé pour l’emballage et le conditionnement de produits laitiers frais est concentrée entre un petit nombre d’acheteurs. Ainsi, les cinq principaux groupes laitiers (Gervais-Danone, SodimaYoplait, La Roche aux Fées, Gama-Nova et Chambourcy) représentent en moyenne plus de 80 p. 100 de la demande en volume adressée aux différents producteurs nationaux d’opercules et capsules. Bien que le coût des opercules et capsules ne représente qu’une faible part du prix de revient total sortie usine d’un pot de yaourt (de l’ordre de 3 à 5 p. 100), les producteurs de produits laitiers frais exercent une influence certaine sur la formation des prix des produits en cause ; à cette fin, ils procèdent par appels d’offres. En définissant des procédures particulières, ils autorisent la modification en cours de marché des niveaux de prix des produits commandés pour tenir compte de l’évolution du prix de la feuille d’aluminium, car ce prix constitue un élément important du prix de revient des produits.

L’offre émane principalement de six entreprises : les sociétés Cebal (ex-société Scal, filiale de Pechiney), Simalu (ex-société R. Simonin, filiale de Cebal), Société alsacienne d’aluminium (filiale de Vereinigte Aluminium Werke), société Raymond Morin, Papeterie des Charentes-Venthenat et Trentesaux-Toulemonde (T.T.T.).

Les trois premières sociétés citées sont ainsi, directement ou indirectement, intégrées à des producteurs d’aluminium (Pechiney et Vereinigte Aluminium Werke).

Hors importation, le marché de la transformation des feuilles d’aluminium pour l’emballage et le conditionnement des produits laitiers frais est dominé par les sociétés Cebal et Alsacienne d’aluminium ; en 1984, à elles d’eux, elles ont réalisé près de 70 p. 100 du volume des ventes réalisées par les producteurs nationaux sur le marché français.

Le marché français est de surcroît approvisionné par le canal de l’importation. Réalisant des ventes en direct, ces opérateurs contrôleraient selon les sources entre 8 et 20 p. 100 de la consommation nationale.

Le marché de la transformation des feuilles d’aluminium pour l’emballage et le conditionnement des produits laitiers frais a connu, dans la période récente, une modification importante liée à l’apparition d’un matériau de substitution mis au point par la société Trentesaux-Toulemonde et dénommé « complexe papier-polyester métallisé ». Ce produit permettrait une économie de 15 à 20 p. 100 par rapport au prix d’achat d’un opercule en aluminium. En 1984, en volume, les ventes en France propres à ce matériau se seraient élevées à 2,4 millions de mètres carrés à comparer aux 37,66 millions de mètres carrés d’opercules et capsules vendues sur ce même marché par les six fournisseurs précédemment cités.

Le succès rencontré par la société Trentesaux-Toulemonde pour ce nouveau produit est de nature à expliquer le déclin 1984-1983 des ventes en volume d’opercules et capsules réalisées en France par les producteurs nationaux (- 2,02 p. 100). Il explique également les tentatives par lesquelles les fournisseurs, en recourant à des feuilles d’aluminium de 30 microns contre 40 microns auparavant, ont cherché à concurrencer le nouveau produit en question.

En raison de la concentration de la demande observée et de la concentration de l’offre relevée, eu égard également au mode de passation des marchés par voie d’appels d’offres adopté par les principaux fournisseurs et à la méthode de révision de prix employée, le fonctionnement du marché de l’opercule et de la capsule d’aluminium se caractérise par sa transparence.

Cette situation de fait peut expliquer les similitudes dans les hausses de prix constatées d’autant que, parallèlement, les transformateurs en cause ont subi des hausses au titre des feuilles d’aluminium utilisées.

B. - Les pratiques relevées

Antérieurement à 1984, un centre de documentation sans structure juridique puis, postérieurement à cette date, le syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces

d’aluminium qui a succédé à ce centre ont organisé, de février 1983 à février 1985 (pièce 152), des réunions au cours desquelles des fabricants de feuilles d’aluminium transformé ont évoqué l’incidence des hausses de prix des matières premières sur les prix des produits transformés.

Différentes pièces révèlent que, s’agissant de produits particuliers, le centre de documentation a établi, du moins jusqu’en novembre 1984, des états statistiques mensuels et donnant des moyennes des prix les plus bas et des prix les plus élevés constatés sur le marché français. Selon le représentant du syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces d’aluminium, « les statistiques de prix moyens constatés sur le marché ne sont plus établies par le syndicat, car elles étaient de nature à susciter une transparence excessive » (pièces 154, 155, 1 0, 170 bis et 185).

Il a enfin été constaté que le centre de documentation, puis le syndicat, ont communiqué aux adhérents qui en formulaient la demande, les prix pratiqués chez les différents clients étant précisé que les adhérents envoyaient systématiquement leurs factures au centre, puis au syndicat et que le système d’information ainsi mis en place assurait l’anonymat des fournisseurs (pièces 154 et 155).

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence

Considérant que, dans le cas où les faits constatés sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, l’absence de vide juridique résulte de l’application des règles de fond contenues dans l’ordonnance du 30 juin 1945, dans la mesure où les qualifications énoncées par celle-ci sont reprises par le nouveau texte ; que l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les pouvoirs de qualification des pratiques anticoncurrentielles et de décision, antérieurement dévolus au ministre chargé de l’économie, sont confiés au Conseil de la concurrence ; qu’en vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 59 de cette ordonnance, demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’enfin les pratiques qui étaient visées par les dispositions du premier alinéa de l’article 50 de cette dernière ordonnance et auxquelles les dispositions de son article 51 n’étaient pas applicables, sont identiques à celles qui sont prohibées par l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 Sur les réunions professionnelles :

Considérant que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que des consignes, directives ou recommandations en matière de prix auraient été élaborées ou diffusées lors des réunions organisées par le syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces d’aluminium et au cours desquelles des fabricants de feuilles d’aluminium transformé ont évoqué l’incidence des hausses de prix des matières premières sur les prix des produits transformés

Sur les échanges d’informations :

Considérant que les échanges d’informations sur les prix se traduisant par la diffusion, sous forme de mercuriales, de prix pratiqués ou de remises consenties ne sont pas contraires aux dispositions de l’article 50 lorsque ces données, constatées a posteriori, traduisant les résultats observés sur un marché concurrentiel ne sont pas individualisées et ne permettent pas à chaque participant de modifier sa politique tarifaire en fonction de celle constatée chez ses concurrents ;

Considérant, au cas d’espèce et en premier lieu, que les sociétés Cebal, Alsacienne d’aluminium, Raymond Morin, Papeterie des Charentes-Venthenat et Simatu ne contestent pas la diffusion, jusqu’en novembre 1984, par le centre de documentation puis par le syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces d’aluminium, d’états statistiques mensuels donnant des moyennes des prix les plus bas et des prix les plus élevés constatés sur le marché français ; qu’il n’est pas établi par l’instruction que la diffusion de ces résultats globaux ait eu pour objet ou pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence par les prix ,

Considérant, en second lieu, que les sociétés Cebal, Alsacienne d’aluminium, Raymond Morin, Papeterie des Charentes-Venthenat et le syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces d’aluminium ne contestent pas l’existence d’un système d’échange d’informations sur les prix par lequel les offreurs ont pu obtenir communication des niveaux de prix pratiqués chez différents clients ; que cet échange d’informations, s’il préservait l’anonymat des fournisseurs, permettait cependant aux participants de connaître les prix qui avaient été pratiqués vis-à-vis de clients nommément désignés  ; qu’il était ainsi susceptible de permettre à chacun des fournisseurs intéressés de prendre en compte les offres qui avaient été antérieurement faites par ses concurrents aux clients considérés comme référence pour établir ses propres propositions ; qu’ainsi cet échange d’informations pouvait avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence par les prix sur le marché ;

Considérant que les fournisseurs d’opercules et capsules justifient cet échange d’informations par le fait que le marché se caractérise par la présence d’acheteurs puissants ; que cependant un système d’informations sur les prix susceptible de restreindre le jeu de la concurrence ne saurait être justifié par le besoin de vérifier les dires des clients sur les conditions qu’ils auraient obtenues dans le passé, même si les fournisseurs s’estiment en état d’infériorité face à ces clients ;

Considérant, dès lors, qu’en mettant en oeuvre l’accord d’informations sur les prix pratiqués vis-à-vis de clients nommément désignés, les entreprises susmentionnées et le syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces d’aluminium ont contrevenu aux dispositions de l’article 50 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; que les dispositions de son article 51 ne sont pas applicables , que les faits constatés sont également contraires aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Considérant toutefois que les parties en cause ont renoncé à poursuivre l’échange d’informations portant sur les prix les plus élevés et les plus bas observés sur le marché  ; que les informations communiquées à l’occasion du second échange d’informations ne permettaient pas d’identifier les fournisseurs des clients considérés et que les prix transmis correspondaient à des transactions qui avaient pu s’effectuer plusieurs mois auparavant, alors même que le prix de l’aluminium avait pu évoluer de façon notable ; qu’enfin les parts de marché des différents producteurs ont évolué ;

Considérant, dans ces conditions, qu’il n’y a pas lieu d’infliger de sanctions pécuniaires aux parties en cause mais qu’il y a lieu de leur enjoindre de mettre un terme à leur pratique,

D E C I D E :

Article unique  : Il est enjoint au syndicat des transformateurs de feuilles et bandes minces d’aluminium de cesser d’assurer la diffusion d’informations quant aux niveaux de prix pratiqués par les fournisseurs chez les différents clients.

Délibéré en section sur le rapport de M. A.-P. WEBER, dans sa séance du 15 mars 1988, où siégeaient M. PINEAU, vice-président ; MM. AZEMA, CABUT, CORTESSE, SARGOS, URBAIN, membres.

 


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