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L’incompatibilité de la fonction de ministre avec celle d’élu local n’est pas une règle de droit.

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

L’obligation imposée par le Premier ministre aux membres du Gouvernement de ne pas cumuler leur fonction ministérielle avec un mandat exécutif local ne constitue pas une règle de droit.

Référence : CE, Ordonnance de référé, 22 mars 2001, M. Meyet, n° 231601

Le 19 mars 2001, au lendemain du second tour des élections municipales et cantonales, Lionel Jospin a imposé à ses ministres et membres du Gouvernement, une règle de non-cumul de cette fonction avec celle de maire. Dans un communiqué publié le jour même, Matignon indiquait que « Le Premier ministre a demandé à tous les membres du gouvernement élus maires ou pouvant l’être de renoncer à l’exercice de ces fonctions ».

L’application d’une telle règle peut paraître étonnante puisque le Code électoral reste totalement muet sur ce principe, même dans sa version issue des lois du 5 avril 2000 tendant à la limitation du nombre des mandats. Ces lois avaient notamment limité le cumul d’une fonction exécutive locale avec plus d’une fonction élective nationale. Une exception s’appliquait néanmoins aux députés européens, interdits de cumuler tout mandat.

Le Premier ministre laissait donc quelques semaines à chacun des ministres pour se soumettre .. ou se voir démettre. Non contents d’une telle position, quelques électeurs ont tenté divers recours. Un électeur des Vosges a ainsi saisi la justice pénale pour détournement de vote. Sa plainte est en cours d’examen. Un autre électeur, plus médiatique que le précédent, a choisi de saisir en référé la justice administrative.

En effet, Alain Meyet a déposé deux recours le 20 mars 2001 demandant au juge administratif de suspendre, pour une durée de deux mois, la décision exprimée verbalement le 19 mars 2001, par laquelle le Premier ministre interdit aux membres du Gouvernement élus lors des élections municipales des 11 et 18 mars 2001 qui briquent un poste de maire de cumuler l’exercice de cette fonction élective et la poursuite de leur activité ministérielle. Par ailleurs, M. Meyet demande au juge administratif d’enjoindre au Premier ministre de renoncer à la mise en application de la règle d’incompatibilité qu’il a édictée et de laisser toute lassitude dans le domaine considéré aux intéressés.

Electeur de la commune de Pré-Saint-Gervais où se présentait Claude Bartolone, M. Meyet avait intérêt à l’annulation de ladite décision. Seulement, le Conseil d’Etat a choisi une voie beaucoup plus contestable pour le débouter de son action.

En effet, le Conseil d’Etat a ici estimé qu’« en exprimant le souhait que les membres de son Gouvernement n’exercent pas en même temps les fonctions de maire, le Premier ministre n’a édicté aucune règle de droit positif et n’a porté atteinte à aucune liberté fondamentale ».

Cette solution est fortement contestable. En effet, il ressort clairement du communiqué de presse de Matignon, et des déclarations qui ont suivi, que les ministres étaient dans l’obligation d’abandonner l’exercice de toute fonction exécutive locale sous peine d’être privés de ministère. La règle de droit positif existe. Par ailleurs, alors que seule la loi peut fixer le régime des incompatibilités, il est clair que le Premier ministre était incompétent pour prendre une telle décision.

Le Conseil d’Etat a semble-t-il souhaité, esquiver ce débat trop politique, au mépris du droit positif.

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 22 mars 2001

 


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