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2 juillet 2002

Le juge administratif suprême reconnaît une responsabilité de l’Etat à raison d’un caractère déraisonnable d’une procédure

Dans un arrêt d’assemblée en date du 28 juin 2002 (Garde des Sceaux, ministre de la justice c/ M. Magiera, n° 239575 ; à paraître), le Conseil d’Etat vient d’appliquer directement les principes posés par l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme en matière de délai anormal long d’une procédure judiciaire. Y voyant un principe général du droit, le Conseil d’Etat donne ainsi naissance à un nouvel "grand arrêt".

L’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales prévoit que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil". Un tel article visant les procédures de nature civile est-il applicable aux procédures intentées devant le juge administratif ?

En premier ressort, la Cour administrative d’appel de Paris avait donné raison dans un arrêt du 11 juillet 2001 à un requérant en condamnation l’Etat à lui verser une indemnité de 30.000 F à raison du préjudice né du délai excessif du jugement d’un précédent litige. Appelé en cassation, le juge administratif suprême vient de se pencher sur la question.

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion d’appliquer des principes posés par l’article 6 de la Convention européenne notamment en matière de participation du rapporteur au délibéré de plusieurs instances juridictionnelles spéciales. A ce titre, le juge administratif avait reconnu une applicabilité conditionnée de l’article 6 à ces procédures, conditionnée car à plusieurs reprises, le Conseil d’Etat a refusé son application, les procédures visées n’ayant aucun caractère civil ou pénal. Un problème s’élevait : si l’on reconnaissait une application directe de l’ensemble des principes de l’article 6 de la CEDH, une partie des litiges soumis au juge administratif auraient été mis à l’écart d’une telle application.

Pour contourner cette situation, le Conseil d’Etat a franchi un pas important. Il estime en effet que de ces dispositions "lorsque le litige entre dans leur champ d’application, ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives", il résulte que "les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable".

Ainsi, le juge administratif suprême érige en véritable principe général du droit (fondé pour la première fois sur des dispositions communautaires), ce droit à avoir sa cause entendue dans un délai raisonnable et ceci quelles que soient les procédures en causes.

Le juge rajoute que "si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l’issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect". En conséquence, le Conseil d’Etat reconnaît aux justiciables le droit d’obtenir réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice et ceci auprès de l’Etat.

Reprenant, les critères dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme, le juge précise que le caractère raisonnable du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier de manière à la fois globale (prendre en compte l’exercice des voies de recours) et concrète (prendre en compte la complexité de l’affaire et le comportement des parties tout au long de la procédure).

Si ces critères sont réunis, la requête en responsabilité engagée par le justiciable devra permettre la réparation de l’ensemble des dommages tant matériels et moraux, directs et certains, qui ont pu lui être causés et dont la réparation ne se trouve pas assurée par la décision rendue sur le litige principal. Il pourra notamment s’agir d’une perte d’un avantage ou d’une chance. Il devra néanmoins s’agir de désagréments provoqués par une durée abusivement longue d’une procédure et qui vont au-delà des "préoccupations habituellement causées par un procès".

Cet arrêt de principe marque à n’en point douter un tournant important dans le droit des citoyens. Ces derniers pourront dorénavant obtenir des dédommagements en cause de procédure anormalement longue. Mais également, n’est-ce pas une nouvelle voie de recours pour obtenir une satisfaction en cas de rejet - après de longues années de procédure - de la requête ? (BT)

 


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