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Tribunal administratif de Lille, référé, 17 avril 2002, n° 02-963, M. Ryski A.

Le refus d’abrogation de l’arrêté d’expulsion, qui rend toujours possible l’éloignement du requérant hors de France, et ne permet pas une régularisation de sa situation sur le sol français, tend à accentuer la précarisation des conditions de vie du requérant. Dans ces conditions, les éléments ainsi invoqués sont de nature à démontrer une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de l’intéressé.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE

Instance n° 02-963

M. Rysky A.

Ordonnance du 17 avril 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le magistrat délégué,

Vu, la requête, enregistrée le 12 mars 2002, sous le n° 02-2963, présentée pour M. Ryskik A. par Me Berthe, avocat ; M. A. demande que le juge du référé administratif suspende l’exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté sa demande d’abrogation de l’arrêté ministériel d’expulsion du 23 février 1998, enjoigne au ministre de l’intérieur de lui délivrer un titre de séjour l’autorisant à travailler, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir, condamne le ministre de l’intérieur à lui verser une somme de 765 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A. soutient :

• d’une part, que son recours en annulation contient des moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, en ce sens que la requête est recevable nonobstant les dispositions de l’article 28 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et l’existence d’un recours pendant devant la cour européenne des droits de l’homme ; que la nécessité impérieuse pour la sécurité publique ne peut être ici valablement retenue, l’intéressé n’ayant plus causé le moindre trouble à l’ordre public, depuis la prise de l’arrêté d’expulsion, la dernière condamnation pénale remontant déjà à cinq années par rapport à cette mesure, l’attitude de l’administration à son égard ne démontrant aucun empressement à l’éloigner ; que le maintien de l’arrêté d’expulsion porte bien une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, étant précisé que tous les autres membres de la famille demeurent toujours sur le sol français, qu’il y a atteinte à la vie privée et intime de l’intéressé, ainsi qu’une atteinte à ses relations sociales ;

• d’autre part, que la condition d’urgence est par principe remplie en cas d’arrêté ministériel d’expulsion, qu’en l’espèce, l’intéressé est privé de titre de séjour et d’autorisation de travail, donc dépourvu de toute revenu, alors qu’il a notamment la charge de sa fille qui poursuit ses études et qu’un éloignement impliquerait une rupture totale avec son environnement familial et social ;

Vu, le mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2002, présenté par le ministre de l’intérieur qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la condition d’urgence n’est pas ici satisfaite dans la mesure où l’intéressé se trouve depuis six ans sous le coup d’un arrêté d’expulsion, et que la décision attaquée s’analysant comme un refus d’abroger cette mesure n’accentue en rien la précarité de sa situation personnelle ; qu’en outre, il n’existe pas de doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, dès lors que le ministre était tenu de rejeter la demande d’abrogation, au regard des prescriptions de l’article 28 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, que compte-tenu de la dangerosité du requérant pour l’ordre public, le moyen tiré d’une erreur d’appréciation doit être écarté, qu’eu égard à cette dangerosité, aucune atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale n’est établie, qu’enfin, la suspension demandée aurait des effets identiques à ceux de l’exécution d’un jugement suspendant pour défaut de base légale une décision de refus d’abrogation d’une mesure d’expulsion, ce qui serait contraire aux dispositions combinées des articles L. 521-2 et L. 511-1 du code de justice administrative ;

Vu la délégation du président du Tribunal en date du 2 janvier 2002 ;

Vu les pièces jointes au dossier ;

Vu la requête en annulation présentée pour M. A. ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 avril 2002 :
- le rapport de M. Lepers, premier conseiller,
- les observations de Me Berthe, avocat de M. A.

Sur la demande de suspension :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision." ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant et des intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, par arrêté du 23 février 1998, le ministre de l’intérieur a ordonné l’expulsion de M. Ryski A., ressortissant algérien né le 27 août 1961 ; que, par décision implicite résultant du silence gardé par le ministre sur la demande d’abrogation de cet arrêté, le ministre a rejeté ladite demande ; que M. A. soutient que l’exécution de la mesure d’expulsion aurait des conséquences graves et immédiates, sur sa situation personnelle sous la forme d’une rupture totale d’avec son environnement familial et social, et que du fait du maintien de cette mesure, il se trouve privé de titre de séjour et d’autorisation de travail, ce qui aggrave une situation de grande précarité ; que, contrairement aux allégations du ministre de l’intérieur, le refus d’abrogation de l’arrêté précité, qui rend toujours possible l’éloignement du requérant hors de France, et ne permet pas une régularisation de sa situation sur le sol français, tend à accentuer la précarisation des conditions de vie de M. A. ; que, dans ces conditions, les éléments ainsi invoqués sont de nature à démontrer une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de l’intéressé ; que, dès lors, la condition d’urgence posée à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est suffisamment établie ;

Considérant qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision attaquée ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution" ;

Considérant que la présente ordonnance n’implique pas nécessairement qu’il soit enjoint à l’administration de délivrer à M. A. un titre de séjour comportant autorisation à travailler ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte présentées par celui-ci ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat, partie perdante à l’instance, à verser à M. A. une somme de 300 euros, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté la demande d’abrogation de l’arrêté d’expulsion visant M. Ryski A. est suspendue.

Article 2 : l’Etat est condamné à verser à M. A. une somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

 


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