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Cour administrative d’appel de Paris, 14 février 2002, n° 97PA01058, Territoire de la Nouvelle-Calédonie

Aucune des dispositions statutaires, législatives ou réglementaires applicables au vote du budget du territoire de la Nouvelle-Calédonie ne prévoit que le principe de non affectation des recettes aux dépenses s’applique à son budget. En conséquence, ce principe de non-affectation n’a pas de valeur constitutionnelle.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N° 97PA01058

TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE

M. COUZINET
Président

M. LE GOFF
Rapporteur

Mme KIMMERLIN
Commissaire du Gouvernement

Séance du 29 janvier 2002

Lecture du 14 février 2002

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

(2ème chambre B)

VU la requête enregistrée le 25 avril 1997 au greffe de la cour, présentée par le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE, représenté par le délégué du Gouvernement, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ; le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE demande à la cour d’annuler le jugement n°s 9600234 à 9600237-9600306 et 9600314 en date du 27 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a, à la demande de l’Union territoriale Force ouvrière, de M. Robert F., de M. Dominique F., de M. Georges M., de la Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique et parapublique et du Syndicat ouvrier des travaux publics et des municipalités de la Nouvelle-Calédonie, annulé la délibération du congrès du territoire du 22 août 1996 portant création d’une imposition intitulée "contribution sociale" et a condamné le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE à verser à la Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique et parapublique une somme de 50.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU l’ordonnance du 17 octobre 2001 par laquelle le président de la 2ème chambre a prononcé la clôture de l’instruction à la date du 19 novembre 2001 à 15 h ;

VU la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

VU la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ;

VU la loi n° 90-1247 du 29 décembre 1990 ;

VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

VU le décret n° 92-163 du 20 février 1992 ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 29 janvier 2002 :
- le rapport de M. LE GOFF, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu’il résulte de l’argumentation présentée dans le cadre de la requête du TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE que celle-ci tend seulement à l’annulation des articles îer et 2 du jugement en date du 27 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a, à la demande de l’Union territoriale Force ouvrière, de M. Robert Fort, de M. Dominique Frontier, de M. Georges Mabru, de la Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique et parapublique et du Syndicat ouvrier des travaux publics et des municipalités de la Nouvelle-Calédonie, annulé la délibération du congrès du territoire du 22 août 1996 portant création d’une imposition intitulée "contribution sociale" et a, en outre, condamné le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE à verser à la Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique et parapublique une somme de 50.000 F CFP ; que, dans ces conditions, ta requête présentée à la cour doit être regardée comme dirigée contre les articles 1er et 2 du jugement attaqué ;

Sur la régularité du jugement attaque :

Considérant que, pour annuler la délibération litigieuse, le tribunal administratif de Nouméa a accueilli, notamment, le moyen tiré de ce que le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE ne pouvait légalement instituer une imposition au profit d’une personne morale de droit privé, fût-elle chargée de la gestion d’un service public, en se fondant sur les dispositions combinées des articles 13, 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’article 9 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ; que la circonstance qu’aucun des demandeurs n’ait mentionné expressément l’article 15 de cette Déclaration dans ses écritures n’empêchait nullement le tribunal de rechercher, comme il lui incombait, les dispositions constitutionnelles ou législatives susceptibles de servir de fondement à la règle dont la violation était invoquée devant lui ; que, par suite le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE n’est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à la suite d’une procédure irrégulière ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : "Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés" ; que l’article 14 de ladite Déclaration dispose : "Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir, d’en suivre l’emploi, et déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée" ; que ces dispositions ne s’opposent pas à ce que le produit d’un impôt soit attribué à une personne privée chargée d’une mission de service public ; que présente un tel caractère la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT) laquelle, créée par un arrêté du haut-commissaire de la République du 26 décembre 1958, jouit de la personnalité morale, est dotée de l’autonomie financière, fonctionne conformément aux dispositions de la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels et des textes qui l’ont modifiée, a été progressivement chargée, au profit des travailleurs de Nouvelle-Calédonie, de la gestion de cinq régimes de prestations sociales liés aux accidents de travail, à la famille, à la retraite, à la maladie et au chômage, et est, de surcroît, soumise à une tutelle administrative et à des contrôles budgétaires et financiers ; qu’ainsi le congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie, qui a compétence en matière fiscale, en application de l’article 9 de la loi du 9 novembre 1988, a pu légalement décider que le produit de la contribution sociale créée par délibération du 22 août 1996 lui serait, pour sa plus grande part, attribué ;

Considérant que le principe d’égalité devant les charges publiques ne s’oppose pas à ce que des dispositions différentes soient appliquées à des personnes qui ne se trouvent pas dans la même situation ; qu’il était loisible à l’assemblée territoriale de fixer des modalités différentes pour déterminer l’assiette du revenu imposable ; que toutefois ces modalités ne peuvent, sans méconnaître le principe d’égalité, conduire à des disparités importantes entre les contribuables ; qu’en l’espèce le congrès a décidé d’asseoir la contribution sociale sur le revenu brut en ce qui concerne les salariés et sur le bénéfice net en ce qui concerne les travailleurs indépendants ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en instituant cette disparité, qui n’aboutit qu’à une différence d’imposition mineure, le congrès ait méconnu le principe d’égalité devant les charges publiques ;

Considérant que l’article 38 de la loi du 9 novembre 1988, qui a trait aux budgets des provinces, prévoit que ceux-ci doivent être votés en équilibre réel ; que l’article 58 de ladite loi concerne le vote en équilibre réel du budget du territoire ; que l’article 23 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique prévoit seulement qu’il est fait recette du montant intégral des produits sans contraction entre les recettes et les dépenses ; qu’aucune de ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou régleméntaire ne prévoit que le principe de non affectation des recettes aux dépenses s’applique au budget du territoire ; qu’ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe ne peut être utilement invoqué ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur la violation de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, du principe d’égalité devant les charges publiques et du principe d’universalité budgétaire pour annuler la délibération du congrès du territoire du 22 août 1996 portant création d’une imposition intitulée "contribution sociale" ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par l’Union territoriale Force ouvrière, M. Robert Fort, M. Dominique Frontier, M. Georges Mabru, la Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique et parapublique et le Syndicat ouvrier des travaux publics et des municipalités de la Nouvelle-Calédonie devant le tribunal administratif de Nouméa ;

Considérant qu’en vertu de l’article 68 de la loi du 9 novembre 1988, le comité consultatif doit être, sans délai, informé par le haut-commissaire des projets de loi et de décret relatifs au territoire, du projet de budget et des principales décisions modificatives ainsi que des mesures qu’il est appelé à prendre en vertu des articles 66 et 67 de cette loi que la délibération litigieuse ne résulte pas d’un projet présenté par celui-ci ; qu’il suit de là que ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées ;

Considérant, qu’en vertu de l’article 42 de la loi du 9 novembre 1988, le congrès tient chaque année deux sessions ordinaires, la première, dite session administrative, et la seconde dite session budgétaire ; et qu’aux termes de l’article 54 de la même loi : "Lorsque le budget du territoire a été adopté, les délibérations votées par le congrès en matière de contributions directes ou taxes assimilées au cours de la session budgétaire mentionnée à l’article 42 entrent en vigueur le 31 décembre suivant l’ouverture de cette session, alors même qu’elles n’auraient pu être publiées à cette date. Les règles applicables aux impôts sur le revenu et à l’impôt sur le bénéfice des sociétés et autres personnes morales sont celles en vigueur au dernier jour de la période au titre de laquelle l’impôt est dû" ; que le moyen tiré de ce qu’aucune délibération en matière fiscale ne peut intervenir en dehors des sessions budgétaires ne peut être utilement invoqué dès lors que les dispositions de l’article 54 précité n’instituent aucune règle de cette nature ;

Considérant que dès lors que la délibération litigieuse a institué une imposition, elle ne peut s’analyser comme une subvention ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que le congrès aurait pris une mesure discriminatoire à l’égard de certaines catégories de travailleurs en accordant une subvention à la CAFAT ne peut qu’être rejeté comme inopérant ;

Considérant qu’en raison de la nature fiscale de la contribution sociale créée par la délibération litigieuse, le moyen tiré de ce qu’elle instituerait une solidarité ne bénéficiant pas à l’ensemble des travailleurs est inopérant ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a annulé la délibération du congrès du territoire du 22 août 1996 portant création d’une imposition intitulée "contribution sociale" et a condamné le territoire à verser à la Fédération des syndicats des fonctionnaires, agents et ouvriers de la fonction publique et parapublique une somme de 50.000 F CFP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 27 décembre 1996 sont annulés.

 


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