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19 mai 2002

Décision n° 88-D-23 du 10 mai 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur de l’optique dans le département de la Loire

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

Vu la lettre du 14 octobre 1986, par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de la privatisation a saisi la Commission de la concurrence d’un dossier relatif à des pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur de l’optique dans le département de la Loire ;

Vu les ordonnances nos 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les observations présentées par les parties ;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - CONSTATATIONS

Par une convention conclue en 1972 entre la Mutuelle chirurgicale et médicale de la Loire (M.C.M.L.) et la Chambre syndicale des opticiens de la région Rhône-Alpes (C.S.O.R.A.) les opticiens du département, membres de la chambre syndicale, accordent aux adhérents de la M.C.M.L. ayant opté pour la garantie Optique, sur présentation d’une ordonnance médicale, une remise sur les fournitures de lunetterie, verres, montures, étuis et verres de contact dont le prix est supérieur au tarif interministériel. La remise est versée à l’adhérent par la M.C.M.L. en complément de ses prestations propres. En application de ce dispositif, là C.S.O.R.A. notifie chaque année à la M.C.M.L. la liste des opticiens signataires de la convention. La M.C.M.L. est ainsi en mesure de communiquer à ses adhérents la liste des opticiens concernés, lesquels reçoivent un panonceau, à apposer dans leur magasin, signalant à la clientèle leur agrément à la M.C.M.L.

L’application de la convention a été faite, jusqu’au terme de l’année 1984, sans que des opticiens aient fait l’objet d’une exclusive, soit en raison de leur appartenance syndicale, soit en raison de leur politique commerciale. Elle est alors dénoncée par des opticiens signataires, regroupés au sein d’une nouvelle organisation, indépendante de la C.S.O.R.A., le Groupement des opticiens de la Loire (G.O.L.). De nouvelles conventions ont alors été successivement conclues en date des 14 décembre 1984, 19 décembre 1986 et 29 mars 1988, cette dernière n’étant pas encore entrée en vigueur au jour de la présente décision.

a) La convention du 14 décembre 1984

La convention, en date du 14 décembre 1984, signée entre la M.C.M,L. et le G.O.L., permet à ce dernier de contrôler les demandes d’adhésion des opticiens à ladite convention.  En effet, en application de son article 7, « la M.C.M.L. s’engage à ne pas signer d’autre convention avec d’autres points de vente que ceux mentionnés sur la liste des membres du G.O.L. qui lui sera communiquée par ce dernier ». Il résulte des pièces n°15 versées au dossier que la remise offerte aux adhérents se trouve par ailleurs limitée à 90 F, alors qu’elle était précédemment fixée à 1 0 p. 1 00 sans limitation et calculée « sur la totalité des frais réels  ».

L’instruction a révélé que, dans son application, la convention a interdit à un distributeur, ayant fait de la fourniture de montures de lunettes « à prix coûtant » un argument commercial, de participer au système de remise, sa demande d’adhésion au G.O.L. ayant été rejetée.

A la suite d’une enquête administrative, par un avenant à la convention en cause en date du 20 décembre 1985, le G.O.L. a accepté le principe de la signature par la M.C.M.L. d’une convention identique avec d’autres points de vente du département. La M.C.M.L. n’a toutefois pas admis l’adhésion du distributeur susmentionné.

b) La convention du 19 décembre 1986

Une nouvelle convention, en date du 19 décembre 1986 (pièces n°15), a été conclue entre le G.O.L. et la Mutualité de la Loire laquelle se substitue à la M.C.M.L. La Mutualité de la Loire regroupe 95 p. 100 des mutualistes du département ; elle contrôle des centres optiques mutualistes concurrents des autres opticiens.

La convention réaffirme, par inadvertance selon les déclarations faites à l’instruction par les intéressés, le principe de l’exclusivité antérieurement consentie au G.O.L. pour l’agrément des opticiens pouvant participer au système des remises. La disposition en cause est toutefois éphémère puisqu’un avenant du 8 janvier 1987, modifiant J’article 7 de la convention, lui substitue un accord tendant seulement à rendre obligatoire l’information du G.O.L., par la Mutualité de la Loire, de tout projet d’adhésion à la convention de points de vente non membres du G.O.L. L’article 2 de la convention reprend par ailleurs la disposition figurant au même article de la convention précédente et prévoyant un plafond de remise dont le montant, indexé, a été fixé à 95 F.

Les demandes d’adhésion formulées auprès de la Mutualité de la Loire par le distributeur vendant « à prix coûtant » sont demeurées insatisfaites.

c) La convention du 29 mars 1988

En réponse au rapport qui lui a été notifié, la Mutualité de la Loire a présenté le texte, signé des deux parties, d’une nouvelle convention modifiant en particulier les articles 2 et 7 de la convention antérieure. L’article 2 nouveau stipule ainsi que le fournisseur de l’adhérent mutualiste, membre du G.O.L. offre une remise qui « sera au minimum de 10 p. 100 sur les 1 000 premiers francs de frais réellement payés au fournisseur.  Au-delà de ce plancher, cette remise est laissée à la discrétion de chaque fournisseur opticien ». Par ailleurs, l’article 7 prévoit que « la Mutualité de la Loire garde la libre disposition de signer toute convention ayant le même objet avec des opticiens autres que ceux mentionnés sur la liste des membres du G.O.L. ».

II. - A LA LUMIERE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Sur les textes applicables :

Considérant que, dans le cas où les faits constatés sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, l’absence de vide juridique résulte de l’application des règles de fond contenues dans l’ordonnance du 30 juin 1945 dans la mesure où les qualifications énoncées par celle-ci sont reprises par le nouveau texte , que l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les pouvoirs de qualification des pratiques anticoncurrentielles et de décision, antérieurement dévolus au ministre chargé de l’économie, sont confiés au Conseil de la concurrence ; qu’en vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article 59 de cette ordonnance, demeurent valables les actes de constatation et de procédure établis conformément aux dispositions de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’enfin les pratiques qui étaient visées par les dispositions du premier alinéa de l’article 50 de cette dernière ordonnance et auxquelles les dispositions de son article 51 n’étaient pas applicables, sont identiques à celles qui sont prohibées par l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ,

Considérant que les faits ci-dessus constatés sont successivement antérieurs et postérieurs au 1er décembre 1986 ; qu’il y a donc lieu de les qualifier sur les fondements respectifs de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 et de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Sur la convention du 14 décembre 1984 conclue entre la M.CM.L. et le G.O.L. et son avenant du 20 décembre 1985 :

Considérant que la convention du 14 décembre 1984 et son avenant du 20 décembre 1985 sont antérieurs au 1er décembre 1986 : que dès lors les faits constatés relèvent de l’application des articles 50 et 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte des stipulations de l’article 7 de cette convention que la M.C.M.L. s’est engagée à ne signer d’autres conventions qu’avec les entreprises figurant sur une liste établie par le G.O.L. ; qu’ainsi a été établi entre les signataires un dispositif permettant au G.O.L. d’exclure unilatéralement des entreprises du bénéfice du régime conventionnel admis par la mutuelle ;

Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 2 de la convention, les opticiens membres du G.O.L. sont convenus de limiter le niveau de la remise accordée aux mutualistes (pièces n°15) , que l’instruction a mis en évidence l’existence d’un taux de remise unique, de 10 p. 100 sur la totalité des frais réels, « avec un plafond limité pour chaque fourniture à 900 F, ce qui donne un plafond de remise de 90 F » , que l’article 2 ne prévoit en aucune façon la possibilité pour les opticiens d’octroyer à la clientèle des remises complémentaires -,

Considérant qu’il résulte du rapprochement des articles 2 et 7 de la convention conclue entre la M.C.M.L. et le G.O.L. que celle-ci a eu pour objet ou a pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre opticiens agréés et non agréés par le G.O.L. et entre les membres de ce dernier groupement ; que ces stipulations, de même que les conditions d’application de l’avenant du 20 décembre 1985, tombent sous le coup de l’article 50 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 ; que les dispositions de son article 51, en l’absence de toute justification tirée d’une contribution au progrès économique, ne sont pas applicables ; que les faits constatés sont également contraires aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 , qu’il y a donc lieu d’infliger de ce chef des sanctions pécuniaires ;

Sur la convention du 19 décembre 1986 conclue entre la Mutualité de la Loire et le G.O.L. et son avenant du 8 janvier 1987 :

Considérant que la convention du 19 décembre 1986 et son avenant du 8 janvier 1987 sont postérieurs à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ; que, dès lors, la portée de ces clauses contractuelles doit être appréciée par référence aux dispositions des articles 7 et 10 de ladite ordonnance ;

Considérant, d’une part, que l’article 2 de la nouvelle convention contient une stipulation identique à celle de la convention précédente en ce qu’il limite le niveau de la remise accordée aux mutualistes (pièces n°15), que, pas plus que la précédente, la convention ne prévoit la possibilité pour les opticiens d’octroyer des remises supplémentaires à la clientèle  ;

Considérant, d’autre part, que si la nouvelle convention a mis fin au système d’exclusivité dont le G.O.L. bénéficiait, il y a été substitué, par l’article 7 nouveau, un système d’échange d’informations entre les parties, préalable à la signature de toute convention identique avec d’autres opticiens  ; qu’ainsi le G.O.L. est à même d’exercer, au cours de cette concertation préalable et obligatoire en matière d’adhésion au régime conventionnel, une influence certaine sur la mutuelle et, le cas’ échéant, sur l’entreprise intéressée  ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en dépit des aménagements apportés, les stipulations des articles 2 et 7 de la nouvelle convention conclue entre la Mutualité de la Loire et le G.O.L. sont de nature à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence, et entrent ainsi dans le champ d’application de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986  ;

Considérant que les dispositions du 1 de l’article 10 de l’ordonnance susvisée ne sont pas applicables aux stipulations précitées de la convention ; que le fait que les parties proposent de renoncer à ces stipulations indique que cellesci ne sont pas indispensables à la bonne exécution de la convention , qu’ainsi, en l’absence de toute justification tirée d’une contribution au progrès économique, les dispositions du 2 de l’article 10 de l’ordonnance ne sont pas applicables
 ,

Sur la convention du 29 mars 1988 conclue entre la Mutualité de la Loire et le G.O.L. :

Considérant que la convention du 29 mars 1988 conclue entre la Mutualité de la Loire et le G.O.L. a notamment pour objet de remplacer les articles 2 et 7 de la convention du 19 décembre 1986 et de son avenant du 8 janvier 1987 par de nouvelles stipulations modifiant le système de remise et éliminant la procédure d’échange d’informations  ; que ces nouvelles stipulations, analysées au 1 c de la présente décision, n’encourent pas les critiques formulées à l’encontre des clauses antérieures ayant le même objet ; que, dans ces conditions, et sous réserve de la mise en application effective des articles 2 et 7 nouveaux, il n’y a pas lieu de prononcer de ce chef une injonction à l’encontre des parties à la convention,

D E C I D E :

Article 1er : Il est infligé au Groupement des opticiens de la Loire et à la Mutuelle chirurgicale et médicale de la Loire une sanction pécuniaire d’un montant de 75 000 F pour chacune de ces organisations.

Article 2 : Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, la Mutualité de la Loire et le Groupement des opticiens de la Loire rendront compte au Conseil de la concurrence de la mise en application des clauses des articles 2 et 7 de la convention du 29 mars 1988.

Article 3 : Dans le même délai, le texte intégral de la présente décision sera publié :
-dans la revue La Mutualité de la Loire aux frais de la Mutualité de la Loire ;
-dans la revue Opticien, lunetier et l’optique française aux frais du Groupement des opticiens de la Loire ;
-dans Le Progrès - La Tribune aux frais communs de la Mutualité de la Loire et du Groupement des opticiens de la Loire.

Délibéré en section sur le rapport de M. J. LOUIS, dans sa séance du 10 mai 1988, où siégeaient M. LAURENT, président ; MM. BETEILLE et PINEAU, vice-présidents ; MM. AZEMA, SCHMIDT, membres.

 


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