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19 mai 2002

Décision n° 2002-D-16 du 5 mars 2002 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du transport aérien de passagers par hélicoptères sur l’hélistation de Cannes Palm Beach

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,

Vu la lettre enregistrée le 10 avril 2000, sous le numéro F 1226, par laquelle la société Nice hélicoptères a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Héli-inter Riviera en tant qu’exploitant de l’hélistation de Cannes Palm Beach ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu le code de l’aviation civile ;

Vu les observations présentées par la société Nice hélicoptères ainsi que le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et la société Nice hélicoptères entendus, lors de la séance du 27 novembre 2001 ;

Après en avoir délibéré, adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. – Constatations

A. – LES CONDITIONS D’EXPLOITATION DE L’HéLISTATION DE CANNES PALM BEACH

Un arrêté préfectoral du 26 juillet 1994 a autorisé la société Héli-inter, aux droits de laquelle s’est substituée la société Héli-inter Riviera, à créer une hélistation, destinée exclusivement au transport à la demande de passagers, sur une parcelle du domaine public maritime située à la pointe de la Croisette de Cannes.

Cet arrêté définit en particulier les obligations du gestionnaire. Celui-ci doit d’abord mettre en place tous les moyens techniques de balisage et signalisation nécessaires à la sécurité des vols et veiller à la bonne exécution des opérations d’embarquement et de débarquement. En tant que responsable de l’exploitation des terrains, ouvrages, installations et matériels de la structure, il doit la maintenir en bon état d’entretien et assurer les prestations nécessaires à son fonctionnement, y compris en souscrivant un contrat d’assurance couvrant les risques de cette exploitation.

Un arrêté préfectoral du 27 avril 1997 a délivré à la société Héli-inter une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime de 1 820 m² moyennant le paiement d’une redevance annuelle révisable. Cette occupation, autorisée pour une durée de 6 ans, a pris fin le 31 décembre 2000.

En contrepartie des services décrits ci-dessus, l’exploitant peut fixer des redevances d’atterrissage. L’article R. 224-3 du code de l’aviation civile précise à cet égard, d’une part, que ces redevances ne deviennent applicables que dix jours après qu’elles ont été communiquées aux utilisateurs, d’autre part, qu’elles doivent, avant leur mise en application, être communiquées au ministre chargé de l’aviation civile.

L’article R. 224-4 du même code dispose par ailleurs : "Les redevances sont dues par le seul fait de l’usage des ouvrages, installations, bâtiments et outillages qu’elles rémunèrent.

En cas de non-paiement des redevances dues par l’exploitant de l’aéronef, l’exploitant de l’aérodrome est admis à requérir de l’autorité responsable de la circulation aérienne sur l’aérodrome que l’aéronef y soit retenu jusqu’à consignation des sommes en litige".

B. – LES ENTREPRISES EN CAUSE

Créée en octobre 1998, la société Héli-inter Riviera, qui est une filiale du groupe Héli-inter, exerce principalement son activité sur la Côte d’Azur. Elle transporte par hélicoptères 25 000 passagers par an sur la ligne régulière Nice-Monaco. Sur cette ligne, elle partage avec la société monégasque Héli-air Monaco les droits de trafic attribués à la suite d’une négociation bilatérale entre la France et la Principauté. Elle transporte également, à partir de l’aéroport international de Nice-Côte d’Azur, des passagers à la demande sur Cannes, Saint Tropez et d’autres destinations voisines, notamment les stations de ski françaises et italiennes ainsi que les lieux de villégiature de la côte d’Azur.

La société Nice hélicoptères effectue, pour sa part, du transport de passagers à la demande et du travail aérien par hélicoptère.

Après avoir rencontré des difficultés à obtenir, de la part des services de l’aviation civile, l’autorisation de transport aérien sur la ligne Nice-Cannes Palm Beach, cette société a pu développer son activité de transporteur aérien par hélicoptère sur cette ligne à partir du mois d’octobre 1998.

Les sociétés Héli-inter Riviera et Nice hélicoptères ont transporté sur la ligne Nice-Cannes 7 918 passagers en 1998, 9 633 en 1999 et 14 993 en 2000, soit respectivement 74 %, 78 % et 95 % du nombre total de passagers ayant emprunté cette ligne.

En pourcentage du nombre total de passagers embarqués ou débarqués sur l’hélistation de Cannes Palm Beach, leur part de marché a ainsi évolué :

Sociétés

1998

1999

2000

Héli-inter Riviera

74,0

62

66

Nice hélicoptères

0,3

16

29

Autres sociétés

24,7

22

5


C. - LES COMPORTEMENTS RELEVéS

1. L’installation du bungalow de la société Nice hélicoptères

Au cours de son audition, le jeudi 11 mai 2000, Mme Benchimol, présidente du conseil d’administration de la société Nice hélicoptères, a fait état des difficultés intervenues avec la société Héli-inter Riviera au mois de septembre 1998, date à laquelle la société a souhaité ouvrir la ligne Nice-Cannes Palm Beach : "Lorsque nous avons voulu nous implanter physiquement sur l’hélistation, en demandant la possibilité d’implanter un petit bungalow nécessaire à l’accueil des clients, aux opérations de billetterie et à l’organisation du trafic hélicoptères, nous nous sommes heurtés à l’inertie de la société Héli-inter qui nous a dit qu’il lui était impossible d’implanter un autre bungalow".

Dans une lettre adressée, le 30 août 1999, à la société Nice hélicoptères, M. d’Albronn, président du conseil d’administration de la société Héli-inter Riviera a écrit : "J’ai accédé au début de l’année à votre demande d’implantation d’un bungalow sur l’hélistation du Palm Beach. Je vous ai fait à cette occasion une proposition de location de terrain correspondant à des conditions particulièrement avantageuses et j’ai tenu compte de votre projet de faire des liaisons régulièrement programmées entre Nice et Cannes, pour vous offrir un forfait mensuel d’atterrissage particulièrement bas".

L’installation du bungalow a été effectuée par la société Nice hélicoptères au début de l’année 1999. Le 24 mars 1999, une injonction de la direction départementale de l’équipement subdivision maritime ouest a été adressée à la société Héli-inter Riviera d’avoir à enlever ce bungalow, au motif que cette occupation était contraire à l’article 9 de l’arrêté préfectoral du 22 avril 1997 portant autorisation temporaire du domaine public maritime, lequel dispose  : "La présente autorisation est concédée à titre essentiellement personnel".

Dans une lettre du 2 avril 1999, la société Héli-inter Riviera a transmis cet avertissement à la société Nice hélicoptères en indiquant : "Je suis donc obligé de vous demander de procéder à l’enlèvement de votre module jusqu’au moment où une solution pourrait être trouvée".

Cette injonction, cependant, n’a pas eu de suite, la société Héli-inter Riviera ayant demandé à la direction départementale de l’équipement, par lettre du 27 avril 1999, l’autorisation d’implanter le bungalow de la société Nice hélicoptères qui a pu, sans interruption, continuer à utiliser cette installation.

2. Les périodes d’ouverture de l’hélistation

Au cours de l’audition précédemment citée, la dirigeante de la société Nice hélicoptères a déclaré : "Malgré ces difficultés, nous avons tenté de commencer l’exploitation de cette ligne, mais les conditions d’utilisation ne nous le permettaient pas, car le gestionnaire a décidé de périodes de fermeture, qui se sont étendues d’octobre 1998 à janvier 1999. Dans cette période, comme l’atteste le document n° 1 que je vous dépose, ces fermetures ont été très nombreuses. Au surplus, dans les périodes d’ouverture, un préavis avant vol nous était imposé alors que, s’agissant d’une ligne régulière, le gestionnaire avait le programme des vols de Nice hélicoptères".

Un document versé au dossier montre qu’entre le 16 novembre 1999 et le 10 janvier 2000, le 16 et le 22 janvier, le 30 janvier et le 7 février, le 15 et le 21 février, le 1er et le 9 mars, le 16 et le 31 mars 2000, la société Héli-inter Riviera a imposé à Nice hélicoptères un préavis de vol de quarante huit heures minimum, alors qu’en dehors de ces dates, le préavis de vol obligatoire n’était que de deux heures.

Saisis de ces difficultés, les services de l’aviation civile du district aéronautique Côte d’Azur ont précisé, dans une lettre du 3 novembre 1999 : "La plate-forme doit rester ouverte et accessible à tous les usagers avec un préavis raisonnable compte tenu du caractère spécifique des vols commerciaux à la demande. Pour répondre à ces obligations, l’exploitation de l’hélistation peut être sous-traitée. Un accord pourrait être passé entre les deux sociétés présentes".

Les nouvelles conditions d’utilisation de l’hélistation fixées par Héli-inter Riviera à partir du 15 juillet 1999 ont établi le préavis de vol obligatoire à une demi-heure avant l’heure prévue d’atterrissage et ont laissé l’hélistation ouverte en permanence jusqu’à la fin de l’année.

Dans un courrier adressé à la direction de l’aviation civile (DGAC), le 17 septembre 1999, la présidente du conseil d’administration de la société Nice hélicoptères a indiqué que cette société n’avait pas transporté de passagers en janvier 1999 et qu’elle avait assuré un trafic de 11 passagers, en février, puis de 25 passagers, en mars, de la même année.

3. L’installation d’un nouveau grillage condamnant l’accès autonome de la société Nice hélicoptères à l’hélistation

évoquant les difficultés rencontrées avec le gestionnaire, Mme Benchimol, présidente du conseil d’administration de la société Nice hélicoptères, a déclaré : "La difficulté vient du fait que lorsque la société gestionnaire de l’hélistation a changé le grillage de cette installation, elle a supprimé le portail qui conduisait les clients directement devant le bungalow de Nice hélicoptères les obligeant à passer obligatoirement devant le bungalow du concurrent avant d’accéder aux bureaux de Nice hélicoptères. Héli-inter Riviera a volontairement compliqué l’accès de notre clientèle aux services que lui propose notre société en rendant cet accès plus difficile et plus long qu’auparavant, alors qu’une solution équitable aurait consisté à placer le portail entre les deux bungalows".

M. d’Albronn, président du conseil d’administration d’Héli-inter Riviera, lors de son audition du 13 décembre 2000, a précisé pour sa part : "Concernant l’entrée dans l’hélistation quand la société Héli-inter Riviera en a repris la gestion, il existait un grillage et une seule entrée ce qui était préférable pour la sécurité de l’hélistation. Nice hélicoptères se plaint que cette disposition l’oblige à passer devant notre bungalow et a créé d’autorité lorsque notre société a refait le grillage entourant l’hélistation, une ouverture en face de son propre bungalow, en cisaillant le grillage, laissant en permanence ouverte l’hélistation". Il a, en outre, indiqué que le portail d’accès direct de Nice hélicoptères a été supprimé pour des raisons de sécurité, lors de la pose du nouveau grillage en mai 2000.

4. La politique de la société Héli-inter Riviera en matière de redevance d’atterissage

Cette politique est dénoncée par la société Nice hélicoptères dans les termes suivants : "(…) Cependant les difficultés ne se sont pas dissipées. Elles ont porté sur des problèmes de tarification et particulièrement sur le prix de la taxe d’atterrissage qui nous était facturée à 210 F TTC sur chaque posée alors que le prix du billet est de 400 F TTC. Quand nos projections commerciales nous ont fait estimer que nous aurions une douzaine de vols par jour, nous avons demandé un tarif préférentiel sur cette taxe dans la mesure où nos vols devenaient réguliers. Pour toute réponse, nous avons reçu d’Héli-inter les conditions d’utilisation et de tarification de l’hélistation telles qu’elles figurent dans la pièce (…) que je vous remets (…).

Cette taxe d’atterrissage nous paraissait d’autant plus disproportionnée qu’elle ne correspondait à aucun service offert sur l’hélistation compte tenu notamment de la vétusté des installations. Souhaitant un minimum de conditions d’accueil et de sécurité dans l’hélistation, nous avons proposé le partage des frais d’amélioration. Héli-inter a répondu favorablement à notre demande par une lettre du 11 juin 1999 (…).

En 1999, quand on a pu commencer l’exploitation avec le bungalow installé aux alentours du mois de février, il s’est passé plusieurs mois avec des factures de taxes d’atterrissage très faibles correspondant à un nombre de passagers très peu élevé pour cette période, comme l’attestent les pièces n° 5 et 6. Ces pièces attestent aussi que l’activité a pris un certain essor à partir du mois de mai 99. A la même période, nous avons reçu les nouvelles conditions d’Héli-inter Riviera doublant la taxe d’atterrissage sans aucune justification ni services supplémentaires apportés (…)".

Pour sa part, la société Héli-inter Riviera a indiqué qu’elle avait essayé de conclure avec Nice hélicoptères un accord commercial portant sur le développement des relations "interline" permettant, dans des cas déterminés, de faire transporter les clients d’une société par les appareils de l’autre, ainsi que sur une forfaitisation de la taxe d’atterrissage. Cette négociation n’a pas abouti en raison, d’une part, du refus de la société Nice hélicoptères de payer l’arriéré de ses taxes d’atterrissage, d’autre part, de la difficulté de répartir entre les deux sociétés les coûts de personnel dont la permanence est nécessaire à l’exploitation de la plate-forme.

Le président de son conseil d’administration, M. d’Albronn, a déclaré à cet égard : "Les taxes d’atterrissage ont été fixées en tenant compte des tarifs pratiqués sur des hélistations similaires et voisines. Elles ont été notifiées à la direction générale de l’aviation civile et n’ont jamais été contestées par le moindre usager jusqu’en 1999, y compris par Nice hélicoptères.

Avec la libération du ciel européen, Nice hélicoptères a pensé nous faire concurrence sur la liaison Nice-Cannes et a commencé son entreprise de déstabilisation. Nous avons pensé à partir de 1999, pouvoir conclure un accord commercial interline avec Nice hélicoptères. A cette époque nous assurions les services handling, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Notre société n’avait pas d’obligation d’accepter l’installation d’un bungalow d’accueil pour la société Nice hélicoptères. Si elle l’a fait, c’est dans la perspective d’un développement des relations interline, utiles à nos deux sociétés. Notre société leur a proposé, d’autre part, un forfait mensuel correspondant à deux mouvements par jour, c’est-à-dire deux décollages et deux atterrissages. Ces propositions de collaboration avec Nice hélicoptères n’ont pas reçu de réponse, cette société utilisant dans le même temps l’absence de conclusion de cet accord pour refuser tout paiement.

Le reproche sur le montant trop élevé des taxes d’atterrissage ne nous paraît pas fondé, puisque les augmentations envisagées en juillet 1999, ont été finalement abandonnées pour la société Nice hélicoptères. Notre accord avec Nice hélicoptères n’a finalement pas abouti du fait de la difficulté de répartir entre les deux sociétés les coûts du personnel nécessaire à l’exploitation de cette ligne".

Au cours d’une nouvelle audition, le 5 décembre 2000, la représentante de la société Nice hélicoptères a indiqué les raisons pour lesquelles, à son sens, cette redevance d’atterrissage n’était pas justifiée : "Nous considérons que cette taxe n’est pas justifiée pour plusieurs raisons :

- d’abord, la société Héli-inter Riviera continue à ne donner aucun compte sur la gestion de l’hélistation ce qui nous interdit de savoir si cette somme correspond à des charges réelles supportées par le gestionnaire ;

- ensuite, parce que nous considérons que la société Héli-inter Riviera ne s’impute pas à elle-même ces taxes d’atterrissage ce qui par conséquent entraîne pour notre société un désavantage concurrentiel ;

- enfin parce que cette taxe ne correspond à aucun service réel sur l’hélistation. En effet, la société Héli-inter Riviera n’a jamais installé l’électricité ni des toilettes sur l’hélistation ce qui enlève un élément de confort et d’hygiène essentiel aussi bien pour le personnel que pour les passagers. Je souligne aussi que notre société doit s’acquitter auprès d’une entreprise extérieure de la location de notre bungalow pour une somme d’environ 4 000 F par mois".

L’instruction a révélé que le montant de la redevance d’atterrissage facturé par la société Héli-inter Riviera à la société Nice hélicoptères a été de 210 F jusqu’à la fin de l’année 2000, alors que le montant fixé pour les compagnies utilisant occasionnellement l’hélistation était à la même période de 400 F.

Concernant les charges pesant sur le gestionnaire, celui-ci a produit des tableaux retraçant les comptes d’exploitation de l’hélistation et faisant apparaître que la gestion de celle-ci est déficitaire, aussi bien dans l’hypothèse du forfait envisagé dans les négociations avec Nice hélicoptères que dans l’hypothèse où est retenu le montant de 210 F par posée, fixé par l’exploitant de la plate-forme.

Enfin, les informations communiquées par le district aéronautique Côte d’Azur de la direction régionale de l’aviation civile font état de redevances d’atterrissage de 300 francs pour les hélistations d’Isola 2000 et de Saint-Tropez, de 450 francs pour celle de Port-Grimaud, alors qu’elles sont respectivement de 50 et 60 francs sur les aéroports de Nice et de Cannes-Mandelieu.

Sur le fondement de ces éléments, le rapporteur a proposé au Conseil de dire qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure.

II. – Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,

Sur la procédure

Considérant que la société Nice hélicoptères fait valoir qu’il résulte des pièces figurant au rapport que la société Héli-inter Riviera n’a été créée qu’en octobre 1998 et qu’elle n’a donc pu valablement se voir autoriser, par arrêté préfectoral du 26 juillet 1994, à créer l’hélistation, puis, par arrêté du 22 avril 1997 à occuper temporairement le domaine public puisqu’elle n’avait aucune existence légale à ces dates ;

Mais considérant que le Conseil de la concurrence n’est pas compétent pour connaître des questions de droit des sociétés et de droit public posées par ce moyen ;

Considérant que par lettre du 29 octobre 2001, la société Nice hélicoptères a informé le Conseil de la concurrence de ce que la société Héli-inter Riviera faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Cannes du 4 octobre 2001 ; qu’elle a invité le Conseil à appeler en la cause les organes représentatifs de cette procédure ;

Mais considérant que l’article 22-2, 2° du décret du 29 décembre 1986 fixant les conditions d’application de l’ordonnance du 1er décembre 1986, précise que les décisions de non-lieu sont notifiées à l’auteur de la saisine, ainsi qu’au ministre chargé de l’économie ; qu’en conséquence, dans le cas, comme en l’espèce, où le rapporteur estime, dans son rapport, qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure, seuls le ministre chargé de l’économie et la partie saisissante sont parties à la procédure ; que dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la mise en cause de la société Héli-inter Riviera ou des organes représentatifs désignés dans de la procédure collective dont elle fait l’objet ;

Sur le fond

Considérant que la partie saisissante expose que le comportement de la société Héli-inter Riviera serait constitutif d’un abus de position dominante au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce, dans la mesure où cette société, concessionnaire exclusif de l’hélistation et, en même temps, son concurrent direct sur la ligne reliant Nice à Cannes, a gêné son installation matérielle sur la plate-forme et a cherché à l’évincer du marché en lui imposant un prix injustifié d’accès à cette infrastructure ;

Sur le marché pertinent

Considérant que la société Héli-inter, aux droits de laquelle a succédé sa filiale la société Héli-inter Riviera, lors de sa création en 1998, a été autorisée, par arrêté préfectoral du 26 juillet 1994, à créer et à exploiter une hélistation sur une parcelle du domaine public maritime située sur la pointe de la Croisette à Cannes ; qu’en conséquence, la société Héli-inter Riviera détenait, au moment des faits dénoncés, en tant que titulaire de l’autorisation publique et gestionnaire, le monopole de l’exploitation de l’hélistation ; qu’ainsi, elle se trouvait en position dominante sur le marché des prestations nécessaires pour accéder à cette installation dont l’accès est indispensable aux sociétés qui souhaitent exercer une activité de transport à la demande de passagers par hélicoptère, sur la ligne Nice-Cannes Palm-Beach, avec lesquelles elle se trouve en concurrence ;

Considérant que la société Nice hélicoptères a reçu, au mois de septembre 1998, l’autorisation des services de l’aviation civile d’exploiter, elle aussi, la liaison aérienne Nice-Cannes Palm Beach ; qu’elle se trouvait alors en situation de dépendance vis-à-vis du gestionnaire de la plate-forme, dès lors que l’accès à cette installation est indispensable à l’exercice de son activité de transporteur sur cette ligne, l’utilisation de plate-formes voisines ne pouvant constituer pour elle une solution techniquement et commercialement équivalente ;

Sur les conditions matérielles d’utilisation de l’hélistation

Considérant que la société saisissante dénonce en premier lieu le refus initial du gestionnaire de l’hélistation d’implanter un bungalow nécessaire à l’accueil de ses clients et expose que celui-ci n’a accédé à sa demande qu’à la suite de l’intervention du district aéronautique Côte d’Azur de la direction régionale de l’aviation civile ;

Considérant, cependant, qu’aucun élément de la saisine ou de l’instruction ne démontre que la société Héli-inter Riviera aurait opposé un refus de principe, lorsqu’en octobre 1998, la société Nice hélicoptères a obtenu l’autorisation d’exploiter la ligne Nice-Cannes Palm Beach ; que le bungalow a été finalement installé au mois de janvier 1999 ; que ce délai, qui n’apparaît pas déraisonnable, peut s’expliquer, notamment, par le fait que l’autorisation d’occuper la parcelle du domaine public considérée avait été donnée au gestionnaire, à titre "essentiellement personnel" et qu’en outre l’hélistation pouvait apparaître trop exiguë pour recevoir dans de bonnes conditions un autre local d’accueil ; qu’au demeurant, la question de la surface disponible sur la plate-forme a été évoquée par les sociétés en cause avec les représentants de l’aviation civile, lors d’une réunion du 8 décembre 1998, au cours de laquelle le gestionnaire a été autorisé à récupérer une surface de terrain supplémentaire, occupée jusqu’alors par les véliplanchistes ;

Considérant, au surplus, que lorsqu’en mars 1999 la société Héli-inter-Riviera a reçu une injonction de la direction départementale de l’équipement d’avoir à enlever le bungalow de la société Nice hélicoptères, au motif que l’autorisation d’occupation lui avait été conférée à titre essentiellement personnel, elle a, elle-même, dans les cinq jours, effectué une démarche auprès de cette administration pour obtenir le maintien de l’implantation de sa concurrente ;

Considérant, dans ces conditions, qu’il n’est pas démontré que la société Héli-inter Riviera aurait cherché à retarder de manière abusive l’installation de la société Nice hélicoptères sur l’hélistation ou que le délai écoulé entre la demande d’installation du bungalow et la mise en place de cette structure aurait empêché la société Nice hélicoptères de répondre à des demandes de vols ;

Considérant, en deuxième lieu, s’agissant des préavis de vol, que sur la période écoulée entre le 16 novembre 1998 et le 31 mars 1999, le gestionnaire de l’hélistation a fixé une série de jours pour lesquels un préavis de quarante-huit heures était imposé aux utilisateurs, alors qu’en dehors de ceux-ci, ce préavis de vol n’était que de deux heures ; que la société Nice hélicoptères estime que ces restrictions n’étaient pas conformes aux préconisations des responsables de l’aviation civile selon lesquelles : "La plate-forme doit rester ouverte et accessible à tous les usagers avec un préavis raisonnable compte tenu du caractère spécifique des vols commerciaux à la demande" ;

Considérant que si le devoir du gestionnaire d’une installation ouverte au transport public de passagers est d’en garantir une possibilité permanente d’utilisation, aucun élément du dossier ne démontre que cette obligation n’a pas été respectée en l’espèce ; que, compte tenu du moindre nombre de passagers transportés dans la période en cause, qui correspond à quelques semaines d’hiver et de la nécessité, lorsqu’un vol est annoncé, de disposer au minimum de deux personnes sur l’hélistation, la fixation d’un préavis de quarante-huit heures, au demeurant prévu par l’article 5 de l’arrêté du 26 juillet 1994, ne saurait à elle seule caractériser un acte de nature à nuire à son concurrent ;

Considérant, par ailleurs, que, contrairement à ce qu’a indiqué la saisissante, les vols sur la ligne Nice-Canne Palm Beach n’étaient pas des vols publics réguliers exigeant une présence physique permanente de personnel sur la plate-forme, mais des vols à la demande, aux termes mêmes de l’article 1 de l’arrêté préfectoral du 26 juillet 1994 selon lequel : "La société Héli-inter est autorisée à créer sur le territoire de la communauté de Cannes (section By du plan cadastral) une hélistation à usage restreint de catégorie EB, exclusivement destinée au transport public à la demande de passagers" ; que, de ce fait, elle devait connaître à l’avance le nombre et l’heure des vols ainsi que le nombres de passagers pour lesquels elle serait sollicitée ; qu’il n’est, en outre, pas démontré, ni même allégué que le préavis imposé aurait eu pour effet de l’empêcher de répondre à des demandes de vols ; qu’au surplus, dès 1999, année à partir de laquelle la société Nice hélicoptères a connu un accroissement du nombre de ses vols, l’exploitant n’a plus exigé qu’un préavis maximum de deux heures, y compris durant les mois où le trafic était plus faible ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il est reproché à la société Héli-inter Riviera d’avoir, lorsqu’elle a posé un nouveau grillage autour de la plate-forme, en mai 2000, supprimé le portail qui conduisait directement au bungalow de la société Nice hélicoptères, ce qui aurait eu pour effet d’obliger ses clients à passer devant le bungalow de la société Héli-inter Riviera et de leur rendre plus long et difficile l’accès à sa propre structure ; que l’exploitant de l’hélistation justifie cette décision par le fait que cette société s’était créé sans autorisation, une entrée directe devant son bungalow en cisaillant l’ancienne clôture ;

Considérant que l’arrêté préfectoral d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public décrit la plate-forme de la façon suivante : "Le terre-plein est clôturé par un grillage plastifié maille carrée de couleur verte de 1,50 m de hauteur ayant un premier côté de 80 mètres environ et un deuxième côté de 20 mètres environ débordant chacun sur la mer. Des panneaux mentionnant l’interdiction absolue de pénétrer sur l’hélistation sont apposés à l’entrée de l’aire clôturée (portail métallique à double battant) et à chaque extrémité" ; qu’il apparaît à la lecture de cet arrêté, qu’à l’origine, l’hélistation ne comportait qu’un seul portail d’accès ; qu’en conséquence, le gestionnaire ne pouvait, sans risquer d’engager sa responsabilité, autoriser, de son chef, l’ouverture d’une autre entrée dans un espace qui obéit à des contraintes rigoureuses de sécurité ;

Considérant, en outre, que des photographies prises dans le cadre de l’enquête permettent de constater que le portail d’entrée existant à l’origine ne donnait pas directement sur le bungalow d’Héli-inter Riviera ; que, par ailleurs, compte tenu de la faible hauteur du grillage, les clients pénétrant dans l’hélistation ne pouvaient pas ne pas voir le bungalow de Nice hélicoptères situé à quelques mètres seulement de celui de l’exploitant ; qu’en toute hypothèse, aucun élément de l’enquête ne montre que cette dernière société aurait perdu des clients de ce fait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que, dans ses décisions relatives à la gestion de l’hélistation, la société Héli-inter Riviera aurait utilisé la position que lui confère sa qualité de gestionnaire de l’hélistation pour empêcher ou entraver l’accès au marché de sa concurrente la société Nice hélicoptères ;

Sur la redevance d’atterrissage

Considérant que lorsque l’exécutant monopolistique d’une infrastructure ou d’un réseau est en même temps le concurrent d’une entreprise exigeant le recours à cette facilité, cet exploitant peut restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché aval du service en abusant de sa position dominante ou de la situation de dépendance dans laquelle se trouvent ses concurrents à son égard en établissant un prix d’accès injustifié à cet équipement ;

Considérant que, dans sa décision n° 96-D-51 relative à des pratiques de la société Héli-inter assistance, le Conseil de la concurrence a précisé que constituait une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence : "Le fait pour l’exploitant d’une structure essentielle de refuser de façon injustifiée l’accès à cette dernière à ses concurrents ou de ne leur permettre cet accès qu’à un prix abusif, non proportionné à la nature et à l’importance des services demandés, non orienté vers les coûts de ces services et non transparent, leur interdisant ainsi de faire des offres ou de réaliser des marchés dans des conditions compétitives avec les siennes" ;

Considérant que, lorsqu’elle a commencé l’exploitation de la ligne Nice-Cannes Palm Beach, en 1998, la société Nice hélicoptères a payé la redevance d’atterrissage fixée par la société Héli-inter Riviera à 210 francs ; qu’elle a manifesté le souhait d’obtenir un tarif préférentiel dans la perspective d’un développement de ses vols ; que des discussions ont alors été engagées, entre elle et la société gestionnaire, sur les conditions générales d’utilisation de l’hélistation ;

Considérant qu’à partir du mois de février 1999, la société Nice hélicoptères, faute de conclusion d’un accord et estimant la redevance trop élevée et injustifiée, a décidé de ne plus la verser à la société Héli-inter Riviera mais de la consigner auprès de la caisse des avocats du barreau de Nice ; que cette décision a conduit la société Héli-inter Riviera à proposer à la société Nice hélicoptères, par lettre du 10 mars 1999, un forfait mensuel de 12 000 francs assorti de la conclusion d’un accord de réciprocité entre les deux compagnies permettant de faire assurer, en cas de nécessité, le transport des clients d’une société par les appareils de l’autre ; que par lettre du 11 juin 1999, la société gestionnaire a formulé une nouvelle proposition consistant à ne plus réclamer de taxe d’atterrissage à la société Héli-inter, mais à partager avec elle la taxe domaniale, ainsi que les travaux d’aménagement déjà réalisés et futurs ; qu’aucune de ces propositions n’a abouti à un accord ;

Considérant que la société Héli-inter Riviera a produit, au cours de l’instruction, des comptes d’exploitation qui présentent les recettes et les dépenses de la plate-forme pour les années 1997, 1998, 1999 et 2000 ; que ces documents permettent de constater que les recettes obtenues en appliquant aux deux opérateurs, Héli-inter Riviera et Nice Hélicoptère, soit le montant de redevance forfaitaire, soit le montant de 210 francs par posée fixé à l’origine, sont, en toute hypothèse, insuffisantes à couvrir les dépenses inhérentes au fonctionnement permanent de la structure ;

Considérant que la société saisissante conteste la valeur probante de ces comptes et fait valoir qu’il s’agit de documents purement internes, dépourvus de toute certification, qui ne permettent nullement de connaître les coûts réels de l’exploitation ;

Considérant que les documents produits, certes à caractère interne et non certifiés, peuvent toutefois être retenus à titre d’indices, dans la mesure où il n’est, à l’inverse, démontré par aucun élément du dossier que les montants figurant sur ces documents ne correspondraient pas à la réalité des charges engendrées par la gestion de l’hélistation ;

Considérant, par ailleurs, que la redevance fixée par la société Héli-inter Riviera est proche de celle exigée par les gestionnaires d’hélistations comparables, comme le sont celles de Port Grimaud ou Saint-Tropez ; que si la société Nice hélicoptères fait valoir que les redevances exigées par les aéroports de Nice et de Cannes-Mandelieu sont respectivement de 50 et de 60 francs, cette comparaison n’est pas pertinente, dès lors que ces aéroports sont des structures beaucoup plus importantes dont les coûts d’exploitation et les recettes ne peuvent être identiques à ceux d’une hélistation comme celle gérée par la société Héli-inter Riviera ; que de surcroît, la direction de l’aviation civile, à laquelle le montant de la redevance a été notifié, ne l’a jamais remis en cause et qu’enfin, il n’est ni allégué, ni démontré, qu’il en aurait été fait une application discriminatoire ;

Considérant que la société Nice-Hélicoptère, qui a débuté l’exploitation de son activité sur l’hélistation de Cannes Palm-Beach à la fin de l’année 1998, transportait, en 2000, 29 % du nombre total des passagers embarqués ou débarqués sur cette hélistation ; que la société Héli-inter Riviera se trouve, pour sa part, à l’heure actuelle en redressement judiciaire et n’a pas demandé, à son échéance, le renouvellement de l’autorisation d’exploiter l’hélistation qui lui avait été accordée ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il n’est pas démontré que cette redevance aurait été excessive, et aurait empêché la société Nice hélicoptères de faire des offres, ou de réaliser des marchés, dans des conditions compétitives avec celles d’Héli-inter Riviera ; que dans ces conditions, il n’est pas établi que la société Héli-inter Riviera aurait abusé de sa position dominante en violation de l’article L. 420-2 du code de commerce.

DéCIDE

Article unique - Il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure.

Délibéré, sur le rapport oral de M. Avignon, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, Mme Mouillard, MM. Bidaud et Charrière-Bournazel, membres.

 


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