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LES DERNIERES DECISIONS :
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Décision n° 2002-D-17 du 12 mars 2002 relative à des pratiques relevées lors de la passation de marchés concernant la rénovation du centre hospitalier de Narbonne




19 mai 2002

Décision n° 2002-MC-02 du 19 février 2002 relative à une saisine au fond et à une demande de mesures conservatoires de la société mabalade.com à l’encontre de pratiques mises en œuvre par l’Institut géographique national (IGN)

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,

Vu les lettres enregistrées les 15 mars, 22 et 25 octobre 2001 sous les numéros F 1295 et M 280, par lesquelles la société Didier Richard, aujourd’hui dénommée mabalade.com, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l’Institut géographique national (IGN) et demandé le prononcé de mesures conservatoires ;

Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, la société mabalade.com et l’IGN entendus lors de la séance du 22 janvier 2002 ;

Considérant que la société mabalade.com, qui exerce, notamment, une activité d’édition cartographique et de collecte de données géographiques diffusées sous forme de cartes, guides pratiques et ouvrages comprenant des itinéraires de randonnée ou de promenade, expose qu’elle utilise pour l’édition de ses produits des fonds cartographiques provenant de l’IGN ; que cet établissement public chargé de collecter et mettre en forme les informations géographiques et cartographiques sur le territoire national dispose d’un monopole de traitement de ces informations en France et reçoit, pour l’accomplissement de cette mission, un financement public ; que, parallèlement, il exerce une activité commerciale directement concurrentielle de celle des acteurs privés en éditant et commercialisant des produits qui reprennent les informations qu’il a pour mission de collecter ;

Considérant que la société saisissante dénonce, en premier lieu, sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce, des pratiques discriminatoires mises en œuvre par l’IGN dans les relations avec ses diffuseurs, un partage du marché de la diffusion de ses produits en zones territoriales, ainsi que des incitations à procéder à des échanges d’informations sur les prix et les marges ; en deuxième lieu, sur le fondement de l’article L. 420-5 du code de commerce, une pratique de prix abusivement bas ; en troisième lieu, sur le fondement de l’article L. 420-2 du code de commerce, la conclusion, par l’IGN, de contrats d’accès à des fonds topographiques à des conditions discriminatoires qui constitueraient, en raison du monopole détenu par l’IGN sur le fonds cartographique national, un abus de position dominante ;

I. - Sur la saisine au fond

Considérant qu’en l’état de l’instruction, deux marchés apparaissent concernés par la saisine, en amont, celui des fonds topographiques français sur lequel on peut distinguer deux segments constitués par les cartes aux 25 et 50 millièmes et sur lequel l’IGN a reconnu, lors de la séance, détenir un monopole de fait, et, en aval, le marché des cartes, guides et documents destinés à la randonnée et au tourisme, sur lequel l’IGN a précisé, lors de la séance, réaliser environ 75 % des ventes de cartes et guides destinés à la randonnée et 30 % de ceux destinés au tourisme ; qu’il n’est, dès lors, pas exclu que l’IGN détienne une position dominante sur les marchés concernés ;

Considérant que si, comme le fait justement valoir l’IGN, certains faits évoqués dans la saisine remontent à plus de trois ans et sont donc susceptibles d’être couverts par la prescription, en application de l’article L. 462-7 du code de commerce, d’autres seraient intervenus au cours des trois années précédant la saisine ; que celle-ci apparaît donc, en l’état, recevable au regard de ces dispositions ;

Considérant que le compte-rendu de l’intervention du directeur général de l’IGN, lors de la réunion des diffuseurs qui s’est tenue le 8 avril 1999, mentionne, notamment, le souci de répartir des zones de compétence géographique entre les distributeurs afin de remédier à "trop de surenchères de remises" ;

Considérant qu’un document interne à l’IGN, intitulé "Plan mercatique 1998", indique, dans le cadre de sa synthèse générale, au point II intitulé "stratégie de mise en œuvre", que "la politique de prix s’appuie sur les principes suivants : - un prix élevé pour les produits sans concurrence directe (…) afin de constituer une trésorerie permettant de financer les actions des autres produits - un prix inférieur ou égal à celui des concurrents pour les produits positionnés sur des segments concurrentiels (…)" ; que, par ailleurs, M. Guy Lengagne, député, dans un rapport établi à la suite d’une mission confiée par le Premier Ministre sur "les perspectives d’évolution de l’information géographique et les conséquences pour l’IGN", relève, en page 29, que "le bénéfice de subventions publiques et l’opacité du système de comptabilité analytique ne permettent (…) pas de garantir que la concurrence s’exerce dans des conditions normales (…)" et, en page 30, que l’IGN refuse "(…) l’accès d’entreprises qu’il estime potentiellement concurrentes à certaines de ses données (…)" ; qu’il ressort, enfin, d’un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 11 juin 2001, rendu dans une affaire opposant l’IGN à la société Editions Franck Mercier, que l’Institut n’a pas été en mesure de produire ses conditions de vente concernant les fonds topographiques ; que dans un autre jugement, rendu à la même date, dans une affaire opposant l’IGN à la société Didier Richard, devenue depuis mabalade.com, la même juridiction a considéré que ce manque de transparence avait causé un préjudice à ladite société ;

Considérant, ainsi, qu’en l’état de l’instruction, il n’est pas exclu que les faits dénoncées par la saisine puissent constituer des pratiques prohibées par les dispositions du livre IV du code de commerce ;

II. - Sur la demande de mesures conservatoires

Considérant que la société saisissante demande au Conseil d’enjoindre à l’IGN, à titre conservatoire, d’une part, "(…) de suspendre ses parutions bénéficiant de réductions tarifaires abusives irrespectueuses de la "vérité des prix" et ce jusqu’au 15 février 2002", d’autre part, "(…) de rendre publiques ses bases tarifaires permettant ainsi un accès égal aux données cartographiques brutes publiques gérées par l’IGN (…)"  ;

Considérant que l’article L. 464-1 du code de commerce dispose que le Conseil de la concurrence peut décider d’ordonner une mesure conservatoire "si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante" ;

Considérant que la société plaignante fait valoir, à l’appui de sa demande, que l’IGN porte une atteinte grave à la concurrence sur le marché de l’information touristique en mettant en œuvre des pratiques qu’elle qualifie de "particulièrement discriminatoires", dont feraient état un rapport du Commissariat général du Plan, ainsi que le compte-rendu d’une réunion interministérielle tenue à la suite du rapport Lengagne et qui auraient, aussi, été reconnues par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement, précité, du 11 juin 2001, rendu dans l’affaire Editions Franck Mercier ; qu’elle soutient, en outre, que les pratiques de l’IGN ont précipité la disparition d’entreprises telles que la société EGG ou la société Maison de la Carte et ont entraîné une prolifération de contentieux, mais qu’en dépit de ces "indicateurs", l’IGN persiste dans ses agissements et déstabilise l’ensemble du secteur ;

Considérant que les pièces produites par la société saisissante ne démontrent nullement l’existence d’une atteinte grave et immédiate portée au secteur économique concerné, du fait des pratiques dénoncées ; qu’en particulier, aucun élément chiffré ne permet de considérer, en l’état, que le secteur connaîtrait une évolution négative en raison des pratiques imputées à l’IGN ou qu’ainsi que l’allègue la société mabalade.com, ces pratiques auraient entraîné la disparition d’entreprises ; qu’au contraire, il ressort des allégations et documents produits par la saisissante que des facilités de paiement auraient été accordées par l’IGN à la société EGG qui connaissait des difficultés dont l’origine n’est pas précisée ; qu’en outre, aucun élément du dossier ne permet de considérer que la cessation d’activité de la société Maison de la Carte ait été la conséquence des pratiques dénoncées ;

Considérant que la requérante invoque, par ailleurs, le "dommage majeur" causé à la bonne commercialisation de ses produits du fait du "dumping pratiqué par l’IGN sur les prix de ses produits grâce à des financements publics" et des tarifs discriminatoires qui lui sont appliqués ;

Mais considérant que, si les bilans produits par la société mabalade.com font état d’une diminution continue de son chiffre d’affaires depuis 1997, aucun élément ne permet, en l’état du dossier, de considérer qu’un lien de causalité pourrait être établi entre cette diminution et les pratiques dénoncées ; que le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, le 11 juin 2001, dans l’affaire qui l’opposait à l’IGN, précise, au contraire, que si les pratiques tarifaires de ce dernier ont pu causer un préjudice à la société Didier Richard, devenue depuis mabalade.com, celle-ci n’apporte, toutefois, "pas de preuve de pertes de marché ou de marges qui auraient résulté de pratiques de prix" ;

Considérant, par suite, que la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 280 doit être rejetée ;

DéCIDE

Article 1 - La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 280 est rejetée.

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Chaulet-Philippe, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Mader-Saussaye et Perrot, MM. Piot et Ripotot, membres.

 


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