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19 mai 2002

Décision n° 2002-MC-06 du 30 avril 2002 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par la société RMC Info

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Commission permanente,

Vu la demande enregistrée le 22 février 2002, sous le numéro 02-0035 F, par laquelle la société RMC Info a saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques du GIE Sport libre et de ses membres qu’elle estime anticoncurrentielles et a sollicité, en outre, le prononcé de mesures conservatoires ;

Vu la lettre enregistrée le 22 mars 2002, sous le numéro 02-0036 M, par laquelle la société RMC Info a déposé une saisine complémentaire à l’encontre du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) ;

Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu les décisions de secret des affaires n° 02-DSA-08 et n° 02-DSA-09 du 19 mars 2002 ;

Vu l’avis adopté par le CSA et enregistré le 29 mars 2002 sous le numéro 512 ;

Vu les observations présentées par la société RMC Info, le GIE Sport libre et ses membres, le SIRTI et par le commissaire du Gouvernement ;

Vu les notes en délibéré produites le 19 avril 2002 par le GIE Sport libre et par le SIRTI ;

La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société RMC Info, du SIRTI et du GIE Sport libre entendus lors de la séance du 16 avril 2002 ;

Considérant que la société RMC Info expose qu’elle a conclu avec la société Kirchmédia, elle-même détentrice de droits radiophoniques exclusifs sur les matchs de la Coupe du monde de football 2002 en vertu d’un accord avec la FIFA, un contrat lui assurant l’exclusivité de ces mêmes droits pour la diffusion radiophonique sur le territoire français ; que ce contrat comporte l’obligation de chercher par tous moyens à couvrir toute l’étendue du territoire national ; que les zones d’émission de RMC Info ne couvrant pas 33 % de la population française, cette société a cherché à passer avec d’autres opérateurs de radio des accords de sous-licence en vue de s’acquitter de ses obligations contractuelles ;

Considérant que la société RMC Info expose qu’alors que son contrat avec la société Kirchmédia a été conclu le 4 décembre 2001, les principales radios généralistes françaises ont créé, dès le 17 décembre 2001, un GIE Sport libre auquel elles ont confié l’exclusivité de leur politique d’achat de droits sportifs ; que ce GIE, une fois constitué, a refusé de passer avec RMC Info un accord de sous-licence ; que cette dernière société se trouve dans l’incapacité de négocier individuellement avec les adhérents du GIE du fait des clauses statutaires de celui-ci ; que les incertitudes relatives à l’éventuelle adhésion du syndicat interprofessionnel des radios et télévision indépendantes (SIRTI) au GIE ont rendu difficiles des négociations avec les radios locales indépendantes ; qu’en outre, la société RMC Info se serait heurtée à une campagne de dénigrement ;

Considérant que la société RMC Info soutient que ces pratiques auraient un caractère anticoncurrentiel et demande au Conseil de la concurrence, dans l’attente de la décision au fond, de prononcer des mesures conservatoires ;

Considérant qu’une demande de mesures conservatoires ne peut être examinée que pour autant que la saisine au fond est recevable et ne soit pas rejetée, faute d’éléments probants, en application de l’article L. 462-8 du code de commerce ; qu’en outre, la demande de mesures conservatoires doit être, en elle-même, recevable.

I. – Sur la demande de mise hors de cause du SIRTI

Considérant que le SIRTI soutient qu’étant, non une entreprise mais une organisation professionnelle, il ne saurait être attrait devant le Conseil de la concurrence et demande donc à être mis hors de cause ;

Mais considérant, d’une part, qu’une organisation professionnelle qui réunit des entreprises peut, selon une jurisprudence constante tant française que communautaire, être considérée comme le support d’une entente entre les entreprises adhérentes ; qu’il résulte d’ailleurs des termes même de l’article L. 464-2 du code de commerce que le Conseil de la concurrence peut prononcer des condamnations à l’encontre d’organisations qui ne sont pas des entreprises ; que, d’autre part, le Conseil de la concurrence étant saisi in rem, ce n’est généralement qu’au terme de l’instruction qu’il peut se prononcer sur le point de savoir si telle ou telle personne physique ou morale est susceptible d’être condamnée ou doit, au contraire, être mise hors de cause ;

II. – Sur la recevabilité de la saisine au fond

Considérant que le GIE Sport libre estime que la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires sont irrecevables pour défaut d’intérêt à agir de la société RMC Info, dès lors que des négociations seraient en cours entre cette dernière et le GIE ;

Mais considérant que cette circonstance, postérieure aux faits dénoncés, est sans incidence sur la recevabilité de la saisine au fond ; qu’au jour de la séance, les négociations en cours n’ont encore abouti à aucun accord, comme le montre la lettre adressée à RMC Info par M. Cavada, président du GIE Sport libre, le 10 avril 2002 ;

III. - Sur la présence d’éléments probants dans la saisine

1. Sur l’incidence de l’existence d’un droit à l’information et sur le débat relatif à la possibilité juridique et à l’opportunité de vendre des droits de propriété intellectuelle radiophonique sur les évènements sportifs

Considérant que le GIE Sport libre et le SIRTI font valoir que la pratique qui a consisté, pour la Fédération Internationale de Football, à vendre des droits exclusifs de diffusion radiophonique des matchs de la Coupe du monde de football 2002 au groupe Kirch et, pour ce dernier, à accorder des droits exclusifs pour la France à RMC Info pose des problèmes de société et de droit d’une grande importance ; que, notamment, comme l’illustre le contrat type de sous-licence proposé par RMC Info aux autres radios, le processus qui consisterait pour ces dernières soit à ne rendre compte que d’une façon limitée à l’avance des évènements qui se déroulent au cours d’un match, soit à retransmettre purement et simplement les émissions de RMC Info portent atteinte aussi bien à la liberté d’informer dont doivent disposer les journalistes de radio qu’au principe auquel veille le CSA selon lequel un opérateur indépendant ne doit pas reprendre tout ou partie du programme identifié diffusé par un réseau national ;

Considérant qu’il n’appartient au Conseil de la concurrence de se prononcer ni sur l’existence même des droits exclusifs dont se prévaut RMC Info ni sur l’opportunité que de tels droits soient commercialisés, ni sur la frontière entre les droits de propriété intellectuelle des organisateurs d’évènements et le droit à l’information ; que, toutefois, le CSA dans l’avis qu’il a rendu au Conseil, a indiqué que "l’acquisition de droits exclusifs de retransmission radiophonique d’évènements sportifs n’est interdite par aucune disposition législative ni réglementaire en vigueur" ;

Considérant qu’il est légitime pour les radios opposées au principe même de ces droits ou soucieuses de discuter leur conséquences ou, encore, inquiète du niveau de leur prix, d’exprimer publiquement leurs préoccupations ; qu’il est également légitime, et licite, pour leurs organisations professionnelles de manifester ces préoccupations et de chercher à influencer la politique des pouvoirs publics ;

Considérant, cependant que, conformément à une jurisprudence constante, il n’appartient pas aux entreprises de se faire justice elles-mêmes ; qu’il ne leur est pas permis, par conséquent, au motif qu’elles estiment que tel ou tel de leur concurrent méconnaît, dans un autre domaine juridique, une règle de droit, de se livrer à une pratique interdite par le droit de la concurrence ; qu’il suit de là que l’invocation des préoccupations précédemment exposées ne saurait suffire, à elle seule, à faire obstacle à ce que la saisine soit regardée comme dépourvue d’éléments probants ;

2. Sur le GIE Sport libre

Considérant que, selon l’article 2 alinéas 2 et 3 du contrat constitutif de ce GIE, modifié le 25 février 2002 "le groupement est constitué pour permettre au plus grand nombre de personnes sur le territoire français d’être informées des rencontres ou manifestations sportives grâce à leur retransmission radiophonique, pour assurer à l’auditeur le pluralisme en matière de contenu, de qualité, de présentation ou de style en lui laissant le choix de sa radio, pour lutter contre toutes pratiques conduisant à une limitation de l’accès des personnels de radio aux enceintes accueillant les manifestations ou compétitions et pour faire respecter la liberté d’informer en défendant le principe d’égalité d’accès aux sources de l’information… le groupement a pour objet de négocier les conditions d’accès aux manifestations et aux compétitions, et, le cas échéant, entamer des pourparlers et conclure, pour tout ou partie de ses membres, tout accord ou contrat permettant d’assurer la couverture des compétitions via notamment la radiodiffusion en direct ou en différé des compétitions ou manifestations sportives sur le territoire français" ;

Considérant que le préambule de ce contrat précise le contexte dans lequel s’inscrit la constitution de ce groupement : "Il est récemment apparu que des accords venaient limiter les droits des radiodiffuseurs d’accéder aux enceintes accueillant les manifestations ou compétitions sportives et d’informer les auditeurs sur le déroulement desdites manifestations et compétitions. Sans reconnaître le bien fondé de telles pratiques ou accords, qui apparaissent comme une entrave à la liberté d’informer et d’être informé, il est apparu nécessaire aux membres du Groupement de s’organiser afin d’assurer à l’auditeur le pluralisme en matière de contenu, de qualité, de présentation ou de style et ainsi, dans cette perspective, de prévoir notamment la possibilité d’acquérir les droits qui s’avèreraient nécessaires pour permettre à tous les membres du Groupement d’assurer la couverture de tous évènements sportifs (notamment suivi et retransmission en direct, commentaires, interviews …), dans les conditions que chacun estimerait opportunes, et de concéder, le cas échéant, une fraction de ces droits à des radiodiffuseurs tiers" ;

Considérant que si la création de centrales d’achats par des entreprises qui sont en concurrence sur le même marché peut poser des problèmes de concurrence, le bilan concurrentiel ou le bilan économique de telles créations peut néanmoins être positif ;

Considérant que l’examen d’une jurisprudence communautaire relative à l’Union européenne de radio-télévision (UER) revêt, à cet égard, un intérêt particulier pour la présente affaire ; qu’il convient de rappeler que l’UER regroupe, notamment, des chaînes de télévision qui, confient à cet organisme le soin de négocier collectivement l’achat de droits télévisuels exclusifs sur les évènements sportifs ; que le système a été notifié à la Commission en vue de l’obtention d’une attestation négative ; que le 11 juin 1993, la Commission a accordé au système le bénéfice de l’exemption, sous condition, en se fondant sur la mission d’intérêt public exercée par l’UER ; que cette analyse a été désavouée par le tribunal de première instance qui, par un arrêt du 11 juillet 1996, a annulé la décision du 11 juin 1993 ; que le 10 mai 2000, la Commission a adopté une nouvelle décision d’exemption sous condition ;

Considérant qu’il résulte de cette décision que la Commission considère la mise en commun des politiques d’achats de droits par des chaînes de télévision qui, autrement, se feraient concurrence sur le marché des droits des évènements sportifs, comme restrictive de concurrence ; qu’en l’espèce, le bénéfice de l’exemption a cependant été accordé sur le fondement de l’article 81-3 du traité de Rome au motif que le système contribuait à promouvoir le progrès technique et économique en permettant la diffusion d’un nombre plus élevé de manifestations sportives par un plus grand nombre de radiodiffuseurs, notamment les plus petits d’entre eux ; que, pour accorder le bénéfice de l’exemption, la Commission a vérifié que les conditions prévues à l’article 81-3 étaient satisfaites ; qu’elle a ainsi considéré que le système bénéficiait aux consommateurs en permettant d’améliorer l’offre de programmes sportifs au public ; que l’acquisition des droits en commun était indispensable pour obtenir le progrès économique envisagé, visant par là la règle de l’UER selon laquelle ses membres sont tenus de s’abstenir d’engager des négociations séparées dès que les négociations collectives ont commencé ; qu’à ce sujet, la commission a cependant expressément souligné (par. 96) que les membres de l’UER "sont libres de s’engager dans des négociations séparées dès lors que l’échec des négociations collectives a été officiellement constaté" ; qu’enfin, la Commission s’est assurée que la concurrence n’avait pas été éliminée pour une partie substantielle des produits en cause ; qu’à cet égard, elle a relevé que l’UER ne s’occupait en principe que des manifestations internationales, alors que les manifestations nationales constituent la majeure partie des programmes sportifs présentés à la télévision ; que le système de l’UER est soumis à une concurrence de plus en plus vive tandis que sa position s’est affaiblie au cours des dernières années ; qu’enfin, l’exemption, d’une durée limitée, a été accordée sous des conditions d’accès des télévisions non membres de l’UER au bénéfice du système ;

Considérant que, sans qu’il soit exclu que le GIE Sport libre puisse bénéficier, notamment à la suite de la notification qui a été faite de sa création à la Commission, de ce type d’exemption, un certain nombre des caractéristiques de ce groupement pourraient, sous réserve de l’instruction au fond, poser de difficultés ; qu’il en va ainsi de la date et du contexte de la création du GIE, qui pourraient éventuellement faire penser que l’objectif recherché était d’exercer une pression sur RMC Info ou de l’empêcher de réaliser une diffusion des retransmissions des matchs de la Coupe du monde sur l’ensemble du territoire national ; que, de même, mérite examen la circonstance que les principales radios généralistes y ont adhéré, et que l’objet du GIE vise l’ensemble des manifestations sportives ; que cette double circonstance pourrait conduire à s’interroger sur le point de savoir si une concurrence suffisante existe encore sur le marché des droits sportifs radiophoniques ; que, à la différence de la centrale d’achat examinée par la Commission, les adhérents, en cas d’échec des négociations entre un vendeur de droits et le GIE, ont contractuellement l’interdiction de négocier individuellement avec le vendeur ; qu’en effet, l’article 7, alinéa 4 du contrat constitutif du GIE stipule que "dès qu’un radiodiffuseur ou un syndicat (ou association) de radiodiffuseurs devient membre du groupement, il abandonne toute possibilité de négocier des droits pour son propre compte" ; que l’article 2 alinéa 4 du règlement intérieur prévoit que "quand bien même un seul membre serait intéressé par l’acquisition de droits, cette acquisition sera opérée par le groupement" ; que l’article 8 du même règlement intérieur prévoit, dans son alinéa 1er, que "les membres s’interdisent de solliciter, négocier, acquérir, en propriété ou sous forme de licence, séparément les droits" ; que, d’ailleurs, l’article 2 alinéa 2 du règlement intérieur est particulièrement explicite puisqu’il prévoit que "si un membre veut négocier et/ou acquérir en dehors du groupement des droits, il devra préalablement se retirer du groupement dans les conditions prévues à l’article 8 du contrat constitutif" ; que cette possibilité de retrait paraît particulièrement malaisée puisque l’article 8 du contrat constitutif le soumet à la condition d’un préavis de deux mois (alinéa 1 : "Tout membre du Groupement peut se retirer à tout moment, sous réserve qu’il ait exécuté ses obligations et moyennant préavis adressé au Conseil d’administration, deux mois au moins à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception") et interdit une réadhésion pendant un an (alinéa 5 : "En cas de retrait, l’ancien membre ne peut solliciter à nouveau son entrée dans le Groupement avant un délai d’un an à compter de la prise d’effet du retrait") tandis que la négociation individuelle entraîne, en vertu de l’article 8 alinéa 2 du règlement intérieur le paiement au GIE d’une pénalité financière égale au montant des droits ("En cas de non respect de cet engagement, le membre contrevenant devra régler au GIE une pénalité égale au montant qu’il aura payé pour l’acquisition des dits droits") ; qu’en outre, l’article 2 alinéa 3 du règlement intérieur et l’article 8 alinéa 4 deuxième phrase du contrat constitutif prévoient aussi qu’à "compter de son retrait, pour quelque raison que ce soit, le membre concerné perd tous ses droits sur les droits et acquisitions passés, en cours ou réalisés par le Groupement" ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous réserve d’une instruction au fond, il n’apparaît pas exclu que la création du GIE puisse être constitutive d’une entente anticoncurrentielle insusceptible d’être exemptée au nom du progrès économique ;

3. Sur les autres pratiques

Considérant que les faits exposés par la société saisissante relatifs aux négociations avec le GIE, aux actions menées par les dirigeants du GIE en direction de la presse et des sociétés du groupe Kirch, aux déclarations sur la valeur des droits acquis par RMC Info et sur les relations entre le SIRTI et le GIE sont susceptibles de diverses interprétations ; que ces pratiques peuvent être considérées soit comme des actions visant à défendre des positions de principe relativement à la question des droits exclusifs radiophoniques soit comme des éléments d’une politique visant à empêcher RMC Info de réaliser ses objectifs commerciaux ; que ces comportements émanant d’organisations qui rassemblent plusieurs entreprises, il n’est, ainsi, pas exclu sous réserve d’une instruction contradictoire sur le fond, qu’ils puissent, en tout ou partie, être qualifiés d’entente anticoncurrentielle ;

IV. - Sur les demandes de mesures conservatoires

Considérant qu’accessoirement à la saisine au fond, la société RMC Info fait valoir que les pratiques du GIE Sport libre et de ses membres et les pratiques du SIRTI doivent donner lieu, à titre conservatoire, au prononcé des mesures qu’impose l’urgence de la situation ; que les pratiques dénoncées porteraient une atteinte grave et immédiate à la société RMC Info en ce qu’elles remettraient en cause tout le bénéfice que cet opérateur pourrait tirer du contrat d’exclusivité conclu avec la société Kirchmédia, tant en terme d’audience qu’en termes financiers ; que le redressement de la situation financière de RMC Info serait ainsi gravement compromis ; qu’elle soutient aussi, que les recettes publicitaires des stations de radios sont directement liées à l’audience dont elles bénéficient ; que la diffusion à titre exclusif des matchs de la Coupe du monde de football 2002 est de nature à permettre à RMC Info d’augmenter sensiblement son audience sur une courte période de temps et de fidéliser cette audience à long terme ; que le fait de détenir une exclusivité de retransmission d’un événement sportif permet à lui seul d’attirer de nombreux annonceurs ;

Considérant que RMC Info considère que l’urgence de la situation est caractérisée dès lors que les accords avec les annonceurs relatifs à la vente des espaces publicitaires pour la période de la prochaine Coupe du monde doivent être négociés dès maintenant ;

Considérant que la société RMC Info soutient également que les pratiques dénoncées porteraient une atteinte grave et immédiate au marché et à l’intérêt des consommateurs dans la mesure où la population du nord de la France sera privée de la retransmission radiophonique de la Coupe du monde de football ; qu’enfin, cette société considère que les pratiques dénoncées portent une atteinte grave et immédiate au secteur dans la mesure où les affrontements publics et judiciaires entre professionnels qui se manifestent par des pratiques de dénigrement et de boycottage ont un impact négatif non seulement sur la victime de ces pratiques, mais également sur l’image d’une profession dans son ensemble ;

Considérant que la société RMC Info demande, en conséquence, au Conseil de la concurrence, sur le fondement de l’article L. 464-1 du code de commerce :

1) de suspendre toutes les clauses du contrat constitutif du GIE Sport libre et de son règlement intérieur visant à limiter la liberté de ses membres de négocier et/ou de conclure tout accord relatif à la retransmission d’évènements sportifs à titre individuel,

2) d’interrompre toute communication par le GIE et/ou ses membres visant à contester la licéité des droits exclusifs de radiodiffusion de la Coupe du monde de football 2002 détenus par RMC Info, et la licéité du contrat conclu entre RMC Info et Kirchmedia,

3) de diffuser un communiqué de presse par le GIE et ses membres, à l’ensemble des supports d’information utilisés par le GIE et ses membres dans le cadre de leur campagne à l’encontre de RMC Info, et par radiodiffusion sur les antennes des membres du GIE, indiquant que :

  • Le GIE Sport libre reconnaît que ses membres sont libres de négocier et de conclure individuellement un contrat portant sur la retransmission radiophonique de la Coupe du monde 2002,
  • Le GIE Sport libre et chacun de ses membres reconnaissent la validité du contrat conclu entre GIE Info et Kirchmedia portant sur l’exclusivité de la retransmission radiophonique de la Coupe du monde 2002 et s’engagent à ne pas violer cette exclusivité,
  • Le GIE Sport libre reconnaît que RMC Info dispose d’une couverture lui permettant d’être perçue par une partie substantielle des auditeurs situés sur le territoire français, qui pourront bénéficier de la retransmission radiophonique de la Coupe du monde 2002,
  • Le GIE Sport libre reconnaît que RMC Info s’est toujours montré ouvert à la conclusion d’un partenariat permettant de compléter la couverture nationale de la retransmission radiophonique de la Coupe du monde de football 2002.

4) d’interdire aux membres du GIE Sport libre de commercialiser tout espace publicitaire directement ou indirectement par le biais de leur régie publicitaire, en utilisant comme argumentaire de vente un quelconque droit de retransmission de la Coupe du monde de football 2002, sauf à être relevé de cette interdiction au titre d’un accord conclu à cette fin avec RMC Info ;

5) de diffuser à l’ensemble des professionnels de la radiodiffusion et de la publicité, par lettre recommandée avec accusé de réception, les mesures conservatoires prononcées au titre de la présente procédure.

Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-1 du code de commerce, les mesures conservatoires "ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante" ; que les mesures susceptibles d’être prises à ce titre "doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l’urgence" ;

Considérant que les pièces du dossier n’établissent pas que la société RMC Info se trouverait dans une situation particulièrement difficile ; qu’elle a ainsi pu procéder à l’acquisition de droits litigieux pour un montant de 564 000 € alors qu’elle ne pouvait ignorer que la passation d’accords de sous-licence pouvait se heurter à un certain nombre de difficultés ; que d’ailleurs, M. Alain Weill, son président a déclaré dans une dépêche Satellifax du 6 février 2002 : "Je suis très serein car nous avons déjà amorti commercialement l’acquisition des droits" ; que les derniers résultats des sondages Médiamétrie montrent qu’elle a augmenté son audience ; qu’il n’a, par ailleurs, pas été établi que les pratiques dénoncées la placerait dans une situation irrémédiable ;

Considérant qu’il ne peut être sérieusement soutenu que les pratiques dénoncées par RMC Info feraient courir un danger grave et immédiat au secteur de la radio ;

Considérant, en revanche, que le fait, pour RMC Info, de ne pouvoir négocier qu’avec un interlocuteur unique, le GIE, qui au demeurant, a fait état de ses réserves quant au principe de la cession de droits de diffusion exclusifs sur les évènements sportifs, rend la conclusion d’un accord entre RMC et une autre radio beaucoup moins probable que si chacune des grandes radios avait développé une politique d’achat de droits en toute indépendance ; que la situation dénoncée par RMC Info peut donc contribuer soit à ce que les auditeurs demeurant dans la partie du territoire français non couverte par cette radio ne puissent pas écouter la retransmission des matchs de la Coupe du monde de football soit à ce que le contrat soit dénoncé par la société Kirchmédia avec des effets difficilement prévisibles sur les possibilités de transmission ; que, dans ces conditions, et compte tenu du délai restreint qui sépare la présente décision du début de la Coupe du monde, il y a lieu de considérer qu’il existe un risque grave et immédiat qu’il soit porté atteinte à l’intérêt des consommateurs-auditeurs ; que la situation justifie d’autant plus des mesures d’urgence que, compte tenu du décalage horaire existant entre la France et les pays où se déroulent les matchs, une partie importante des personnes intéressées ne pourront pas les regarder à la télévision alors qu’elles pourraient les écouter à la radio ;

Considérant, dès lors, qu’il convient, dans l’attente de la décision au fond, de replacer les opérateurs dans une situation où les politiques d’achat de droits des grandes radios pour l’événement constitué par la Coupe du monde 2002 du football ne seront pas nécessairement communes, de façon à permettre à RMC Info de négocier indépendamment avec chaque radio, si elle ne parvient pas à un accord avec le GIE ; que, dans ce but, il y a lieu d’enjoindre au GIE de suspendre pour l’acquisition des droits relatifs à cet événement l’application des clauses de son contrat constitutif et de son règlement intérieur visant à limiter la liberté de ses membres de négocier et/ou de conclure tout accord relatif à la retransmission d’événements sportifs, à savoir les articles 2 alinéas 2 et 3 et 8 alinéas 1 et 2 du règlement intérieur et les articles 7 alinéa 4, et 8, alinéas 1, 4 deuxième phrase et 5 du contrat constitutif ;

DéCIDE

Article unique - Il est enjoint au GIE Sport libre de suspendre, en ce qui concerne l’acquisition des droits radiophoniques pour les matchs de la Coupe du monde 2002 du football, les clauses de son contrat constitutif et de son règlement intérieur, visant à limiter la liberté de ses membres de négocier et/ou de conclure, à titre individuel, tout accord relatif à la retransmission d’évènements sportifs à savoir les articles 2 alinéas 2 et 3, et 8 alinéas 1 et 2 du règlement intérieur et les articles 7 alinéa 4, et 8 alinéas 1, 4 deuxième phrase et 5 du contrat constitutif.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Daudret-John, par Mme Hagelsteen, présidente, M. Nasse, vice-président et M. Piot, membre, en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.

 


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