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Conseil d’Etat, référé, 18 décembre 2001, n° 240061, Mme Françoise R.

Il n’est prévu d’interruption du versement de la rémunération du fonctionnaire que dans les cas définis aux articles 39 et 44 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, lorsque l’intéressé ne se soumet ni aux prescriptions ni aux visites de contrôle qu’exige son état de santé.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 240061, 240658

Mme Françoise R.

Ordonnance du 18 décembre 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu, 1°) sous le numéro 240061, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 14 novembre 2001, présentée pour Mme Françoise R. ; Mme R. demande au juge des référés du Conseil d’Etat :

o) d’ordonner la suspension de la décision résultant du silence gardé par le ministre de l’éducation nationale sur sa demande en date du 19 juillet 2001 tendant à l’annulation d’un arrêté du 18 juin 2001 du recteur de l’académie de Lyon la plaçant en disponibilité d’office du 14 janvier au 13 juillet 2001 et tendant à ce qu’elle soit placée en congé de longue durée ;

o) d’enjoindre au ministre de l’éducation nationale de la placer en congé de longue durée à compter du 14 janvier 2001, sous astreinte de 5 000 francs (762,25 Euros) par jour de retard ;

o) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F (2 286,74 Euros), sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l’urgence est établie, puisqu’elle est sans ressources depuis le 1er juillet et qu’elle doit faire face à des charges importantes ; qu’il existe des moyens de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision du 18 juin 2001 ; qu’elle a été prise par une autorité incompétente ; qu’elle est entachée d’un défaut de motivation ; que dans la mesure où elle-même n’avait pas épuisé ses droits à congé de longue durée, elle ne pouvait être mise en disponibilité d’office et que la décision du 18 juin a donc méconnu les dispositions du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif aux congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu la demande adressée au ministre de l’éducation nationale le 19 juillet 2001, reçue le 23 ;

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 3 décembre 2001, le mémoire présenté par le ministre de l’éducation nationale qui conclut au rejet de la demande de suspension ;

Il soutient qu’en application de ses instructions, le recteur a retiré la décision du 18 juin 2001 plaçant l’intéressée en disponibilité d’office et que la demande de suspension de la décision rectorale est donc sans objet ; que l’intéressée, qui n’avait pas épuisé ses droits à congé de longue durée, ne pouvait plus être placée dans cette position statutaire en raison notamment des avis du comité médical du 13 juillet 2000 et du 1er février 2001, qui n’ont pas été contestés devant le comité médical supérieur ; que l’intéressée a été placée en disponibilité d’office du 13 janvier au 13 octobre 2001, après avis du comité médical, avec demi-traitement, en application de l’article 27 du décret du 14 mars 1986 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, 2°), sous le numéro 240 658, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 3 décembre 2001, présentée pour Mme Françoise R. ; Mme R. demande au juge des référés du Conseil d’Etat

o) d’ordonner la suspension de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’éducation nationale sur sa demande en date du 29 août 2001 de voir renouveler son congé de longue durée ;

o) d’enjoindre au ministre d’engager la procédure aux fins d’octroi du congé demandé, sous astreinte de 10 000 F (1 524,49 Euros) par jour de retard ;

o) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 15 000 F (2 286,74 Euros) sur le fondement de l’article L. 761-1 par jour de retard ;

Elle soutient qu’elle est sans ressources et qu’elle a à faire face à des charges importantes ; que l’urgence est donc établie ; que, dès lors qu’elle n’avait pas épuisé ses droits à un congé de longue durée, la décision prise méconnaît les dispositions combinées des articles 31 et 47 du décret du 14 mars 1986 ;

Vu la demande adressée au ministre de l’éducation nationale le 29 août 2001, reçue le 3 septembre 2001 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions ;

Vu le décret n° 86-442 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que les deux requêtes susvisées de Mme R. tendent à ce que soit ordonnée la suspension de deux décisions rejetant ses demandes tendant à être placée dans la position de congé de longue durée ; que ces décisions font application des mêmes dispositions à l’endroit du même fonctionnaire ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’une même ordonnance ;

Considérant que Mme R., fonctionnaire servant dans l’enseignement supérieur, titularisée professeur des universités par décret du président de la République du 4 février 2001, a bénéficié d’un congé de longue maladie d’octobre 1996 à octobre 1997, puis d’un congé de longue durée d’octobre 1997 à octobre 1999 ; que, réintégrée dans ses fonctions, elle a bénéficié de congés de maladie de novembre 1999 à décembre 1999, puis du 19 janvier 2000 au 12 janvier 2001 ; que, par arrêté du recteur de l’académie de Lyon en date du 18 juin 2001, elle a été placée dans la position de disponibilité d’office du 14 janvier au 13 juillet 2001 ; qu’à compter du 1er juillet 2001, aucun traitement ne lui a été versé ; que ses demandes des 19 juillet et 29 août 2001 tendant à être placée dans la position de congé de longue durée ont été rejetées par le ministre de l’éducation nationale ;

Considérant que le juge des référés peut prononcer la suspension d’une décision administrative en application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, lorsque l’urgence le justifie et qu’il soit fait état d’un moyen de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant que les décisions contestées du ministre de l’éducation nationale ont pour effet de faire obstacle à ce que soit versé à Mme R. son traitement de professeur des universités ; qu’ainsi la condition d’urgence énoncée à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite ;

Sur les conclusions de Mme R. tendant à la suspension de la décision implicite de rejet de sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 18 juin du recteur de l’académie de Lyon :

Considérant que, postérieurement à l’introduction de sa requête, le 14 novembre 2001, le recteur de l’académie de Lyon a, sur instruction ministérielle, procédé au retrait, le 22 novembre, de son arrêté du 18 juin 2001 ; que les conclusions de Mme R. tendant à l’annulation de la décision ministérielle rejetant implicitement sa demande du 19 juillet sont devenues sans objet, mais seulement dans la mesure où cette demande tendait à ce que soit annulé l’arrêté rectoral du 18 juin 2001 ;

Sur les conclusions tendant à la suspension des refus du ministre de la placer dans la position de congé de longue durée :

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des explications données à l’audience, que le ministre de l’éducation nationale, après avoir rejeté implicitement les demandes de Mme R. tendant à se voir accorder un congé de longue durée, a substitué à la décision du recteur sa propre décision, en plaçant l’intéressée, par décision du 28 novembre 2001, par application des dispositions de l’article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, en disponibilité d’office avec demi-traitement du 13 janvier 2001 au 13 octobre 2001 ; que sur ses instructions, le recteur a demandé à nouveau au comité médical départemental de se prononcer à nouveau sur l’état médical de l’intéressée ; qu’il a, enfin regardé les demandes de la requérante comme des contestations des décisions dudit comité et saisi le 30 novembre 2001 le comité médical supérieur ; qu’il est constant toutefois qu’aucune décision plaçant Mme R. en congé de longue durée, pas plus que dans aucune autre position, n’est intervenue ; que les conclusions des deux requêtes conservent sur ce point leur objet ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, le fonctionnaire ayant obtenu des congés de maladie pour une durée totale de douze mois ne peut reprendre son service sans avis favorable du comité médical et, en cas d’avis défavorable, est, soit reclassé dans un autre emploi, soit mis d’office en disponibilité, soit, en cas d’inaptitude définitive, admis à la retraite, le paiement du demi-traitement étant maintenu jusqu’à la date d’admission ; que l’article 31 de ce décret dispose que lorsqu’un fonctionnaire a bénéficié d’un congé de longue durée au titre d’une des affections mentionnées à l’article 29, tout congé obtenu ultérieurement pour cette affection est un congé de longue durée ; que l’article 37 du même décret prévoit qu’à l’issue de chaque période de congé de longue maladie ou de longue durée, le traitement ou le demi-traitement ne peut être maintenu au fonctionnaire que pour autant qu’il a demandé et obtenu le renouvellement du congé ; qu’en vertu enfin des dispositions de l’article 47, le fonctionnaire qui ne peut reprendre son service à l’expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite ; qu’il n’est prévu d’interruption du versement de la rémunération du fonctionnaire que dans les cas définis aux articles 39 et 44 du décret, lorsque l’intéressé ne se soumet ni aux prescriptions ni aux visites de contrôle qu’exige son état de santé ; qu’il résulte de ces dispositions que Mme R. devait bénéficier d’une décision administrative lui assurant au moins un demi-traitement ;

Considérant que, pour refuser à Mme R., qui n’avait pas épuisé les périodes, définies à l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984, de congé de longue durée dont elle pouvait bénéficier, le renouvellement d’un tel congé, le ministre de l’éducation nationale s’est fondé notamment sur un avis du comité médical départemental en date du 1er février 2001 estimant que l’intéressée ne relevait pas d’une nouvelle période de congé de longue durée, mais d’une mise en disponibilité d’office "afin de préparer la retraite" ; que, toutefois, le ministre n’a réservé aucune suite positive à cet avis et s’est borné à demander ultérieurement au comité médical la prolongation de la disponibilité d’office consécutive aux douze mois de congés de maladie qui avaient été accordés à Mme R. en 2000 ; qu’ainsi, le moyen tiré, par la requérante, d’une méconnaissance des dispositions du décret apparaît, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions ministérielles refusant à Mme R. le bénéfice du renouvellement du congé de longue durée ; qu’il y a lieu, par suite, d’en ordonner la suspension ;

Sur les conclusions des requêtes tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre d’engager la procédure tendant à voir accorder à la requérante un congé de longue durée, sous astreinte de 10 000 F (1524,49 Euros) par jour de retard :

Considérant que les invitations adressées par le ministre aux comités médicaux de se prononcer sur la situation de la requérante n’ont nullement pour effet de remédier à la situation matérielle de celle-ci ; qu’en l’absence de toute rémunération assurée au-delà de la date du 13 octobre 2001, le prononcé de la suspension doit être assorti d’une injonction faite au ministre de l’éducation nationale consistant, dans les circonstances de l’espèce, à ce que celui-ci prenne dans les huit jours une décision accordant à titre provisionnel une rémunération à Mme R., d’un montant au moins égal à la moitié de son traitement ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, en l’état, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions de Mme R. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser à Mme R. la somme de 30 000 F (4 573,47 Euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 240061 tendant à la suspension de la décision implicite du ministre en tant qu’elle rejette la demande d’annulation de la décision du recteur de l’académie de Lyon en date du 18 juin 2001.

Article 2 : Les décisions implicites nées du silence du ministre de l’éducation nationale gardé sur les demandes de Mme R. en date des 19 juillet et 29 août 2001 sont suspendues.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’éducation nationale de prendre dans les huit jours une décision accordant à Mme R. à titre provisionnel une rémunération à compter du 13 octobre 2001.

Article 4 : L’Etat versera à Mme R. la somme de 30 000 F (4 573,47 Euros).

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 240061 et 240658 est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme R. et au ministre de l’éducation nationale.

 


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