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Conseil d’Etat, Avis, 16 novembre 2001, n° 235145, Haut-Commissaire de la République en Polynésie française

Les compétences de négociation et de signature de certains accords internationaux et arrangements administratifs et de représentation auprès de certains organismes internationaux- qui sont prévues au premier et au dernier alinéa de l’article 40 et au premier alinéa de l’article 41 ne peuvent être confiées qu’au président du gouvernement de la Polynésie française, par un pouvoir délivré par les autorités de la République et sans qu’il puisse se faire représenter.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au Contentieux

N° 235145

HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE

M. Mochon, Rapporteur

Mme Mitjavile, Commissaire du Gouvernement

Séance du 17 octobre 2001

Lecture du 16 novembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Conseil d’Etat,

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 26 juin 2001, le jugement en date du 20 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Papeete, avant de statuer sur la demande du HAUT COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE tendant à l’annulation de la délibération n° 2000-002/APF du 11 janvier 2001 par laquelle l’assemblée de Polynésie française a créé un "service des relations internationales ", a transmis, en application de l’article 113 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si ladite délibération fait une exacte application de la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mochon, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

REND L’AVIS SUIVANT :

1° Aux termes de l’article 113 de la loi organique du 12 avril 1996, portant statut d’autonomie de la Polynésie française : "Lorsqu’un recours pour excès de pouvoir invoque l’illégalité de délibérations de l’assemblée territoriale de la Polynésie française ou de sa commission permanente ou celle d’actes pris en application de ces délibérations fondées sur l’inexacte application de la répartition des compétences entre l’Etat, le territoire et les communes, ou si ce moyen est soulevé d’office, le tribunal administratif transmet le dossier sans délai pour avis au Conseil d’Etat (...) et il est sursis à toute décision sur le fond jusqu’à son avis ou à défaut jusqu’à l’expiration du délai de trois mois."

Le Conseil d’Etat est saisi sur le fondement de ces dispositions par le tribunal administratif de Papeete de la question de savoir si la délibération n° 2000-002 / APF du 11 janvier 2001 de l’assemblée de Polynésie française portant création d’un service des relations internationales fait une exacte application de la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française. Il appartient au Conseil d’Etat de se prononcer dans le cadre de cette saisine sur les questions de répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française, mais non sur les questions de répartition des compétences entre les institutions de la Polynésie française.

2° Aux termes de l’article 6 de la loi organique du 12 avril 1996 : "Les autorités de l’Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : 1° Relations extérieures, y compris en matière financière et commerciale, à l’exception des restrictions quantitatives à l’importation, du programme annuel d’importation et du régime applicable aux projets d’investissements directs étrangers, du régime douanier à l’importation et à l’exportation des marchandises, des règles de police vétérinaire et phytosanitaire, et sans préjudice des dispositions des articles 40 et 41 de la présente loi".

L’article 40 de la même loi dispose que : " Les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président du gouvernement pour négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l’Etat ou du territoire avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes régionaux du Pacifique dépendant des institutions spécialisées des Nations unies. / Dans le cas où il n’est pas fait application des dispositions de l’alinéa ci-dessus, le président du gouvernement ou son représentant est associé et participe au sein de la délégation française aux négociations d’accords intéressant les domaines de compétence du territoire avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes régionaux du Pacifique dépendant des institutions spécialisées des Nations unies. Le président du gouvernement ou son représentant peut être associé ou participer de la même façon aux négociations d’accords de même nature intéressant les domaines de compétence de l’Etat. / Les accords définis au premier alinéa sont soumis à ratification ou approbation dans les conditions prévues aux articles 52 et 53 de la Constitution. / Le président du gouvernement peut être autorisé par les autorités de la République à représenter ce dernier au sein des organismes régionaux du Pacifique ou des organismes régionaux du Pacifique dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.

L’article 41 de la même loi dispose que : " Dans les conditions définies à l’article 40, le président du gouvernement négocie et signe des arrangements administratifs, dans le respect des accords internationaux, avec les administrations des Etats du Pacifique ou des organismes régionaux du Pacifique, dans les domaines de compétence du territoire. Les arrangements entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’Etat dans les conditions fixées aux articles 36 et 92. / Le président du gouvernement, dans les matières ressortissant à la compétence territoriale, négocie et signe au nom de la Polynésie française, dans le respect des engagements internationaux de la République, des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités locales françaises ou étrangères, leurs groupements ou établissements publics. / La conclusion de ces conventions est autorisée par l’assemblée territoriale de la Polynésie française ou, lorsque la convention porte sur des matières ressortissant à la compétence du seul conseil des ministres, par ce dernier. / Ces conventions entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’Etat dans les conditions fixées aux articles 36, 58 et 92."

3° Les dispositions précitées du 1° de l’article 6 et des articles 40 et 41 de la loi organique du 12 avril 1996 n’interdisent pas aux institutions de la Polynésie française de disposer d’un service des relations internationales pour les assister dans les compétences qui leur sont reconnues en matière de relations extérieures.

La définition des attributions de ce service doit respecter les limites fixées à cette compétence des institutions de la Polynésie française en matière de relations extérieures. La définition des attributions du service des relations internationales par la délibération n° 2001 - 002 / APF de l’assemblée de la Polynésie française exclut les questions de commerce extérieur, de développement du tourisme et de promotion des investissements. Dans ce champ d’application, les compétences en matière de relations extérieures de la Polynésie française ainsi que leurs limites sont donc posées par les articles 40 et 41 de la loi organique, qui précisent notamment la nature des accords qui peuvent être négociés et signés, les organisations, Etats et territoires avec lesquels ils peuvent être passés et les procédures auxquelles sont soumises leur négociation, leur conclusion et leur entrée en vigueur. Les dispositions de l’article 2 de la délibération en cause de l’assemblée de la Polynésie française, qui rappellent explicitement que les actions des autorités de la Polynésie française en matière internationale s’inscrivent dans les limites posées par les articles 40 et 41 de la loi organique, ne méconnaissent donc pas la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française en tant qu’elles chargent le service des relations internationales de la coordination de ces actions.

Ne méconnaissent pas davantage cette répartition des compétences les dispositions du premier tiret de l’article 3 de la délibération en cause en tant qu’elles confient au service des relations internationales un rôle dans la préparation, la négociation et la signature des engagements internationaux prévus aux articles 40 et 41 de la loi organique du 12 avril 1996. Ces dispositions se bornent en effet à prévoir les modalités de mise en oeuvre des compétences reconnues aux autorités de la Polynésie française par les articles 40 et 41 de la loi organique du 12 avril 1996. Il en est de même des dispositions du deuxième tiret de l’article 3 en tant qu’elles chargent le service des relations internationales de conseiller le gouvernement de la Polynésie française dans le domaine du droit international. Enfin, ne méconnaissent pas non plus les limites des compétences conférées aux autorités de la Polynésie française les dispositions du troisième tiret de l’article 3 en tant qu’elles chargent le service des relations internationales de contribuer à l’organisation de conférences internationales. Ces dispositions, qui doivent être interprétées comme concernant les seules conférences internationales pour lesquelles sont mises en oeuvre les procédures de pouvoir délivrées au président du gouvernement de la Polynésie française par les autorités de la République prévues aux articles 40 et 41 précités de la loi organique du 12 avril 1996, constituent une simple modalité de mise en oeuvre des dispositions de ces articles 40 et 41 de la loi organique.

4° Il en va différemment des dispositions du dernier tiret de l’article 3 de la délibération qui charge le service des relations internationales de " concourir à la représentation des intérêts de la Polynésie française auprès d’Etats ou organismes internationaux, et plus particulièrement dans le Pacifique ". Aucune disposition de la loi organique ne donne compétence aux autorités de la Polynésie française pour être représentées auprès d’Etats ou d’organisations internationales. Les dispositions du dernier alinéa de l’article 40 doivent en effet être interprétées, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1996, comme instituant une possibilité pour les autorités de la République d’autoriser le président du gouvernement de la Polynésie française à les représenter au sein d’organismes régionaux du Pacifique. En l’absence de -dispositions prévoyant une représentation internationale propre de la Polynésie française, la compétence en cette matière revient à l’Etat, en application du 1° de l’article 6 de la loi organique. Les dispositions de la délibération en cause de l’assemblée de la Polynésie française prévoyant une représentation des autorités de la Polynésie française auprès d’Etats ou d’organisations internationales méconnaissent dès lors la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française.

5° Méconnaît également la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française le fait de prévoir l’assistance du service des relations internationales aux ministres ou au gouvernement dans des cas où les articles 40 et 41 n’ont confié une compétence qu’au président du gouvernement agissant sur pouvoir délivré par les autorités de la République et sans qu’il puisse être représenté.

Ainsi, les compétences de négociation et de signature de certains accords internationaux et arrangements administratifs et de représentation auprès de certains organismes internationaux- qui sont prévues au premier et au dernier alinéa de l’article 40 et au premier alinéa de l’article 41 ne peuvent être confiées qu’au président du gouvernement de la Polynésie française, par un pouvoir délivré par les autorités de la République et sans qu’il puisse se faire représenter. Pour l’exercice de telles compétences, le président du gouvernement de la Polynésie française peut être assisté par un service des relations internationales. Cependant, la définition des attributions de ce service ne peut sans méconnaître la répartition des compétences prévoir son assistance pour l’exercice de telles compétences par les ministres ou par le gouvernement de la Polynésie française, ni comme le fait l’article 1er de la délibération, la subordination de ce service à un ministre pour l’exercice de compétences qui sont confiées au président du gouvernement sur pouvoir délivré par les autorités de la République.

6° Dans le cas des compétences qui ont été reconnues au président du gouvernement de la Polynésie française sans être conditionnées par la délivrance d’un pouvoir par les autorités de la République, il ne se pose pas de question de répartition des compétences entre l’Etat et le territoire de la Polynésie française dont le Conseil d’Etat puisse être valablement saisi sur le fondement de l’article 113 de la loi organique du 12 avril 1996.

Ces compétences sont l’association ou la participation au sein de la délégation française aux négociations d’accords internationaux prévues par le deuxième alinéa de l’article 40 ainsi que la négociation et la signature des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités locales, leurs groupements ou des établissements publics prévue par le deuxième alinéa de l’article 41. Dans l’exercice de ces deux types de compétence, la question de savoir si le service des relations internationales peut assister un ministre ou le gouvernement, ou si la définition de ses attributions devait prévoir qu’il ne peut assister que le président, pose une question de répartition des compétences entre les institutions de la Polynésie française. Elle ne constitue pas une question de répartition des compétences entre l’Etat et le territoire dont il appartiendrait au Conseil d’Etat de connaître sur le fondement de l’article 113 de la loi organique du 12 avril 1996.

Il en va de même de la question de savoir si l’assemblée de la Polynésie française est compétente pour créer un tel service ou si cette compétence est réservée au président du gouvernement de la Polynésie française.

Ces deux questions, si elles peuvent le cas échéant donner lieu à des moyens de légalité soulevés devant le juge de l’excès de pouvoir auquel est demandée l’annulation de la délibération en cause, ne relèvent pas de la procédure d’avis institué par l’article 113 de la loi organique du 12 avril 1996.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Papeete, au HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE, au président de l’Assemblée de la Polynésie française et au secrétaire d’Etat à l’outre-mer.

Il sera publié au Journal officiel de la Polynésie française.

 


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