format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 13 février 2008, n° 301711, Lyes H.
Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 304045, Consorts E.
Conseil d’Etat, 24 juin 2002, n° 215400, Préfet de la Haute-Garonne c/ M. Djamel T.
Conseil d’Etat, 2 octobre 2002, n° 220013, Préfet des Yvelines c/ Mme Leïla C.
Conseil d’Etat, 25 juillet 2008, n° 305697, Rachid et Babia I.
Cour administrative d’appel de nantes, 26 mars 2004, n° 02NT01344, Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité c/ Mlle Thu Lang H.
Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 247940, Syndicat des avocats de France
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 27 avril 2004, n° 02BX00111, Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Conseil d’Etat, 19 mai 2008, n° 305670, Association SOS Racisme
Tribunal administratif de Lyon, 5 avril 2000, Mme Donu Yilar




Conseil d’Etat, 19 mai 2008, n° 301813, Association SOS Racisme, Ligue des droits de l’homme et autres

Par les alinéas contestés du point 1.1 de la circulaire attaquée, le ministre de l’intérieur a prévu que le droit de séjour des ressortissants bulgares et roumains dans les trois mois suivant leur entrée sur le territoire national cesserait s’ils deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français dans les conditions qu’il a précisées. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a partiellement transposé en droit français la directive du 29 avril 2004, ne contient aucune disposition sur le droit au séjour de moins de trois mois des ressortissants communautaires. A la date à laquelle a été prise la circulaire, aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoyait une telle limitation du droit au séjour de ces ressortissants.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 301813, 307022

ASSOCIATION SOS RACISME

LIGUE DES DROITS DE L’HOMME et autres

Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur

M. Frédéric Lenica
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 avril 2008
Lecture du 19 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°/, sous le n° 301813, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 27 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION SOS RACISME, dont le siège est 51, avenue des Flandres à Paris (75019) ; l’ASSOCIATION SOS RACISME demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la circulaire du 22 décembre 2006 du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire relative aux modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°/, sous le n° 307022, la requête, enregistrée le 28 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, dont le siège est 138 rue Marcadet à Paris (75018), la CIMADE, dont le siège est 176 rue de Grenelle à Paris (75007), la FASTI, dont le siège est 58 rue des Amandiers à Paris (75020) et le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3 villa Marcès à Paris (75011) ; la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME et les autres requérants demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la circulaire du 22 décembre 2006 du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire relative aux modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à chacune des quatre associations requérantes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la République de Roumanie à l’Union européenne, signé à Luxembourg le 25 avril 2005 ;

Vu la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de l’ASSOCIATION SOS RACISME et autres,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de l’ASSOCIATION SOS RACISME, d’une part, de la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, la CIMADE, la FASTI et du GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, d’autre part, sont dirigées contre la circulaire du 22 décembre 2006 du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire relative aux modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des dispositions du point 1.1 relatif aux séjours de moins de trois mois à l’exception de ses deux premiers alinéas :

Considérant que, selon l’article 6 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, les citoyens de l’Union peuvent séjourner sur le territoire d’un autre Etat membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autre condition que celle de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité ; que l’article 14 de la même directive précise toutefois que ce droit n’existe que " tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’Etat d’accueil " ; qu’enfin, l’article 37 de la directive autorise les Etats membres à maintenir ou à prendre des dispositions plus favorables aux personnes visées par la directive ;

Considérant que, par les alinéas contestés du point 1.1 de la circulaire attaquée, le ministre de l’intérieur a prévu que le droit de séjour des ressortissants bulgares et roumains dans les trois mois suivant leur entrée sur le territoire national cesserait s’ils deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français dans les conditions qu’il a précisées ; que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a partiellement transposé en droit français la directive du 29 avril 2004, ne contient aucune disposition sur le droit au séjour de moins de trois mois des ressortissants communautaires ; qu’à la date à laquelle a été prise la circulaire, aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoyait une telle limitation du droit au séjour de ces ressortissants ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués, les requérants sont fondés à demander l’annulation des dispositions précitées de la circulaire comme entachées d’incompétence ;

Considérant, toutefois, qu’en prévoyant au dernier alinéa du point 1.1 que les informations relatives à la situation administrative des personnes effectuant un séjour de moins de trois mois seront portées sur le fichier ADGREF, la circulaire a édicté une simple règle d’organisation du service et n’a méconnu aucune disposition législative ou réglementaire ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de dispositions du point 1.2 relatif aux séjours de plus de trois mois :

Considérant, en premier lieu, que le ministre de l’intérieur ne commet aucune illégalité du seul fait qu’il rappelle, au point 1.2.1 de la circulaire, que s’agissant de l’accès au travail salarié, les dispositions de la circulaire du ministre de l’emploi du 29 avril 2006 prévoyant l’ouverture aux ressortissants des nouveaux Etats membres de certains secteurs d’activité seront applicables aux intéressés ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, tout citoyen de l’Union européenne. a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s’il satisfait à l’une des conditions suivantes : . 2° S’il dispose pour lui et pour les membres de sa famille. de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance-maladie. " ; qu’en fixant le niveau de ressources par référence au montant du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, la circulaire attaquée a édicté des conditions qui n’étaient prévues ni par la loi ni par le décret ; que les dispositions de son point 1.2.2 sont, dès lors, entachées d’incompétence ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des dispositions du point 2 relatif au droit de l’éloignement :

Considérant, en premier lieu, qu’en indiquant au point 2.2 que l’expulsion pour des motifs graves liés à l’ordre et à la sécurité publics était possible dans les conditions prévues au titre II du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et en rappelant la protection spécifique instituée par l’article L. 521-2 de ce code, aux termes duquel : " Ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique. : . 6° Le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne. qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans ", la circulaire s’est bornée à rappeler les dispositions législatives sans méconnaître aucun principe du droit communautaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : . 8°. s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, le comportement de l’étranger a constitué une menace pour l’ordre public ou si. l’étranger a méconnu les dispositions de l’article L. 341-4 du code du travail " ; qu’en prévoyant au point 2.3 premier tiret, que, pendant les trois premiers mois de leur séjour, les Roumains et les Bulgares pourraient faire l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière en vertu des dispositions précitées, si leur comportement constitue une menace pour l’ordre public ou s’ils enfreignent la législation du travail, la circulaire n’a fait que rappeler les termes de la loi ; que, si elle n’a pas repris les conditions procédurales qui s’appliquent à la reconduite des ressortissants communautaires, ces conditions s’appliquent en tout état de cause ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, la circulaire a édicté une disposition entachée d’incompétence en prévoyant au point 2.3 second tiret, que, lorsqu’ils constituent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français, les ressortissants concernés pourraient faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, tout citoyen de l’Union européenne. a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s’il satisfait à l’une des conditions suivantes : 1° S’il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S’il dispose pour lui et pour les membres de sa famille. de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance-maladie ; 3° S’il est inscrit dans un établissement. pour y suivre à titre principal des études. et garantit disposer d’une assurance-maladie ainsi que des ressources suffisantes pour lui et les membres de sa famille. pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale " ; qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 121-2 du même code : " . demeurent soumis à la détention d’un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d’adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l’Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle. " ; que le traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, signé le 25 avril 2005, a prévu que les ressortissants de ces deux pays demeureraient soumis, pendant la période transitoire prévue par ce traité, à l’obligation de détenir un titre de séjour lorsqu’ils souhaitent accéder au marché du travail dans l’un des Etats membres de l’Union européenne ; qu’en précisant au point 2.4, d’une part, qu’une situation de complète dépendance par rapport au système d’assurance sociale français révélerait que l’intéressé ne se trouve plus dans une situation lui ouvrant droit au séjour et en invitant, d’autre part, les préfets à prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l’encontre des ressortissants qui exercent une activité professionnelle salariée sans être en possession d’un titre de séjour, la circulaire n’a fait que rappeler les termes de la loi ; que, si elle n’a pas repris les conditions procédurales qui s’appliquent à la reconduite de ressortissants communautaires, ces conditions s’appliquent en tout état de cause ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la même somme de 1 000 euros à verser respectivement à l’ASSOCIATION SOS RACISME, à la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, à la CIMADE, à la FASTI et au GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Les dispositions figurant aux points 1.1 à l’exception des deux premiers et du dernier alinéa, 1.2.2 et 2.3 second tiret de la circulaire du 22 décembre 2006 du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire relative aux modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 sont annulées.

Article 2 : L’Etat versera à l’ASSOCIATION SOS RACISME, à la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, à la CIMADE, à la FASTI et au GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES la même somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION SOS RACISME, à la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, à la CIMADE, à la FASTI, au GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site