format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 6 août 2008, n° 285719, Compagnie nationale de navigation
Conseil d’Etat, 2 octobre 2002, n° 224917, Société Formatic
Conseil d’Etat, 12 décembre 2008, n° 298987, Ghislaine R.
Cour administrative d’appel de Marseille, 4 décembre 2003, n° 99MA01114, Arnaud de G.
Conseil d’Etat, 27 mai 2002, n° 229133, Syndicat de l’industrie des technologies de l’information
Conseil d’Etat, 18 octobre 2002, n° 224459, M. Yves C.
Cour administrative d’appel de Nantes, 28 mai 2003, n° 00NT00836, Société Galapagos
Conseil d’Etat, 8 mars 2004, n° 248094, Fereshteh M.
Conseil d’Etat, 13 décembre 2002, n° 224713, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ SA Garage Paty Automobiles
Conseil d’Etat, 27 juin 2008, n° 305702, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ SCI Ingrid




Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 287967, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Mme Juliette M.

En vertu des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, lorsque le prix d’un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d’immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d’après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail ; que, dans le cas où le bailleur vend le terrain au preneur avant le terme du bail, l’acte de vente produit, au regard de la loi fiscale en matière de revenus fonciers, les mêmes effets qu’une résiliation amiable tacite du bail et doit être regardé comme faisant naître au bénéfice du bailleur le complément de loyer correspondant à la valeur des constructions édifiées par le preneur qui lui reviennent au terme du bail.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 287967

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ Mme Juliette M.

M. Jean-Luc Matt
Rapporteur

Mme Claire Landais
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 février 2008
Lecture du 11 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 22 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 13 octobre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son recours tendant à l’annulation des articles 1er et 2 du jugement du 4 juin 2003 du tribunal administratif de Lyon accordant à M. et Mme Emmanuel M. la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale ainsi que des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 1995 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de Mme Juliette M.,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Emmanuel M., d’une part, et M. et Mme Joseph M., d’autre part, ont consenti le 18 janvier 1983 à la SCI Les Sablières de Chassieu, sur un terrain de 10 850 m2 dont ils étaient propriétaires indivis, un bail à construction pour une durée de 30 ans, à charge pour cette société d’y construire un local à usage commercial ; que le bail stipulait que les constructions et aménagements réalisés par la preneuse devaient revenir aux bailleurs au terme du bail ou en cas de résiliation amiable ; qu’après avoir cédé leurs parts de la SCI à un tiers, les consorts M. ont, le 5 octobre 1995, cédé à cette société le terrain qu’ils lui louaient précédemment ; que l’administration fiscale, estimant que cette vente impliquait la résiliation amiable du bail et emportait la cession du terrain et de l’ensemble des constructions et aménagement réalisés par la SCI, a, d’une part, réintégré dans les revenus fonciers imposables de M. et Mme Emmanuel M. un complément de loyer résultant de la résiliation du bail et a, d’autre part, imposé une plus-value de cession en tenant compte de la valeur des constructions et aménagements réalisés par la SCI ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 13 octobre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, confirmant le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2003, a déchargé les requérants de l’intégralité des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquels ils avaient été assujettis ;

Considérant qu’en vertu des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, lorsque le prix d’un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d’immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d’après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail ; que, dans le cas où le bailleur vend le terrain au preneur avant le terme du bail, l’acte de vente produit, au regard de la loi fiscale en matière de revenus fonciers, les mêmes effets qu’une résiliation amiable tacite du bail et doit être regardé comme faisant naître au bénéfice du bailleur le complément de loyer correspondant à la valeur des constructions édifiées par le preneur qui lui reviennent au terme du bail ; que par suite, en jugeant qu’au motif que le bail à construction avait pris fin, en application des articles 1234 et 1300 du code civil, par la confusion, en la personne de la SCI Les Sablières de Chassieu, des qualités de preneur et d’acquéreur, les bailleurs ne pouvaient être imposés à raison du complément de loyer correspondant à la valeur des constructions édifiées par le preneur, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à demander l’annulation de l’arrêt du 13 octobre 2005 ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, pour décharger M. et Mme Emmanuel M. des impositions litigieuses, le tribunal administratif de Lyon a jugé que l’acte de vente du 5 octobre 1995 n’avait pu faire naître aucun complément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers et ne portait pas sur les constructions édifiées en cours de bail ;

Considérant toutefois qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme Emmanuel M. devant le tribunal administratif de Lyon au soutien de leurs conclusions ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’administration fiscale, qui s’est bornée à tirer les conséquences de l’acte de vente au regard des règles d’imposition des revenus fonciers, n’a pas qualifié, même implicitement, d’abus de droit le comportement des contribuables ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que l’administration aurait dû faire application de la procédure relative à la répression des abus de droit doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que les personnes ayant participé en l’espèce aux différents actes de cession des participations dans la SCI Les Sablières de Chassieu et de vente immobilière se seraient méprises sur la portée des règles fiscales applicables est sans influence sur le bien-fondé des impositions litigieuses ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que la vente du terrain au preneur est intervenue au cours des dix-huit premières années du bail n’autorisait pas l’administration à calculer le complément de loyer revenant aux bailleurs en fonction de la valeur vénale des constructions réalisées par le preneur au motif que le bail à construction, ne remplissant plus la durée minimale prévue à l’article L. 251-1 du code de la construction et de l’habitation, devrait être requalifié en bail de droit commun ; que le complément de loyer perçu par les bailleurs doit être calculé d’après le prix de revient des constructions qui leur sont revenues à la fin du bail ; que, pour déterminer ce prix de revient, il y a lieu de ne prendre en compte que la valeur comptable des constructions figurant à l’actif de la SCI, sans y appliquer de majoration au titre de plus-values latentes ; que, par suite, M. et Mme Emmanuel M. sont fondés à soutenir que la somme à réintégrer dans leurs revenus fonciers imposables au titre de l’année 1995 doit être réduite de 1 008 743 F à 654 299 F ;

Considérant, enfin, que la transaction conclue le 5 octobre 1995 doit être regardée comme ayant eu pour objet la vente à la SCI Les Sablières de Chassieu, non seulement du terrain appartenant aux consorts M., mais aussi des constructions réalisées par le preneur qui leur sont revenues, ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; qu’au regard de l’imposition des revenus du bailleur, le prix de revient des constructions dont la propriété a été acquise par les consorts M. par l’effet du même acte que leur revente est nécessairement équivalent à leur prix de cession ; qu’ainsi la cession des constructions n’a donné lieu à la réalisation d’aucune plus-value ; que, par l’effet de l’abattement prévu par l’article 150 M alors applicable du code général des impôts, la cession en 1995 du terrain acquis le 26 septembre 1996 n’a dégagé aucune plus-value imposable ; que, dès lors, M. et Mme Emmanuel M. sont fondés à demander la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis à raison de l’imposition de plus-values de cession ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme Juliette M. de la somme de 5 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 13 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : M. et Mme Emmanuel M. sont rétablis au rôle de l’impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale au titre de 1995 à raison d’un rehaussement de 654 299 F (99 747, 24 euros) de leurs bases brutes imposables dans la catégorie des revenus fonciers.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juin 2003 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera à Mme Juliette M. la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme Emmanuel M. devant le tribunal administratif de Lyon et du pourvoi du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à Mme Juliette M..

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site