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Conseil d’Etat, 9 avril 2008, n° 308221, André R.

Pour déterminer si une décision relative à un changement d’affectation d’un détenu d’un établissement pénitentiaire à un autre constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir, il y a lieu d’apprécier sa nature et l’importance de ses effets sur la situation des détenus.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 308221

M. R.

M. Edouard Geffray
Rapporteur Mme Claire Landais
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 février 2008
Lecture du 9 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 3 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. André R. ; M. R. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 19 juillet 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision exécutée le 11 juin 2007 par laquelle le ministre de la justice l’a affecté au centre pénitentiaire de Caen, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) statuant en référé, d’enjoindre au ministre de le réintégrer provisoirement au sein de l’établissement de Fresnes dans les dix jours de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. André R.,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;

Considérant que M. R. demande l’annulation de l’ordonnance du 19 juillet 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision le transférant de la maison d’arrêt de Fresnes au centre de détention de Caen, au motif qu’une telle décision présentait le caractère d’une mesure d’ordre intérieur et n’était, par suite, pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ;

Considérant qu’aux termes de l’article 717 du code de procédure pénale : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. / Les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un an peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d’arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d’arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d’une durée inférieure à un an " ; qu’aux termes de l’article D. 70 du même code : " Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées (.) " ; qu’aux termes de l’article D. 80 du code : " Le ministre de la justice dispose d’une compétence d’affectation des condamnés dans toutes les catégories d’établissement. Sa compétence est exclusive pour les affectations dans les maisons centrales (.) " ; qu’aux termes de l’article D. 82 du code : " L’affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l’établissement dans lequel il exécute sa peine. (.) / L’affectation ne peut être modifiée que s’il survient un fait ou un élément d’appréciation nouveau " ; qu’aux termes de l’article D. 82-1 du code : " Que la demande émane du condamné ou du chef d’établissement, ce dernier constitue un dossier qui comprend les éléments permettant d’établir la motivation de la demande. (.). / La décision de changement d’affectation est prise, sauf urgence, après avis du juge de l’application des peines et du procureur de la République du lieu de détention. " ;

Considérant que, pour déterminer si une décision relative à un changement d’affectation d’un détenu d’un établissement pénitentiaire à un autre constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir, il y a lieu d’apprécier sa nature et l’importance de ses effets sur la situation des détenus ;

Considérant que le régime de la détention en établissement pour peines, qui constitue normalement le mode de détention des condamnés, se caractérise, par rapport aux maisons d’arrêt, par des modalités d’incarcération différentes et, notamment, par l’organisation d’activités orientées vers la réinsertion ultérieure des personnes concernées et la préparation de leur élargissement ; qu’ainsi, eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de changement d’affectation d’une maison centrale, établissement pour peines, à une maison d’arrêt constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et non une mesure d’ordre intérieur ; que toutefois, il en va autrement des décisions d’affectation consécutives à une condamnation, des décisions de changement d’affectation d’une maison d’arrêt à un établissement pour peines ainsi que des décisions de changement d’affectation entre établissements de même nature, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ;

Considérant que M. R., qui a fait l’objet d’un changement d’affectation d’une maison d’arrêt à un établissement pour peines, soutient que le lieu de détention qui lui est imposé n’est pas adapté à son état de santé et que cette détention constitue un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, il n’est pas contesté que la pathologie dont souffre M. R. est, depuis deux ans, en phase de rémission ; qu’en outre, il n’établit pas que le changement d’affectation dont il a fait l’objet aurait pour effet de le priver de l’accès aux soins nécessités par son état de santé, dès lors notamment qu’il est constant que le centre hospitalier universitaire de Caen, au sein duquel sera assuré son suivi médical, dispose d’un service adapté à sa pathologie et d’une unité hospitalière de sécurité interrégionale ; que par suite, en l’absence de mise en cause des droits fondamentaux de l’intéressé, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la décision de réaffecter M. R., alors incarcéré en maison d’arrêt, dans un établissement pour peines, qui avait pour effet de soumettre l’intéressé à un régime de détention correspondant à sa situation pénale, constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours ; que, dès lors, M. R. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant que la présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution ; que par suite, les conclusions aux fins d’injonction ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. R. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. R. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. André R. et au garde des sceaux, ministre de la justice.

 


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