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Conseil d’Etat, 26 mars 2008, n° 298033, Commune de Saint-Denis de la Réunion c/ Société Lucofer

En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n’appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu’elle est saisie d’une question préjudicielle, de trancher d’autres questions que celle que lui a renvoyée la juridiction de l’ordre judiciaire. Il suit de là que, lorsque cette dernière a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d’aucun autre, fût-il d’ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l’encontre de cet acte.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 298033

COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION
c/ société Lucofer

M. Marc El Nouchi
Rapporteur

M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement

Séance du 25 février 2008
Lecture du 26 mars 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 octobre 2006 et 8 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION, représentée par son maire, domicilié en cette qualité à l’Hôtel de ville de Saint-Denis (97714) ; la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION demande au Conseil d’Etat d’annuler le jugement du 6 juillet 2006 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis, saisi à titre préjudiciel, a jugé que le litige l’opposant à la société Lucofer, relatif à l’occupation d’un atelier-relais communal, ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION et de Me Foussard, avocat de la société Lucofer,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION a saisi le tribunal administratif de Saint-Denis d’une question préjudicielle soulevée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion et portant sur la question de savoir si la jurisprudence du Conseil d’Etat, selon laquelle la construction par une commune d’un "atelier-relais" n’incorporait pas de ce seul fait cet atelier dans le domaine public communal, pouvait trouver à s’appliquer dans le cas où la convention conclue entre les parties pour l’utilisation de l’atelier-relais est antérieure à cette jurisprudence et où cette convention, d’une part, fait référence à un classement de l’atelier-relais dans le domaine public communal et, d’autre part, comporte une clause attributive de compétence au profit de la juridiction administrative ; que par son jugement du 6 juillet 2006, dont la commune demande l’annulation, le tribunal administratif a jugé que les locaux appartenaient au domaine privé de la commune mais que, les parties étant liées par une convention comportant des clauses exorbitantes du droit commun et revêtant par suite un caractère administratif, le litige ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire ;

Sur le jugement attaqué :

Considérant qu’en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n’appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu’elle est saisie d’une question préjudicielle, de trancher d’autres questions que celle que lui a renvoyée la juridiction de l’ordre judiciaire ; qu’il suit de là que, lorsque cette dernière a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d’aucun autre, fût-il d’ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l’encontre de cet acte ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, alors même qu’en saisissant le tribunal administratif de la question préjudicielle mentionnée ci-dessus, la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION lui a demandé de reconnaître la compétence de la juridiction judiciaire, le tribunal administratif ne pouvait statuer que sur la question qui lui avait été renvoyée ; que par suite, il a excédé les limites de son office en considérant qu’il lui appartenait de se prononcer, en outre, sur le caractère administratif de la convention d’occupation et d’en déduire l’absence de compétence pour en connaître du juge judiciaire ; que la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION est par suite fondée à demander l’annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION ;

Considérant que lorsqu’un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public par une décision de classement, il ne cesse d’appartenir à ce domaine sauf décision expresse de déclassement ; qu’il résulte des pièces du dossier, et qu’il n’est pas contesté par la commune, que les ateliers occupés par la société Lucofer ont fait l’objet d’une décision de classement dans le domaine public communal par délibération du conseil municipal ; que, par suite, sont sans incidence sur cette appartenance au domaine public les critères issus de la jurisprudence du Conseil d’Etat et tirés notamment de ce que ces ateliers auraient vocation à être loués ou cédés à leurs occupants ou que les baux consentis en vue de leur occupation revêtiraient le caractère de contrats de droit privé ;

Sur les conclusions fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION la somme de 3 000 euros que demande la société Lucofer au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2006 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé.

Article 2 : Il est déclaré que les ateliers-relais occupés par la société Lucofer appartiennent au domaine public de la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION.

Article 3 : La COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION versera à la société Lucofer une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION et à la société Lucofer.

 


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