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Conseil d’Etat, 25 juin 2004, n° 234687, Société Philippe Filippini et compagnie

L’indemnité versée par le débiteur à son créancier du fait du retard apporté au paiement de la somme due au titre de l’exécution d’un marché n’est pas la contrepartie d’une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mais constitue la réparation d’un préjudice qui est dissociable de la prestation fournie par l’entreprise bénéficiaire du versement.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 234687

SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE

Mme Marisol Touraine
Rapporteur

M. Denis Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juin 2004
Lecture du 25 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 8 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE, dont le siège est Z.I. du Vazzio BP 523 - Salines à Ajaccio Cedex (20186), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 3 avril 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, sur l’appel principal du syndicat intercommunal d’électrification rurale du centre de la Corse (S.I.E.R.C.C.), a ramené de 1 096 292, 60 F à 349 270, 20 F TTC le montant de la condamnation prononcée à l’encontre du SIERCC au profit de la société exposante, a ordonné la désignation d’un expert en vue de procéder au calcul de la somme due par le syndicat au titre des intérêts moratoires et a refusé à la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE des intérêts compensatoires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marisol Touraine, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE et de Me Georges, avocat du Syndicat intercommunal d’électrification rurale du centre de la Corse,
- les conclusions de M. Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par l’arrêt attaqué du 3 avril 2001, la cour administrative d’appel de Marseille a ramené de 1 096 292 F (167 372 euros) à 349 270 F (53 323 euros) la somme que par jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 9 octobre 1997 le Syndicat intercommunal d’électrification rural du centre de la Corse (S.I.E.R.C.C.) avait été condamné à payer à la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE en règlement de créances impayées et d’intérêts moratoires pour les huit marchés publics de travaux dont cette société a été attributaire au cours des années 1988 à 1993 ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêt en tant qu’il a statué sur l’appel principal du S.I.E.R.C.C. :

Considérant que c’est dans le cadre d’une appréciation souveraine, exempte de toute dénaturation, que la cour administrative d’appel a estimé, d’une part, que les pièces du marché ne permettaient pas d’établir que la créance correspondant à des études réalisées par le SIERCC en exécution d’un marché du 7 janvier 1988 pour un montant de 58 162 F (8 879 euros) lui avait été payée deux fois, et d’autre part, que le certificat de paiement du 23 mai 1991, dont se prévaut la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE pour demander le paiement du marché de fourniture de matériels en date du 7 janvier 1988 d’un montant de 265 290 F (40 502 euros), n’avait été établi que sous réserve de l’accord du maître de l’ouvrage et de la livraison effective des matériels par l’entreprise ;

Considérant qu’en constatant, d’une part, que le marché conclu le 7 avril 1993 n’a fait l’objet d’aucun avenant pour prendre en compte quatre factures impayées d’un montant de 315 239 F (48 128 euros), mais que ces factures ont été intégrées au décompte n° 2 du 27 mai 1993 et, d’autre part, que la facture d’un montant de 405 862 F (61 963 euros) représentant les études de réseaux d’électrification réalisées à la demande du syndicat ainsi que deux autres factures d’un montant respectivement de 23 470 F (3 583 euros) et 27 326 F (4 171 euros) n’ont pas donné lieu à un ordre de service ou à un bon de commande, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "L’administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d’une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l’invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond" ; qu’il ne résulte pas de ces dispositions que l’exception opposant la prescription quadriennale doive figurer dans un mémoire produit dans le cadre de l’instance au fond ou dans une décision individuelle expresse adressée au créancier ; que, dès lors, la cour, en jugeant que le syndicat avait valablement opposé la prescription quadriennale pour les créances d’intérêts moratoires antérieures au 31 décembre 1989 dans un mémoire produit devant le tribunal administratif de Bastia, le 1er mars 1995 dans le cadre de l’instruction d’une requête en référé introduite par la SARL et tendant à l’allocation d’une provision, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant que c’est par une appréciation souveraine qui n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation que la cour administrative d’appel a estimé que le mémoire du 1er mars 1995 opposant la prescription quadriennale avait été signé par le président du SIERCC et avait été régulièrement notifié à l’entreprise ;

Considérant qu’aux termes de l’article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 : "le taux des intérêts moratoires applicable aux marchés publics régis par le code des marchés publics dont la procédure de passation a été lancée avant le 19 décembre 1993 est fixé par voie réglementaire, en tenant compte de l’évolution moyenne des taux d’intérêts applicables de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises. La présente disposition s’applique aux intérêts moratoires non encore mandatés à la date d’entrée en vigueur de la présente loi" ; que pour l’application de ces dispositions l’arrêté du ministre de l’économie et des finances du 17 mai 1997 a, d’une part, abrogé l’arrêté du 6 mai 1988 relatif au calcul des intérêts moratoires dus au titre des marchés publics, et, d’autre part, fixé au 1er janvier 1997 la date à partir de laquelle les intérêts moratoires non encore mandatés relatifs aux marchés publics dont la procédure de passation est antérieure au 19 décembre 1993, seraient calculés par référence aux taux d’intérêts applicables de façon usuelle pour le financement à court terme des entreprises ; qu’ainsi la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit à appliquer le taux fixé par l’arrêté du 17 mai 1997 à une période d’intérêts moratoires ayant commencé à courir avant le 19 décembre 1993 pour des marchés déjà passés à cette date ;

Considérant qu’aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts : "I- Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel" ; que le a) du 1) de l’article 266 du même code dispose que la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée, pour les livraisons de biens et les prestations de services, "par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations" ; qu’il résulte de ces dispositions que le versement d’une somme d’un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d’une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu’à la condition qu’il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable ; que l’indemnité perçue par le créancier du fait du retard apporté au paiement de la somme due au titre de l’exécution du marché n’est pas la contrepartie d’une prestation mais constitue la réparation d’un préjudice qui est dissociable de la prestation fournie par l’entreprise bénéficiaire du versement ; qu’ainsi la cour a pu, sans entacher son arrêt d’une erreur de droit, juger que les intérêts moratoires dus à la SARL PHILIPPE FILIPPINI n’avaient pas à être majorés du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêt en tant qu’il a rejeté les conclusions présentées par la voie de l’appel incident de la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE :

Considérant que la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE avait demandé, par la voie de l’appel incident, la condamnation du syndicat à lui verser la somme de 3 232 005, 56 F (492 716 euros) au titre des intérêts compensatoires prévus au quatrième alinéa de l’article 1153 du code civil en cas de mauvais vouloir manifeste du débiteur dans le paiement de sommes dues ; que la cour administrative d’appel de Marseille a pu, sans erreur de droit, estimer que ces conclusions présentées après l’expiration du délai d’appel, et qui portaient sur un chef de préjudice distinct de celui qui faisait l’objet de l’appel principal, n’étaient pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Syndicat intercommunal d’électrification du centre de la Corse, qui n’est pas dans la présente espèce la partie perdante, verse à la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE la somme de 3 000 euros que le syndicat intercommunal d’électrification rurale du centre de la Corse demande en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE versera la somme de 3 000 euros au Syndicat intercommunal d’électrification rurale du centre de la Corse.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PHILIPPE FILIPPINI ET COMPAGNIE, au Syndicat intercommunal d’électrification rurale du centre de la Corse et au ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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