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Conseil d’Etat, 19 mai 2004, n° 247287, Association foncière de remembrement de Seris et Association foncière de remembrement de Concriers

Les associations foncières de remembrement constituées sur le fondement de l’article L. 123-9 du code rural ont le caractère d’associations syndicales et sont soumises, lorsqu’il n’y est pas dérogé par une disposition spéciale, à celles des règles applicables à ces établissements publics qui sont compatibles avec les exigences particulières de leur organisation et de leur fonctionnement. Aucune disposition législative ou réglementaire ne déroge, en ce qui concerne les associations foncières, aux dispositions de l’article 43 du décret du 18 décembre 1927, portant règlement d’administration publique pour l’exécution de la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales, en vertu desquelles "le recours au tribunal administratif contre les opérations qui ont fixé les bases de répartition des dépenses cesse d’être recevable trois mois après la mise en recouvrement du premier rôle ayant fait application de ces bases". Il résulte de ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec l’organisation ou le fonctionnement des associations foncières de remembrement, que ce n’est qu’à l’appui d’un recours dirigé contre le premier rôle ayant fait application des bases de répartition des dépenses, et à la condition que celui-ci soit formé dans le délai prescrit, que les propriétaires intéressés par les travaux envisagés peuvent se prévaloir des illégalités qui entachent les bases de répartition.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 247287, 247288, 247289, 247336

ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS
ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS

M. Laignelot
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 28 avril 2004
Lecture du 19 mai 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 247287, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS, dont le siège est Mairie à Séris (41500) ; l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS, dont le siège est Mairie à Concriers (41370) ; l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 19 février 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 8 février 2000 du tribunal administratif d’Orléans rejetant la demande de M. Laurent P. tendant à la décharge des sommes de 17 736, 43 F et de 556, 25 F correspondant aux montants des taxes syndicales auxquelles il a été assujetti, respectivement, au titre de l’année 1996 par les associations requérantes, a prononcé la décharge desdites taxes et les a condamnées à verser solidairement à M. P. une somme de 228, 67 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre intégralement lesdites impositions à la charge de M. P. ;

Vu 2°), sous le n° 247288, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS, dont le siège est Mairie à Séris (41500) ; l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 19 février 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 8 février 2000 du tribunal administratif d’Orléans rejetant la demande de M. Laurent P. tendant à la décharge de la somme de 15 785, 09 F correspondant au montant de la taxe syndicale à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 1997 par l’association requérante, a prononcé la décharge de ladite taxe et l’a condamnée à verser solidairement à M. P. une somme de 228, 67 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre intégralement ladite taxe à la charge de M. P. ;

Vu 3°), sous le n° 247289, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS, dont le siège est Mairie à Séris (41500) ; l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS, dont le siège est Mairie à Concriers (41370) ; l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 19 février 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 8 février 2000 du tribunal administratif d’Orléans rejetant la demande de M. Laurent P. tendant à la décharge des sommes de 15 560, 04 F et de 331, 38 F correspondant aux montants des taxes syndicales auxquelles il a été assujetti, respectivement, au titre de l’année 1995 par les associations requérantes, a prononcé la décharge desdites taxes et les a condamnées à verser solidairement à M. P. une somme de 228, 67 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre intégralement lesdites impositions à la charge de M. P. ;

Vu 4°), sous le n° 247336, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS, dont le siège est Mairie à Concriers (41370) ; l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 19 février 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 8 février 2000 du tribunal administratif d’Orléans rejetant la demande de M. Laurent P. tendant à la décharge de la somme de 452, 36 F correspondant au montant de la taxe syndicale à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 1997, a prononcé la décharge de ladite taxe et l’a condamnée à verser à M. P. une somme de 228, 67 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre intégralement ladite taxe à la charge de M. P. ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code rural ;

Vu la loi du 21 juin 1865 ;

Vu le décret du 18 décembre 1927 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laignelot, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS et de Me Cossa, avocat de M. P.,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen des requêtes :

Considérant que les associations foncières de remembrement constituées sur le fondement de l’article L. 123-9 du code rural ont le caractère d’associations syndicales et sont soumises, lorsqu’il n’y est pas dérogé par une disposition spéciale, à celles des règles applicables à ces établissements publics qui sont compatibles avec les exigences particulières de leur organisation et de leur fonctionnement ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne déroge, en ce qui concerne les associations foncières, aux dispositions de l’article 43 du décret du 18 décembre 1927, portant règlement d’administration publique pour l’exécution de la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales, en vertu desquelles "le recours au tribunal administratif contre les opérations qui ont fixé les bases de répartition des dépenses cesse d’être recevable trois mois après la mise en recouvrement du premier rôle ayant fait application de ces bases" ; qu’il résulte de ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec l’organisation ou le fonctionnement des associations foncières de remembrement, que ce n’est qu’à l’appui d’un recours dirigé contre le premier rôle ayant fait application des bases de répartition des dépenses, et à la condition que celui-ci soit formé dans le délai prescrit, que les propriétaires intéressés par les travaux envisagés peuvent se prévaloir des illégalités qui entachent les bases de répartition ;

Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le premier rôle ayant fait application des bases de répartition des dépenses de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS a été notifié à M. P. le 30 octobre 1995 ; que ses contestations relatives aux contributions correspondant aux années 1995 à 1997 n’ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif d’Orléans que les 16 février, 26 février et 25 septembre 1998 ; que, par application des dispositions précitées de l’article 43 du décret du 18 décembre 1927, M. P., qui n’avait pas saisi le tribunal administratif dans le délai de trois mois, n’était plus recevable à invoquer à l’appui de ses contestations des moyens tirés de l’irrégularité de la procédure d’élaboration des bases de répartition des dépenses ; qu’il ressort des énonciations des arrêts attaqués que la cour administrative d’appel de Nantes a déchargé M. P. des sommes correspondant aux montants des taxes syndicales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 au motif que les taxes litigieuses ont été établies selon des bases de répartition irrégulièrement fixées ; qu’un tel moyen ne pouvait plus être invoqué lorsque M. P. a introduit ses demandes ; qu’en se fondant néanmoins sur ce moyen sans en relever d’office le caractère tardif, la cour a commis une erreur de droit ; que ses arrêts doivent, pour ce motif, être annulés ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler les affaires au fond ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes :

Considérant que M. P. soutient qu’en l’absence de délibération de l’assemblée générale, le bureau des associations foncières de remembrement de Séris et Concriers ne pouvait légalement recourir à l’emprunt ; qu’un tel moyen, qui ne porte pas sur les base de répartition des dépenses, n’est pas soumis aux conditions de recevabilité prévues à l’article 43 précité du décret du 18 décembre 1927 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 31 du décret du 18 décembre 1927, applicable aux associations foncières de remembrement : "L’assemblée générale délibère : / (.) 2° Sur la fixation du montant maximum des emprunts qui peuvent être votés par le syndicat et sur les emprunts qui, soit par eux-mêmes, soit réunis aux emprunts non encore remboursés, dépassent ce montant maximum (.)" ; qu’aux termes de l’article 36 du même décret : "Le syndicat règle, par ses délibérations, les affaires de l’association. / Il est chargé notamment de (.) délibérer sur les emprunts qui peuvent être nécessaires à l’association (.)" ; qu’aux termes de l’article 37 du même décret : "Les délibérations du syndicat relatives aux emprunts excédant le montant maximum fixé par l’assemblée générale en application de l’article 31 (2°) ci-dessus ne sont exécutoires qu’après approbation de l’assemblée générale conformément aux dispositions dudit article" ; et qu’aux termes de l’article R.*133-5 du code rural : "Le bureau règle, par ses délibérations, les affaires de l’association. / Ses attributions sont celles exercées par les syndicats des associations syndicales autorisées en application du deuxième alinéa de l’article 36 du décret du 18 décembre 1927 (.)" ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’assemblée générale doit en principe fixer le montant maximum des emprunts auxquels peut avoir recours une association foncière de remembrement pour financer des travaux ; qu’à défaut d’une telle délibération préalable, la décision du bureau de recourir à un emprunt ne devient exécutoire qu’après approbation, par l’assemblée générale, de cette décision ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’aucune délibération de l’assemblée générale de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS n’a été adoptée aux fins de fixer le montant maximum des emprunts susceptibles d’être décidés par le bureau ; que l’assemblée générale n’a pas davantage approuvé la décision du bureau de recourir à l’emprunt ; que, par conséquent, c’est irrégulièrement que les deux associations foncières de remembrement ont recouru à l’emprunt ; que c’est, dès lors, à tort que, par ses jugements du 8 février 2000, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté les demandes de M. P. tendant à la décharge des taxes syndicales qui lui ont été réclamées au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. P., qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS demandent en appel au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre solidairement à la charge de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. P. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les arrêts n° 00NT00612, 00NT00613, 00NT00614 et 00NT00615 en date du 19 février 2002 de la cour administrative d’appel de Nantes sont annulés.

Article 2 : Les jugements n° 98-320, 98-322, 98-401 et 98-1991 en date du 8 février 2000 du tribunal administratif d’Orléans sont annulés.

Article 3 : M. P. est déchargé des sommes de 50, 52 euros, 84, 90 euros et 68, 96 euros correspondant aux montants des taxes syndicales auxquelles il a été assujetti par l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS au titre respectivement des années 1995, 1996 et 1997 et des sommes de 2 372, 20 euros, 2 703, 90 euros et 2 406, 42 euros correspondant aux montants des taxes syndicales auxquelles il a été assujetti par l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS au titre respectivement des années 1995, 1996 et 1997.

Article 4 : L’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS verseront solidairement à M. P. une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS et de l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées devant la cour administrative d’appel de Nantes, sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE SERIS, à l’ASSOCIATION FONCIERE DE REMEMBREMENT DE CONCRIERS, à M. Laurent P. et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

 


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