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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 27 avril 2004, n° 03BX00760, Ville de Bordeaux

S’il appartient au maire d’une commune, en vertu des pouvoirs de police qu’il détient des dispositions précitées, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, les interdictions édictées à ce titre doivent être justifiées par les troubles, risques ou menaces qu’il s’agit de prévenir et, dès lors qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à une liberté, être strictement proportionnées à leur nécessité.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 03BX00760

VILLE DE BORDEAUX

M. Chavrier
Président

M. Dudezert
Rapporteur

M. Rey
Commissaire du gouvernement

Arrêt du 27 avril 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 avril 2003 sous le n° 03BX00760, présentée pour la VILLE DE BORDEAUX, Hôtel de ville place Pey Berland à Bordeaux (33000), par Me Laveissiere ;

La VILLE DE BORDEAUX demande à la cour :

1° d’annuler le jugement du 6 février 2003, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de M. L., l’arrêté en date du 10 janvier 2002 ;

2° de rejeter la demande présentée par M. L. devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3° de condamner M. L. à lui verser une somme de 1500 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mars 2004 :
- le rapport de M. Dudezert, président-rapporteur ;
- les observations de Me Laveissière pour la commune de Bordeaux ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe ... Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux " ;

Considérant que le tribunal administratif, pour annuler l’arrêté du 10 janvier 2002 du maire de Bordeaux, a admis la recevabilité de la demande de M. L., en se fondant notamment sur des éléments contenus dans le mémoire en réplique et les pièces présentées par celui-ci le 10 janvier 2003 ; que ces documents n’ont été communiqués à l’avocat de la VILLE DE BORDEAUX que le 13 janvier 2003, soit la veille de l’audience publique ; qu’il appartenait au tribunal, eu égard au contenu de ce mémoire et de ces pièces, de les communiquer après avoir rouvert l’instruction pour permettre au défendeur de présenter des observations en réponse à ces éléments nouveaux ; que, par suite, la VILLE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière en tant qu’il a admis la recevabilité de la demande de M. L. et à demander l’annulation des articles 1, 2 et 3 dudit jugement ;

Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. L. devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur la recevabilité de la demande de M. L. :

Considérant que M. L., justifie par une attestation sur l’honneur délivrée par sa concubine, résider à Bordeaux à la date de l’introduction de sa demande ; qu’ainsi M. L. a intérêt et par suite qualité pour demander l’annulation de l’arrêté du 10 janvier 2002 du maire de Bordeaux ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article L 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1°Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques ... 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles les rixes et les disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; ... 7° Le soin d’obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces " ; que, s’il appartient au maire d’une commune, en vertu des pouvoirs de police qu’il détient des dispositions précitées, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, les interdictions édictées à ce titre doivent être justifiées par les troubles, risques ou menaces qu’il s’agit de prévenir et, dès lors qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à une liberté, être strictement proportionnées à leur nécessité ;

Considérant que, par un arrêté en date du 10 janvier 2002, le maire de Bordeaux a interdit dans plusieurs secteurs de la ville dont le centre historique, pour les périodes du 1er décembre au 1er mars et du 15 mai et 30 septembre, les occupations abusives et prolongées des rues et autres dépendances domaniales, accompagnées ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, lorsqu’elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes ou bien de porter atteinte à la tranquillité publique et au bon ordre public, ainsi que, pour les mêmes périodes et les mêmes lieux, la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation des piétons, toute consommation de boissons alcoolisées (à partir du 2ème groupe) dans les lieux publics en dehors des terrasses de cafés et de restaurants dûment autorisés, des aires de pique-nique aménagées à cet effet au heures des repas et des lieux de manifestations locales où la consommation d’alcool est autorisée et le regroupement de chiens même tenus en laisse et accompagnés de leur maître ; que ces mesures ont été prises en raison de la présence habituelle, dans certaines rues, de groupes d’individus accompagnés d’animaux, dont le comportement agressif est souvent lié à la consommation abusive d’alcool ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les risques d’atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques étaient de nature à justifier de telles mesures eu égard, d’une part, à la durée dans l’année et à l’étendue dans la ville de ces dernières, alors que n’est établie la présence de groupes d’individus visés par l’arrêté que sur l’un des axes piétonniers et aux alentours de celui-ci et, d’autre part, à la généralité de leurs termes quant à la consommation de boissons alcoolisées et au regroupement de chiens ; que par suite l’arrêté litigieux est entaché d’excès de pouvoir ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L. est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du maire de Bordeaux en date du 10 janvier 2000 ;

Sur l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. L. qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la VILLE DE BORDEAUX, la somme qu’elle demande au titre des frais exposées par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en se fondant sur les mêmes dispositions de condamner la VILLE DE BORDEAUX à payer à M. L. la somme de 1300 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement du 6 février 2003 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.

Article 2 : L’arrêté en date du 10 janvier 2002 du maire de Bordeaux est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la VILLE DE BORDEAUX est rejeté.

Article 4 : La VILLE DE BORDEAUX versera à M. L. une somme de 1300 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

 


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