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Conseil d’Etat, 3 mai 2004, n° 258085, Aysel D. épouse A.

Le droit constitutionnel d’asile et son corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié et de demeurer en France le temps nécessaire à l’examen de la demande constituent pour les étrangers une liberté fondamentale pour la sauvegarde de laquelle le juge des référés peut, en cas d’urgence, ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures nécessaires lorsque, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, l’administration y a porté une atteinte grave et manifestement illégale. Une telle atteinte ne saurait toutefois résulter de la seule circonstance qu’il a été fait application des dispositions précitées du 1° de l’article 10 de la loi du 25 juillet 1952 à un étranger qui a présenté une demande d’asile dont l’examen relève de la compétence d’un autre Etat et de ce que les autorités françaises n’ont pas usé du droit que leur accorde le second alinéa de l’article 53-1 de la Constitution en décidant de traiter elles-mêmes la demande.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 258085

Mme D. épouse A.

Mlle Bourgeois
Rapporteur

Mme de Silva
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 avril 2004
Lecture du 3 mai 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Aysel D. épouse A. ; Mme D. épouse A. demande au Conseil d’Etat de rectifier pour erreur matérielle l’ordonnance du 20 juin 2003 par laquelle le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté sa requête tendant à :

1°) l’annulation de l’ordonnance du 2 mai 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) la suspension de l’exécution de la décision du 28 avril 2003 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l’admettre au séjour en France au titre de l’asile territorial ;

3°) ce qu’il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre provisoire de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Bourgeois, Auditeur,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la requête en rectification d’erreur matérielle :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 833-1 du code de justice administrative : "Lorsqu’une décision d’une cour administrative d’appel ou du Conseil d’Etat est entachée d’une erreur matérielle susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. ." ; qu’aux termes de l’article L. 523-1 du même code : ."Les décisions rendues en application de l’article L. 521-2 sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’Etat dans les quinze jours de leur notification ." ; qu’aux termes de l’article R. 811-5 du même code relatif à l’appel : "Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s’ajoutent aux délais normalement impartis" ; qu’il résulte de ces dispositions que les délais supplémentaires de distance s’appliquent aux appels formés contre les ordonnances rendues par le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme D. épouse A. a été éloignée de France à destination de l’Allemagne, pays de réadmission, à la suite des décisions du préfet de la Moselle du 28 avril 2003, lui refusant l’admission au séjour provisoire et décidant sa remise à l’Allemagne en application de l’article 33 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ; qu’il ressortait des termes de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg dont elle relevait appel, et qui rejetait sa demande d’injonction, que cette remise aux autorités allemandes était exécutée avant même que cette ordonnance ait été rendue ; que Mme D. épouse A. avait mentionné dans sa requête d’appel une adresse en Allemagne ; qu’ainsi, dans les circonstances particulières de l’affaire, alors même que l’ordonnance du juge des référés avait été notifiée à l’adresse en France qu’elle avait indiquée avant que cette remise soit exécutée, Mme D. épouse A. remplissait les conditions pour bénéficier d’un délai supplémentaire de distance lorsqu’elle a saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’un appel de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande ; qu’il suit de là que l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat qui rejette cet appel comme tardif au motif que la notification de l’ordonnance attaquée a été reçue le 6 mai 2003 alors que l’appel n’a été enregistré que le 26 mai 2003 est entachée d’une erreur matérielle qui n’est pas imputable à la requérante ;

Considérant, dès lors, que la requête en rectification d’erreur matérielle de Mme D. épouse A. est recevable et qu’il y a lieu de statuer à nouveau sur sa requête ;

Sur l’appel de l’ordonnance du 2 mai 2003 :

Considérant que Mme D. épouse A. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du 2 mai 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution de la décision par laquelle le préfet de la Moselle a remis la requérante aux autorités allemandes, et à ce qu’injonction soit faite au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre provisoire de séjour jusqu’à ce qu’il ait été statué par les autorités françaises compétentes sur sa demande de reconnaissance du statut de réfugié ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (.) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale" ;

Considérant qu’aux termes de l’article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d’asile et de protection des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l’examen des demandes d’asile qui leur sont présentées. Toutefois, même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif" ; qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 25 juillet 1952, modifiée, relative au droit d’asile : ".Sous réserve du respect des dispositions de l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (.), modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967, l’admission en France d’un demandeur d’asile ne peut être refusée que si : 1° L’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat, en application des stipulations de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée auprès d’un Etat membre des Communautés européennes (.) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l’Etat d’accorder l’asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l’un des cas mentionnés aux 1° à 4° du présent article" ;

Considérant que le droit constitutionnel d’asile et son corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié et de demeurer en France le temps nécessaire à l’examen de la demande constituent pour les étrangers une liberté fondamentale pour la sauvegarde de laquelle le juge des référés peut, en cas d’urgence, ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures nécessaires lorsque, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, l’administration y a porté une atteinte grave et manifestement illégale ; qu’une telle atteinte ne saurait toutefois résulter de la seule circonstance qu’il a été fait application des dispositions précitées du 1° de l’article 10 de la loi du 25 juillet 1952 à un étranger qui a présenté une demande d’asile dont l’examen relève de la compétence d’un autre Etat et de ce que les autorités françaises n’ont pas usé du droit que leur accorde le second alinéa de l’article 53-1 de la Constitution en décidant de traiter elles-mêmes la demande ;

Considérant que la décision contestée ne fait nullement obstacle à ce que Mme D. épouse A. emmène ses enfants en Allemagne avec elle ; que, dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision dont elle demande la suspension aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme D. épouse A. n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée qui a rejeté sa demande d’injonction sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de Mme D. épouse A. tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme D. épouse A. demande pour les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat en date du 20 juin 2003 est déclarée nulle et non avenue.

Article 2 : L’appel formé par Mme D. épouse A. contre l’ordonnance du 2 mai 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Aysel D. épouse A., au préfet de la Moselle et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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