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Conseil d’Etat, 16 février 2004, n° 261110, Véronique N.

La circonstance que le préfet puisse, sur le fondement de l’article L. 215-9 du code rural, suspendre ou retirer un certificat de capacité n’implique aucunement que, saisi d’une demande de délivrance d’un tel certificat, il soit habilité à surseoir à statuer sur celle-ci.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 261110

Mme N.

M. Dacosta
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 2 février 2004
Lecture du 16 février 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 octobre et 30 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Véronique N. ; Mme N. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance en date du 29 septembre 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant, d’une part, à la suspension de l’arrêté du 26 août 2003 par lequel le préfet du Cher a sursis à statuer sur sa demande de délivrance du certificat de capacité prévu à l’article L. 214-6 du code rural et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au préfet du Cher de lui délivrer ledit certificat ;

2°) statuant comme juge des référés, de suspendre l’exécution de l’arrêté du préfet du Cher en date du 26 août 2003 et d’enjoindre au préfet du Cher de réexaminer la demande de délivrance d’un certificat de capacité présenté par Mme N. ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 2000-1039 du 23 octobre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme N.,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes du IV de l’article L. 214-6 du code rural : " La gestion d’une fourrière ou d’un refuge, l’élevage, l’exercice à titre commercial des activités de vente, de transit ou de garde, d’éducation, de dressage et de présentation au public de chiens et chats : (.) 3° Ne peuvent s’exercer que si au moins une personne, en contact direct avec les animaux, possède un certificat de capacité attestant de ses connaissances relatives aux besoins biologiques, physiologiques, comportementaux et à l’entretien des animaux de compagnie. Ce certificat est délivré par l’autorité administrative, qui statue au vu des connaissances ou de la formation, et notamment des diplômes ou de l’expérience professionnelle d’au moins trois ans des postulants. Les mêmes dispositions s’appliquent pour l’exercice à titre commercial des activités de vente et de présentation au public des autres animaux de compagnie d’espèces domestiques. Les établissements où s’exerce le toilettage des chiens et des chats sont soumis aux dispositions figurant aux 1° et 2° ci-dessus " ; qu’aux termes de l’article L. 215-9 du même code : " Lorsqu’un des agents mentionnés aux articles L. 214-19 et L. 214-20 constate un manquement aux dispositions de l’article L. 214-6 et aux règlements pris pour son application, à la police sanitaire des maladies contagieuses, aux règles relatives aux échanges intra-communautaires ou aux importations ou exportations d’animaux vivants ainsi qu’aux règles d’exercice de la pharmacie, de la chirurgie vétérinaire ou de la médecine vétérinaire, le préfet met en demeure l’intéressé de satisfaire à ces obligations dans un délai qu’il détermine et l’invite à présenter ses observations dans le même délai. Il peut aussi suspendre ou retirer provisoirement ou définitivement le certificat de capacité. " ; qu’enfin, aux termes de l’article 1er du décret du 23 octobre 2000 relatif aux modalités de délivrance du certificat de capacité relatif à l’exercice des activités liées aux animaux de compagnie d’espèces domestiques : " (.) Le préfet peut délivrer le certificat de capacité aux postulants qui justifient : a) Soit d’une expérience professionnelle d’une durée minimale de trois années d’activité à titre principal, en tant que responsable ou employé dans l’exercice d’une ou plusieurs des activités mentionnées à l’article L. 914-6 (devenu L. 214-6) du code rural ; soit d’une expérience relative aux soins et à la protection des animaux d’une durée minimale de trois années, comportant une activité représentant au moins un mi-temps au contact direct avec les animaux au sein d’une fondation ou d’une association de protection des animaux, reconnue d’utilité publique ou affiliée à une œuvre reconnue d’utilité publique ; b) Soit de la possession d’un diplôme, titre ou certificat figurant sur une liste publiée par arrêté du ministre de l’agriculture ; c) Soit de connaissances suffisantes attestées par le directeur régional de l’agriculture et de la forêt ou par le directeur de l’agriculture et de la forêt pour les départements d’outre-mer. Le contenu, les modalités d’évaluation des connaissances ainsi que la liste des établissements habilités à participer à cette évaluation sont définies par arrêté du ministre de l’agriculture. " ;

Considérant que, par un arrêté en date du 26 août 2003, le préfet du Cher a opposé à la demande de délivrance d’un certificat de capacité formée par Mme N. le 30 juin précédent une décision de " sursis à statuer " jusqu’à ce qu’intervienne une décision de justice à la suite de la procédure d’enquête préliminaire diligentée contre la société dont elle était salariée ;

Considérant qu’aucune des dispositions rappelées plus haut du code rural ni du décret du 23 octobre 2000 ne confère en cette matière un tel pouvoir au préfet ; que la circonstance que ce dernier puisse, sur le fondement de l’article L. 215-9 du code rural, suspendre ou retirer un certificat de capacité n’implique aucunement que, saisi d’une demande de délivrance d’un tel certificat, il soit habilité à surseoir à statuer sur celle-ci ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans a commis une erreur de droit en considérant que le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement surseoir à statuer sur la demande qui lui était adressée n’était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que Mme N. est donc fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant qu’il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme N. ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l’arrêté du préfet du Cher :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu’ainsi qu’il l’a été indiqué, le moyen tiré de ce que le préfet du Cher ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, surseoir à statuer sur la demande dont il était saisi est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;

Considérant que Mme N. fait valoir que l’intervention de l’arrêté attaqué a eu pour effet de la mettre dans l’impossibilité de continuer à exercer son activité professionnelle et a conduit à une diminution de plus du tiers de ses revenus ; que, dans les circonstances de l’espèce, la décision préjudicie à sa situation de manière suffisamment grave et immédiate pour que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension soit regardée comme remplie ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme N. est fondée à demander la suspension de l’arrêté attaqué ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant que la suspension de l’arrêté attaqué implique nécessairement que le préfet du Cher procède au réexamen de la demande de délivrance d’un certificat de capacité présentée par Mme N. ; qu’il y a lieu de fixer à un mois à compter de la notification de la présente décision le délai pour procéder à ce réexamen ; qu’il n’y pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à Mme N. une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu’en cassation et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance en date du 29 septembre 2003 du juge des référés du tribunal administratif d’Orléans est annulée.

Article 2 : L’exécution de l’arrêté en date du 26 août 2003 du préfet du Cher est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Cher de procéder au réexamen de la demande de Mme N. dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L’Etat versera à Mme N. une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme N. est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Véronique N. et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Cher.

 


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