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Egalité de traitement par les chaînes de télévision des candidats aux élections municipales

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Il appartient au seul Conseil supérieur de l’audiovisuel de contribuer, dans le strict respect de ses pouvoirs, au traitement équitable par les services audiovisuels des candidats aux élections municipales.

Commentaire : CE, Ordonnance de référé, 24 février 2001, Jean Tibéri n° 230611 & TA Besançon, Ordonnance de référé, 9 février 2001, Parti Fédéraliste c/ Société nationale de télévision France 3

Quelle compétence accorder au juge administratif en matière de traitement par les chaînes de télévision des diverses échéances électorales ? A l’occasion du renouvellement général des conseils municipaux, le juge administratif a été amené par deux fois à adopter la même position : incompétence de principe au profit du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

En matière d’utilisation des moyens audiovisuels dans le cadre des campagnes électorales, les élections municipales et cantonales détiennent une particularité : celle de n’être soumises à aucune disposition du Code électoral. En effet, en ce qui concerne les élections présidentielles, le décret n° 2001-213 du 8 mars impose le principe d’égalité de traitement entre les divers candidats, mais également la durée du temps de parole attribué à chacun d’entre eux.

Pour les élections municipales, le principe est posé par l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication donnant au CSA un pouvoir d’adresser des recommandations aux exploitants des services de communication audiovisuelle, soit de manière générale, soit à l’occasion de chaque scrutin.

Dans le cadre de ce pouvoir, le CSA a émis une recommandation n° 2000-4 en date du 28 novembre 2000 pour les prochaines élections municipales et cantonales de mars 2001. Le CSA conseillait aux divers médias radio-télévisés de garantir un accès équitable – et non égalitaire comme pour les élections présidentielles - aux candidats, listes de candidats et personnalités les soutenant, dans le cadre du traitement de l’actualité liée aux élections.

Non content d’avoir été mis à l’écart d’un duel organisé par Canal + entre M. Delanoë et M. Seguin, Jean Tibéri saisit le Conseil d’Etat en référé afin qu’il ordonne au CSA d’enjoindre à la chaîne cryptée d’élargir le débat télévisé projeté à l’ensemble des candidats têtes des listes représentées dans tous les arrondissements de Paris, soit de renoncer à tout débat.

Seulement le Conseil d’Etat rejeta sa demande au motif qu’il incombe au seul Conseil supérieur de l’audiovisuel de contribuer dans le respect de ses pouvoirs à un traitement équitable entre les candidats. A cette fin, le CSA devra rechercher « si la proposition de Canal + consistant à proposer à M. Tibéri de s’exprimer pendant 15 minutes avec un journaliste assure un traitement équitable ou si un tel entretien ne doit pas être prévu pour une durée supérieure ».

Cette solution avait déjà été adoptée, le 9 février 2001, par le Tribunal administratif de Besançon. Il avait estimé que les dispositions de la loi de 1986 « font obstacle à ce que le juge administratif puisse être saisi directement de conclusions tendant à ce qu’il exerce, sur une émission, même à caractère régional, d’une société nationale de programme, un contrôle sur la façon dont cette société assure les obligations que la loi met à la sa charge quant au respect du caractère pluraliste des courants de pensées et d’opinion, et ce, alors même que les courants de pensée et d’opinion prendraient la forme, comme en l’espèce, de déclarations de candidatures à une élection ».

La solution du juge administratif est strictement conforme aux dispositions de la loi sur l’audiovisuel du 30 septembre 1986 qui confie le soin au CSA de veiller à un traitement équitable entre les candidats. Ce traitement équitable est à opposer au traitement égalitaire imposé pour les élections présidentielles. La différence entre les deux notions est fondamentale. Alors que l’égalité impose le même temps de parole pour chacun des candidats, l’équité, quant à elle, impose de traiter de la même façon les candidats sans pour autant leur accorder le même temps de parole. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de l’indiquer dans le cadre de l’examen du projet de Canal +. Le juge a notamment indiqué que « le choix de Canal + d’organiser en période électorale des débats opposant deux candidats plutôt que d’autres formes d’émissions relève dans son principe de sa politique éditoriale ; qu’il incombe toutefois à cette chaîne de veiller à ce que ce choix n’entraîne pas une rupture d’équité de traitement entre les candidats »

Le juge administratif, dans chacune des décisions, transférant la compétence au Conseil supérieur de l’audiovisuel, celui-ci a ainsi demandé aux chaînes, dans un communiqué en date du 8 février 2001, « dès lors que deux candidats seraient susceptibles de bénéficier d’une tribune importante dans la perspective du choix qu’auront à opérer les électeurs le 11 mars prochain, (…) de prévoir pour leurs concurrents un dispositif leur permettant de développer de manière significative leurs arguments dans des conditions de nature à éclairer le vote des électeurs ».

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 24 février 2001

 


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