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Conseil d’Etat, 25 juin 2003, n° 242656, Association de défense et de protection de l’environnement et du tissu éco et urbain de l’axe Falaise-Sees

Si l’article L. 122-3 du code de l’environnement dispose que "pour les infrastructures de transports, l’étude d’impact comprend une analyse des coût collectifs, des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter", les impacts de l’ouvrage sur le milieu physique, notamment sur l’air, ainsi que l’analyse et l’évaluation exigés par cet article font l’objet d’une étude versée au dossier d’enquête.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 242656

ASSOCIATION DE DEFENSE ET DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TISSU ECONOMIQUE ET SOCIAL DE L’AXE FALAISE-SEES

M. Lambron
Rapporteur

M. Chauvaux
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 mai 2003
Lecture du 25 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION DE DEFENSE ET DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TISSU ECONOMIQUE ET SOCIAL DE L’AXE FALAISE-SEES, ayant son siège au Moulin de Boue à Mortrée (61570), représentée par son président en exercice ; ladite association demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret du 7 décembre 2001 déclarant d’utilité publique les travaux d’aménagement à 2 x 2 voies de l’autoroute A 88 entre Caen dans le département du Calvados et Sées dans le département de l’Orne, comprenant la mise aux normes autoroutières de la section Caen (PR 38 + 400)-Aubigny (PR 11 + 500) et la construction de l’autoroute en tracé neuf de la section Aubigny (PR 11 + 500)-Sées (raccordement avec l’échangeur A 28), classant dans la catégorie des autoroutes la liaison autoroutière A 88 entre Caen (PR 38 + 400) et Sées (raccordement avec l’échangeur A 28) et portant mise en compatibilité des plans d’occupation des sols des communes de Bourguébus, Fontenay-le-Marmion, Fresney-le-Puceux, Garcelles-Secqueville, Gouvix, Grentheville, Hubert-Folie, Ifs, Rocquancourt, Saint-Aignan-de-Cramesnil, Saint-Martin-de-Fontenay, Soliers, Urville dans le département du Calvados et Argentan, Chailloué, Mortrée, Moulins-sur-Orne, Sarceaux, Sées dans le département de l’Orne ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 modifiée par la directive n° 97/11/CEE du Conseil du 3 mars 1997 ;

Vu la directive n° 92/43 CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant que le dossier soumis à l’enquête comprend obligatoirement, en vertu de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d’ouvrages, l’appréciation sommaire des dépenses ; que si l’association requérante conteste le mode de calcul retenu pour chiffrer les dépenses afférentes à la section Caen-Falaise de l’autoroute A-88, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette appréciation soit entachée d’une sous-évaluation manifeste ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles la commission d’enquête a recueilli les observations du public sont conformes aux dispositions de l’article R. 11-14-9 du même code ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 11-14-14 du même code : "A l’expiration du délai d’enquête, (...) le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête examine les observations consignées ou annexées aux registres d’enquêtes (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à la déclaration d’utilité publique de l’opération" ; qu’il ressort des pièces du dossier que, dans son rapport, la commission d’enquête, qui n’était pas tenue de répondre à chacune des observations présentées lors de l’enquête, a récapitulé les réclamations consignées sur les registres d’enquête publique, et formulé un avis sur les questions soulevées par ces réclamations, puis un avis général avec réserves sur l’ensemble du projet ; qu’ainsi, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que les conclusions de la commission d’enquête ne seraient pas suffisamment motivées au regard des exigences de l’article R. 11-14-14 précité ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 123-10 du code de l’environnement : "le rapport et les conclusions motivées du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête sont rendus publics. Le rapport doit faire état des contre-propositions qui ont été présentées durant l’enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d’ouvrage..." ; que la commission d’enquête, qui n’était pas tenue de répondre à chacun des arguments présentés, a fait état de la contre-proposition présentée par l’association "Réseau vert de Basse-Normandie" ainsi que de celles des autres intervenants ; qu’ainsi, le rapport de ladite commission satisfait aux exigences du texte précité ;

Considérant que le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, en son chapitre "évaluation économique et sociale" comporte une analyse de l’ensemble des coûts induits, une analyse des conditions de financement, les motifs pour lesquels le projet a été retenu parmi les différents partis envisagés, une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transports existants ; qu’en outre le moyen tiré de ce que l’évaluation économique et sociale omettrait d’examiner la compatibilité du projet avec les schémas directeurs d’infrastructures applicables et ne comporterait pas l’estimation du taux de rentabilité pour la collectivité manque en fait ; qu’ainsi l’étude d’évaluation jointe au dossier comporte l’ensemble des informations requises par l’article 4 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l’application de l’article 14 de la loi du 30 décembre 1982 ;

Considérant que l’étude d’impact comporte une analyse de l’état initial du site et de son environnement ; qu’en ce qui concerne la faune et la flore, elle prend en compte l’ensemble des données disponibles ; que l’étude d’impact n’avait pas à étudier dans le détail l’ensemble des problèmes posés par le tracé, dès lors que l’impact du projet sur l’environnement a été suffisamment étudié ; que les indications chiffrées qu’elle comporte en matière de réduction des conséquences dommageables du projet sont suffisantes ; qu’ainsi, les dispositions de l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1976 n’ont pas été méconnues ;

Considérant que si l’article L. 122-3 du code de l’environnement dispose que "pour les infrastructures de transports, l’étude d’impact comprend une analyse des coût collectifs, des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter", les impacts de l’ouvrage sur le milieu physique, notamment sur l’air, ainsi que l’analyse et l’évaluation exigés par cet article font l’objet d’une étude versée au dossier d’enquête ; qu’ainsi, les dispositions dudit article ont été respectées ;

Considérant que si, à la suite de la modification introduite par l’article 1er, point 11, de la directive du 3 mars 1997, le 1. de l’article 9 de la directive n° 85-337/CE du Conseil, du 27 juin 1985, dispose que : "Lorsqu’une décision d’octroi ou de refus d’autorisation a été prise, la ou les autorités compétentes en informent le public selon les modalités appropriées et mettent à sa disposition les informations suivantes : (...) - les motifs et considérations principaux qui ont fondé la décision, (...)", ces dispositions, qui exigent que l’auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l’ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la décision qui serait une condition de légalité de cette dernière ; que le moyen tiré de ce que, faute d’avoir été modifié, dans le délai de transposition de la directive qui expirait le 14 mars 1999, pour prévoir une telle obligation de motivation des actes déclaratifs d’utilité publique entrant dans le champ de cette directive, le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sur le fondement duquel a été pris le décret attaqué serait devenu incompatible avec les objectifs de la directive précitée, ne peut, par suite, être accueilli ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant que la loi du 30 décembre 1982 définit les principes généraux de la politique des transports, notamment la mise en œuvre d’un droit au transport dans des conditions raisonnables d’accès, de qualité et de prix ainsi que de coût pour la collectivité, et le développement harmonieux des différents modes de transport individuels et collectifs en tenant compte de leurs avantages et inconvénients, en matière de développement régional, d’aménagement urbain, de protection de l’environnement, de défense, d’utilisation rationnelle de l’énergie, de sécurité, ainsi que des coûts liés à la création, à l’entretien et à l’usage des infrastructures, équipements et matériels de transport ; qu’il ne ressort pas de pièces du dossier qu’eu égard à ces dispositions, l’auteur du décret attaqué ait commis une erreur manifeste d’appréciation en déclarant d’utilité publique l’opération dont s’agit ;

Considérant que si l’association requérante soutient qu’un autre projet aurait présenté moins d’inconvénients, il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard aux dispositions de l’article 14 de la loi du 30 décembre 1982 aux termes desquelles "le système de transports intérieurs doit satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la communauté", le décret attaqué soit entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement : "Les dispositions ... du présent texte ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau ; cette gestion équilibrée vise à assurer : 1° La préservation ... des zones humides" ; que compte tenu des précautions adoptées et des engagements pris par les administrations compétentes antérieurement au décret attaqué, celui-ci ne méconnaît pas les dispositions précitées ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en tout état de cause, le décret attaqué porte atteinte aux objectifs définis par la directive du 21 mai 1992 du Conseil des communautés européennes concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage ;

Considérant qu’une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

Considérant que l’opération d’aménagement de l’autoroute A 88 entre Caen et Sées aura pour effet de désenclaver une partie de la Basse-Normandie ; qu’elle répond à un objectif d’amélioration de la desserte régionale ; qu’elle doit accroître la sécurité des déplacements routiers ; que sa réalisation présente ainsi un caractère d’utilité publique ; qu’eu égard tant à l’importance de l’opération qu’aux précautions prises, en particulier s’agissant du franchissement de prairies humides sur le territoire des communes de Mortrée et Macé, ni les inconvénients du projet, notamment pour l’environnement, ni son coût financier ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l’intérêt que l’opération présente ; que, dès lors, ces inconvénients ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l’association requérante la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION DE DEFENSE ET DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TISSU ECONOMIQUE ET SOCIAL DE L’AXE FALAISE-SEES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION DE DEFENSE ET DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TISSU ECONOMIQUE ET SOCIAL DE L’AXE FALAISE-SEES, au Premier ministre et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

 


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