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Conseil d’Etat, 25 avril 2003, n° 236189, Succession de Mme Henri J.,

En vertu des dispositions de l’article 150 M du code général des impôts en vigueur en 1987, les plus-values réalisées à l’occation de la cession d’un terrain à bâtir détenu depuis plus de deux ans, réduites de 3,33 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième, ne donnaient plus lieu à la soumission à l’impôt sur le revenu prévue par l’article 150 A lorsque la cession intervenait plus de trente-deux ans après l’acquisition du bien. Eu égard à l’effet déclaratif qu’emportent, en vertu des articles 883 et 1476 du code civil, les partages de succession ou de communauté, les biens dévolus lors d’un tel partage sont réputés avoir été la propriété de leur attributaire dès la date, soit de l’ouverture de la succession, soit de l’acquisition du bien par la communauté.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 236189

Succession de Mme Henri J.

M. Fabre
Rapporteur

M. Vallée
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 mars 2003
Lecture du 25 avril 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 19 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la succession de Mme Henri J. ; les requérants demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 16 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rétabli Mme Henri J., par sa succession, au rôle de l’impôt sur le revenu de l’année 1987, à raison de la cotisation supplémentaire à laquelle elle avait été assujettie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. François J.,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 150 M du code général des impôts en vigueur en 1987, les plus-values réalisées à l’occation de la cession d’un terrain à bâtir détenu depuis plus de deux ans, réduites de 3,33 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième, ne donnaient plus lieu à la soumission à l’impôt sur le revenu prévue par l’article 150 A lorsque la cession intervenait plus de trente-deux ans après l’acquisition du bien ; qu’eu égard à l’effet déclaratif qu’emportent, en vertu des articles 883 et 1476 du code civil, les partages de succession ou de communauté, les biens dévolus lors d’un tel partage sont réputés avoir été la propriété de leur attributaire dès la date, soit de l’ouverture de la succession, soit de l’acquisition du bien par la communauté ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel de Douai que M. et Mme Henri J., mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, ont, en 1948 et 1949, acquis deux terrains situés sur le territoire de la commune de Mortefontaine (Oise), et auxquels une parcelle unique a, lors des opérations de remembrement qui ont eu lieu dans cette commune en 1963, été substituée ; que M. Henri J. est décédé le 9 mai 1978 ; que, par acte notarié du 22 décembre 1979, il a simultanément été procédé, entre Mme Henri J. et les quatre enfants nés du mariage, au partage de la communauté ayant existé entre les époux et à celui de la succession de M. Henri J. ; que les biens attribués en pleine propriété à Mme Henri J. ont, indistinctement, concouru, d’une part, à concurrence de la valeur de 716 000 F, à la remplir de ses droits de moitié sur l’actif net de la communauté lors de la dissolution de celle-ci du fait du décès de son époux, et, d’autre part, à concurrence de la valeur de 36 000 F, à la désintéresser du droit d’usufruit légal qu’elle détenait, depuis ce décès, sur la succession dudit époux ; qu’au nombre de ces biens, a figuré la parcelle susmentionnée, dont la valeur a été fixée, dans l’acte, à 70 000 F ; que Mme Henri J. a, le 15 mai 1987, vendu cette parcelle, qui présentait le caractère d’un terrain à bâtir, moyennant le prix de 3 350 000 F ; qu’à l’issue d’un contrôle auquel elle a procédé après le décès de Mme Henri J., survenu le 3 janvier 1989, l’administration a estimé que celle-ci s’était à tort abstenue de déclarer toute plus-value imposable réalisée du fait de cette cession, et, regardant la parcelle en cause comme, pour moitié, acquise par elle de la succession ouverte en 1978, a, sur la base d’une fraction correspondante de la différence entre le prix de vente et la valeur attribuée dans l’acte de partage à la parcelle, établi à son nom un rappel d’impôt sur le revenu au titre de l’année 1987 ;

Considérant que, pour prononcer, par l’arrêt attaqué, le rétablissement de cette imposition dont les premiers juges avaient accordé la décharge aux héritiers de Mme J., la cour administrative d’appel s’est fondée sur ce que, ainsi que le soutenait le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le bien litigieux serait pour moitié entré dans l’indivision successorale ouverte au décès de M. Henri J., de sorte qu’à due concurrence, la propriété n’en avait pu échoir à Mme J. que de par l’effet du partage de la succession, soit à compter du 9 mai 1978 ; qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressort des circonstances ci-dessus relatées que le partage effectué le 22 décembre 1979 a d’abord eu pour objet de remplir de leurs droits respectifs sur la communauté ayant existé entre les époux Henri J., d’une part, Mme J., et, d’autre part, la succession de M. Henri J., de laquelle Mme J. n’a recueilli qu’une fraction inférieure à 5 % de la valeur des biens à elle attribués, de sorte que lesdits biens doivent, à concurrence de plus de 95 %, être réputés avoir été sa propriété depuis leur acquisition par la communauté, la cour administrative d’appel a dénaturé les faits dont elle avait à connaître ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leur pourvoi, les héritiers J. sont fondés à demander que l’arrêt attaqué soit annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce que soutient le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Mme Henri J. ne saurait être regardée comme ayant acquis de l’indivision successorale qui s’est ouverte lors du décès de son époux, soit à compter du 9 mai 1978, la propriété d’une moitié de chacun des biens qui lui ont été attribués par l’acte de partage du 22 décembre 1979, de sorte que, seule, une moitié de la parcelle qu’elle a vendue le 15 mai 1987 aurait été détenue par elle depuis plus de trente-deux années à cette date, et que la cession du surplus aurait entraîné la réalisation d’une plus-value dont les réductions prévues par l’article 150 M du code général des impôts laissaient subsister une fraction imposable ;

Considérant, en second lieu, que, si le ministre fait valoir que les premiers juges se sont mépris quant à la portée des énonciations d’une instruction administrative invoquée par les demandeurs, il ressort des termes du jugement critiqué que la référence à cette instruction n’en constitue qu’un motif surabondant, dont le bien-fondé ne saurait donc, en tout état de cause, être utilement discuté ;

Considérant qu’il suit de là que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie n’est pas fondé à soutenir, par les moyens qu’il soulève, que c’est à tort que le tribunal administratif d’Amiens a, par son jugement attaqué, du 30 juin 1997, accordé aux héritiers de Mme Henri J. la décharge entière du supplément d’impôt sur le revenu auquel elle avait été assujettie au titre de l’année 1987 ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à verser aux héritiers de Mme Henri J., en remboursement des frais exposés par eux tant en appel que devant le Conseil d’Etat, la somme de 5 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 16 mai 2001 est annulé.

Article 2 : Le recours présenté devant la cour administrative d’appel de Douai par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est rejeté.

Article 3 : L’Etat versera aux héritiers de Mme Henri J. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 5 000 euros.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux héritiers de Mme Henri J., représentés par M. François J. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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