format pour impression
(imprimer)

NOTES ET COMMENTAIRES :
Conclusions de Bernard HECKEL, AJDA 2003, p.790
Jean-David DREYFUS, Les conditions permettant à une personne publique de se voir attribuer un marché, AJDA 2003, p.792

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 10 mars 2003, n° 227357, M. Christian L. et autres
Conseil d’Etat, 21 mars 2001, n° 207877, SOCIETE VERVEINE et autres
Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 235398, Compagnie générale des eaux et autres
Conseil d’Etat, 3 mai 2002, n° 224859, Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT)
Conseil d’Etat, 11 février 2004, n° 238592, Conseil national des professions de l’automobile
Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 200886, Société Cegedim
Conseil d’Etat, 7 mai 2008, n° 309316, La Poste
Conseil d’Etat, 8 juin 2001, n° 225119, Société Golden-Harvest-Zelder SARL
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3 juin 2003, n° 99BX00974, Société Fersan
Conseil d’Etat, 30 juillet 2003, n° 240884, Société Dubus SA




Tribunal administratif de Dijon, 20 février 2003, n° 99245, Société Jean Louis Bernard Consultants c/ District de l’Agglomération Dijonnaise

Il appartient à un établissement public administratif qui soumissionne pour l’attribution d’un marché public de respecter le principe de la liberté de la concurrence qui découle notamment de l’ordonnance du 1er décembre 1986. Ce principe suppose, d’une part, que le prix proposé par cet établissement public administratif soit déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, d’autre part, que cet établissement public n’ait pas bénéficié, pour déterminer le prix qu’il a proposé d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public et enfin qu’il puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE DIJON

N° 99245

Société Jean Louis BERNARD Consultants
c/ District de l’Agglomération Dijonnaise
en présence de :
Institut Géographique National (IGN)

M. ROUSSET
Rapporteur

M. HECKEL
Commissaire du gouvernement

Audience du 6 février 2003
Lecture du 20 février 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE DIJON

(3ème Chambre)

VU le jugement en date du 18 avril 2000, ensemble les mémoires visés, par lequel le Tribunal administratif de DIJON, avant de statuer sur la demande de la Société Jean Louis BERNARD Consultants tendant, d’une part, à ce que soient annulées la décision du 4 décembre 1998 du président du District de l’agglomération dijonnaise rejetant son offre pour l’attribution du marché relatif au renouvellement du système d’information géographique du district et la décision du président du District de l’agglomération dijonnaise attribuant le dit marché à l’Institut géographique national et, d’autre part, à ce que le District de l’agglomération dijonnaise soit condamné à lui verser la somme de 15.000 Francs au titre de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, a décidé, par application des dispositions de l’article 12 de la loi N° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de soumettre à l’examen du Conseil d’Etat la question suivante :

le principe de liberté de la concurrence qui découle de l’ordonnance du 1er décembre 1986 fait-il obstacle à ce qu’un marché soit attribué à un établissement public administratif qui, du fait de son statut, n’est pas soumis aux mêmes obligations fiscales et sociales que ses concurrents ;

VU l’avis du Conseil d’Etat en date du 8 novembre 2000 ;

VU les mémoires, enregistrés les 2 février 2001, 30 octobre 2001, 5 mars 2002, 18 mai 2002, présentés pour la Société Jean Louis BERNARD Consultants par Me Gaël DECHELETTE avocat au barreau de PARIS ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête ;

VU le mémoire, enregistré le 25 avril 2001, présenté pour la Communauté de l’agglomération dijonnaise par la SCP J. CURTIL-M.CURTIL-FAIVRE société d’avocats au barreau de DIJON concluant au rejet de la requête ;

VU les mémoires, enregistrés les 15 mai 2001, 18 janvier 2002, 12 avril 2002, 27 juin 2002 présentés pour l’Institut géographique national par Me Jean-Luc TIXIER, avocat au barreau des Hauts de Seine ; il conclut au rejet de la requête et en outre à ce que la Société Jean Louis BERNARD Consultants lui verse la somme de 15.000F au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;

VU l’ordonnance portant clôture de l’instruction au 18 novembre 2002 ;

VU les décisions attaquées ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des marchés publics ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 février 2003 :
- le rapport de M. ROUSSET, conseiller,
- les observations de Me DELECHETTE, avocat de la Société Jean Louis BERNARD Consultants, de Me CURTIL, avocat du District de l’agglomération dijonnaise et de Me TENAILLEAU, avocat de l’Institut géographique national,
- et les conclusions de M. HECKEL, commissaire du gouvernement ;

CONSIDERANT que le District de l’agglomération dijonnaise a fait un appel à la concurrence préalable à la conclusion d’un marché négocié, portant sur l’analyse du système d’information géographique du District, la réalisation d’une étude de définition pour son renouvellement et l’assistance à la mise en place du nouveau système ; que la Société Jean Louis BERNARD Consultants, requérante, a fait une offre ainsi que sept autres candidats ; qu’elle a été classée en cinquième position ; qu’elle demande l’annulation de la décision en date du 4 décembre 1998 du président du District de l’agglomération dijonnaise rejetant son offre, ainsi que l’annulation de la décision attribuant le marché à l’Institut géographique national ; qu’à l’appui de cette demande, elle se prévaut notamment du principe de libre concurrence qui découle de l’ordonnance susvisée du 1er décembre 1986 ; qu’ainsi elle fait valoir que l’attribution du marché à l’Institut géographique national serait entachée d’illégalité du fait du statut public de l’Institut qui le dispenserait des obligations fiscales et sociales qui pèsent sur ses concurrents, favoriserait la minoration des coûts réels de l’établissement et rendrait possible l’affectation à ses activités concurrentielles d’une partie des subventions perçues au titre de ses missions de service public ;

CONSIDERANT que, d’une part, aucun texte ni principe n’interdit en raison de sa nature à un établissement public administratif de se porter candidat à un marché public ; que, d’autre part, il résulte des dispositions combinées des articles 1654 et 256 B du code général des impôts que les établissements publics, lorsqu’ils exercent une activité susceptible d’entrer en concurrence avec celle d’entreprises privées, sont tenus à des obligations fiscales comparables ; qu’enfin le statut des agents des établissements publics administratifs, qui sont soumis en ce qui concerne le droit du travail et de la sécurité sociale à une législation pour partie différente de celle dont relèvent les salariés de droit privé, n’a pas pour conséquence de placer les établissements publics administratifs dans une situation plus avantageuse que celle dans laquelle se trouvent les entreprises privées ; qu’il s’ensuit que la candidature de l’Institut géographique national à la consultation lancée par le District de l’agglomération dijonnaise, n’est pas, au regard de son régime fiscal et du régime social applicable à ses agents, de nature à fausser la concurrence ;

CONSIDERANT toutefois qu’il appartient à un établissement public administratif qui soumissionne pour l’attribution d’un marché public de respecter le principe de la liberté de la concurrence qui découle notamment de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que ce principe suppose, d’une part, que le prix proposé par cet établissement public administratif soit déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, d’autre part, que cet établissement public n’ait pas bénéficié, pour déterminer le prix qu’il a proposé d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public et enfin qu’il puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié ;

CONSIDERANT que l’Institut géographique national a remis au District de l’agglomération dijonnaise une offre d’un montant de 217 000 francs hors taxes ; que si l’écart de prix, même important, entre l’offre du candidat retenu et celles de ses concurrents n’est pas en soi constitutif d’un manquement au principe de libre concurrence, il appartient en revanche au Tribunal d’examiner les modalités de fixation de ce prix ; que l’Institut a produit un document, établi à partir de sa comptabilité analytique, par lequel il expose les conditions de détermination de son prix ; qu’il en ressort que la nature de la prestation objet du marché justifiait l’affectation d’un ingénieur des travaux géographiques ; que le coût d’un ingénieur des travaux géographiques, dont le taux horaire catégoriel était statutairement fixé pour l’année 1998 à 195 francs, s’élevait pour une journée à 1 560 francs hors taxes ; que l’Institut a évalué à 74 le nombre de journées de travail nécessaire pour exécuter la mission ; qu’ainsi les frais de personnel induits par la prestation s’élevaient, au total, à 115.440 francs hors taxes ; que l’Institut géographique national a, par ailleurs, estimé à 26 600 francs hors taxes les frais divers occasionnés par les déplacements au siège du District à Dijon et à 9 800 francs hors taxes les frais exposés pour soumissionner ; qu’une part des frais généraux, calculée par référence au montant total des frais de structure et des recettes d’activité de l’Institut pour l’année 1998 et fixée à 52 870 francs hors taxes a été prise en compte dans l’offre de prix remise au District de l’agglomération dijonnaise ; qu’enfin la marge bénéficiaire s’établit à 12 500 francs hors taxes environ ;

CONSIDERANT qu’il n’est pas établi que le nombre de journées de travail prévu pour assurer la prestation dans les conditions ci-dessus décrites serait insuffisant, qu’un ingénieur des travaux géographiques serait insuffisamment qualifié pour exécuter la mission, que le coût de la journée ingénieur, qui, à la différence du barème public des prix de l’Institut géographique national cité par le requérant n’intègre pas les coûts indirects, serait sous évalué ou que la part des frais de structure imputée dans le prix aurait été sous estimée ; qu’à l’inverse le seul fait que l’Institut géographique national perçoive des subventions à raison de ses missions de service public, ainsi qu’en attestent le budget et le compte financier de l’année 1998 produits à l’instance, ou que les activités concurrentielles de l’Institut n’aient pas été isolées dans une structure juridique qui leur soit propre, ne suffisent pas à établir que l’offre remise au District de l’agglomération dijonnaise aurait porté atteinte au principe de libre concurrence ; qu’il s’ensuit, sans qu’il soit nécessaire de saisir le conseil de la concurrence, ni d’ordonner une expertise, ni d’exiger de l’Institut géographique national la production de sa comptabilité analytique et de la Société Jean Louis BERNARD Consultants la communication de pièces justificatives des conditions de fixation de son prix, que l’offre remise par l’Institut ne porte pas atteinte à la libre concurrence ;

CONSIDERANT qu’il ressort de ce qui précède, ainsi que du jugement du 18 avril 2000, qu’il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l’annulation de la décision en date du 4 décembre 1998 du président du District de l’agglomération dijonnaise rejetant l’offre de la Société Jean Louis BERNARD Consultants, et de la décision par laquelle le président du District de l’agglomération dijonnaise a attribué le marché à l’Institut géographique national ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

CONSIDERANT qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées, à ce titre, par la Société Jean Louis BERNARD Consultants doivent dès lors être rejetées ;

CONSIDERANT qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la Société Jean Louis BERNARD Consultants à payer à l’Institut géographique national une somme de 1.100 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : la requête de la Société Jean Louis BERNARD Consultants est rejetée.

Article 2 : la Société Jean Louis BERNARD Consultants versera à l’Institut géographique national une somme de 1 100 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : le présent jugement sera notifié à la Société Jean Louis BERNARD Consultants, au District de l’agglomération dijonnaise et à l’Institut géographique national.

En outre, copie en sera adressée au préfet du département de la Côte-d’Or.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site