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Observations sous Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, Elections municipales de Viala-du-Tarn (Aveyron)

Par Damien DUTRIEUX
Chargé d’enseignement à l’Université de Valenciennes

La sincérité du scrutin a été altérée dès lors qu’il apparaît que les membres de la commission administrative ont été individuellement convoqués à la mairie afin de signer les comptes-rendus de travaux de révision de la liste électorale sans tenir de réelle séance.

Observations :

Si le préfet ne dispose que d’un délai très court - deux jours - pour déférer devant le tribunal administratif les travaux de la commission administrative chargée de procéder aux opérations de révision des listes électorales (C. élect., art. L. 20), et si la contestation des inscriptions et radiations ne peut s’opérer, devant le juge d’instance, que pendant dix jours à compter de l’affichage du tableau rectificatif du 10 janvier (C. élect., art. L. 25), une fois ces délais passés, il n’est pas possible de considérer en être définitivement "quitte" avec les obligations qu’impose le Code électoral pour la révision des listes électorales.

En effet, les vices ayant entaché la procédure de révision des listes électorales sont également susceptibles d’être utilisés dans le cadre du contentieux de l’élection (CE, 30 janv. 2002, El. mun. de Tourtoirac, req. n° 236327). Dès lors, alors même que les candidats se seront soumis à tous les obligations imposées par les textes en matière de candidature, de financement de la campagne électorale et de déroulement du scrutin, le non-respect des procédures affectant ce que les professeurs Barthélémy et Duez qualifiaient de « préparation lointaine de l’élection » (Traité de droit constitutionnel : Dalloz 1933, 2° éd. p. 386) - c’est-à-dire la confection des listes électorales - viendra entraîner l’annulation de l’élection si le juge estime que ce non-respect a altéré la sincérité du scrutin.

Ainsi, dans l’arrêt reproduit ci-dessous, le juge rappelle que la commission administrative doit se réunir effectivement et procéder, en présence des trois délégués, à l’analyse des demandes d’inscriptions et aux radiations (CE, Ass., 3 févr. 1989, Maire de Paris : AJDA 1989 p. 342 ; CE, 13 nov. 1998, Maire de Gélaucourt, req. n° 187564 ; CE, 14 janv. 2002, El. mun. de Lamazière-Basse, req. n° 236041 ; CE, 11 févr. 2002, El. mun. de Châteauneuf-le-Rouge, req. n° 236440 ; V. D. Dutrieux, Les listes électorales : "Dossier d’experts", 3ième éd., La Lettre du Cadre Territorial, 2002 p. 24).

Dès lors que le maire a procédé seul à l’inscription et la radiation de nombreux électeurs, les élections municipales doivent être annulées, sans que la signature postérieure par les autres délégués du compte-rendu des travaux n’ait eu pour effet de régulariser le vice initial ayant frappé la procédure de révision (V. également, concernant une initiative personnelle du maire après la réunion de la commission : CE, 6 févr. 2002, El. mun. de Landunvez, req. n° 235002).

Ainsi, la simple signature par les délégués de la commission administrative du compte-rendu des opérations d’inscriptions et de radiations effectuées par le maire et les services municipaux, sans que n’aient lieu de véritables réunions de travail, constitue bien souvent la réalité des révisions des listes électorales opérées dans certaines communes. L’attention des élus doit donc être attirée sur les conséquences d’une telle pratique lorsqu’elle est invoquée devant le juge de l’élection !

Damien DUTRIEUX

Décision :

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 236728

Elections municipales de Viala-du-Tarn (Aveyron)

Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur

Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d’Etat, statuant au Contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du Contentieux

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Jean-Claude X et autres membres de la liste "Ensemble, construisons l’avenir" ; les requérants susvisés demandent que le Conseil d’Etat :

1°) annule le jugement du 14 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé leur élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Viala-du-Tarn (Aveyron) lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 11 mars 2001 ;

2°) rejette la protestation de Mme Florence K et autres, membres de la liste "Pour une autre logique à Viala-du-Tarn" ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d’Etat ;
- les observations de Me Thouin-Palat, avocat de M. X et de Me de Nervo, avocat de Mme K et autres,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 17 du code électoral : "Une liste électorale est dressée pour chaque bureau de vote par une commission administrative constituée pour chacun de ces bureaux et composée du maire ou de son représentant, du délégué de l’administration désigné par le préfet ou le sous-préfet, et d’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance ... En outre, une liste générale des électeurs de la commune est dressée, d’après les listes spéciales de chaque bureau de vote, par une commission administrative composée du maire, d’un délégué de l’administration désigné par le préfet ou par le sous-préfet et d’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance" ; que si, aux termes de l’article L. 25 du même code : "Les décisions de la commission administrative peuvent être contestées par les électeurs intéressés devant le tribunal d’instance ...", ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge administratif puisse être saisi, à l’occasion d’une protestation contre des opérations électorales, de faits relatifs à la procédure suivie par la commission administrative lors de l’établissement de la liste électorale, même si le préfet n’a pas fait usage de la faculté qui lui est dévolue par l’article L. 20 du même code, de déférer au tribunal administratif les décisions de cette commission ;

Considérant que, dans la protestation qu’ils ont formée contre les opérations du premier tour du scrutin, qui ont eu lieu le 11 mars 2002 dans la commune de Viala-du-Tarn (Aveyron), pour l’élection des membres du conseil municipal, Mme K. et autres ont fait valoir que la liste électorale avait été établie par le maire, sans que la commission administrative ait été réunie pour en délibérer et qu’eu égard aux nombreuses radiations ou inscriptions opérées de façon irrégulière, la sincérité du scrutin avait été altérée ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’il appartenait au tribunal administratif de se prononcer sur le bien-fondé de ce grief ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la commission administrative n’a pas tenu de séance pour examiner les propositions de modification de la liste électorale ; que la circonstance que les membres de cette commission ont été individuellement convoqués à la mairie afin de signer les comptes-rendus de travaux de révision de la liste électorale ne peut permettre de regarder comme régulièrement accomplie la mission que l’article L. 17 du code électoral confie à la commission ; que le tribunal d’instance de Millau a, d’ailleurs, prononcé après le scrutin la radiation de quinze électeurs ; que, dans ces conditions et eu égard à l’écart entre le nombre de voix obtenues par les candidats proclamés élus et celui qui correspond à la majorité absolue des suffrages exprimés, la sincérité du scrutin a été altérée ; que, par suite, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second grief retenu également par les premiers juges, M. X et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé leur élection ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. X et autres à payer à Mme K et autres la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme K et autres tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

© - Tous droits réservés - Damien DUTRIEUX - 18 janvier 2003

 


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