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Conseil d’Etat, 13 novembre 2002, n° 237521, Ministre de l’emploi et de la solidarité

Si le juge administratif est compétent, dans le cadre d’un litige né de l’application de l’article L.323-8-6 du code du travail, pour se prononcer par voie d’exception sur le bien-fondé d’une contestation relative à une décision de la COTOREP prise en application de l’article L. 323-10 du code du travail, il ne peut, en l’absence d’une décision de cet organisme portant sur la période en cause, se prononcer sur la qualité de travailleur handicapé d’un salarié au sens de l’article L. 323-10 du code du travail pour cette période.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 237521

MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE

M. Eoche-Duval
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 octobre 2002
Lecture du 13 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, enregistré le 22 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 15 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel tendant à l’annulation du jugement du 13 janvier 1999 par lequel le tribunal administratif de Marseille, saisi par la Société nationale immobilière, à annulé la décision du 4 novembre 1994 par laquelle le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône avait établi à l’encontre de cette société un titre de perception au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail, notamment l’article L. 323-10 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la Société nationale immobilière,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, dans le cadre de sa déclaration annuelle au titre des obligations d’emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés, la Société nationale immobilière (SNI) a, pour l’année 1993, déclaré en qualité de travailleur handicapé un de ses salariés, M. Jean-Pierre Canto, à qui cette qualité avait été précédemment reconnue par une décision du 16 janvier 1981, valable pour une période de cinq ans, de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) des Bouches-du-Rhône ; que, par une seconde décision du 19 octobre 1994, la même commission a reconnu cette qualité à M. Canto également pour une période de cinq ans ; que, par décision du 4 novembre 1994, confirmée sur recours hiérarchique, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône a appliqué à la Société nationale immobilière une pénalité de 26 296,65 F (4 008,90 euros) en application de l’article L. 323-8-6 du code du travail pour non-respect, en 1993, des obligations d’emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés ; que le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE se pourvoit en cassation contre l’arrêt en date du 15 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de la Société nationale immobilière tendant à la décharge de cette pénalité ;

Considérant, d’une part, que l’article L. 323-1 du code du travail, qui figure dans une section de ce code relative à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés, énonce que : « Tout employeur occupant au moins vingt salariés est tenu d’employer, à temps plein ou à temps partiel, des bénéficiaires de la présente section dans la proportion de 6 p. 100 de l’effectif total de ses salariés » ; qu’aux termes de l’article L. 323-10 du même code : « Est considéré comme travailleur handicapé au sens de la présente section, toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d’une insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou mentales./ La qualité du travailleur handicapé est reconnue par la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel prévue à l’article L. 323-11 » ; que selon l’article L. 323-12 : « La commission technique d’orientation et de reclassement professionnel classe le travailleur handicapé selon ses capacités professionnelles, à titre temporaire ou définitif » et qu’en vertu de l’article D. 323-3-15 du même code : « Outre leurs motifs, les décisions de la commission doivent préciser le délai dans lequel elles seront révisées. Ce délai ne peut excéder cinq ans » ;

Considérant, d’autre part, qu’à l’effet de sanctionner le non-respect de l’obligation légale d’emploi de travailleurs handicapés ou assimilés, l’article L. 323-8-6 du code du travail énonce que : « Lorsqu’ils ne remplissent aucune des obligations définies aux articles L. 323-1, L. 323-8, L. 323-8-1 et L. 323-8-2, les employeurs mentionnés à l’article L. 323-1 sont astreints à titre de pénalité au versement au Trésor public d’une somme dont le montant est égal à celui de la contribution instituée par l’article L. 323-8-2, majoré de 25 p. 100, et qui fait l’objet d’un titre de perception émis par l’autorité administrative » ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la Société nationale immobilière, les moyens tirés de ces dispositions et invoqués par le ministre dans son recours avaient été présentés en appel ; que, dès lors, ils ne sont pas irrecevables comme nouveaux en cassation ;

Considérant que si le juge administratif est compétent, dans le cadre d’un litige né de l’application de l’article L.323-8-6 du code du travail, pour se prononcer par voie d’exception sur le bien-fondé d’une contestation relative à une décision de la COTOREP prise en application de l’article L. 323-10 du code du travail, il ne peut, en l’absence d’une décision de cet organisme portant sur la période en cause, se prononcer sur la qualité de travailleur handicapé d’un salarié au sens de l’article L. 323-10 du code du travail pour cette période ; que, par suite, en estimant que M. Canto pouvait être regardé en 1993 comme travailleur handicapé au sens desdites dispositions, alors qu’aucune décision de la COTOREP ne s’était prononcée pour reconnaître à l’intéressé cette qualité pour la période litigieuse, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Sur l’appel du ministre

Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le tribunal administratif de Marseille n’était pas compétent pour reconnaître la qualité de travailleur handicapé à M. Canto pour l’année 1993 ; que, par suite, c’est à tort que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif s’est fondé sur le fait que l’intéressé avait cette qualité en 1993 ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par la Société nationale immobilière devant le tribunal administratif de Marseille ;

Considérant qu’en estimant que M. Canto n’avait pas la qualité de travailleur handicapé en 1993 au sens de l’article L. 323-10 du code du travail, dès lors que la COTOREP, qui n’avait pas été saisie d’une demande en ce sens, ne lui avait pas reconnu cette qualité pour cette période, et en appliquant à la Société nationale immobilière, pour ce motif, la pénalité prévue à l’article L. 323-8-6 du code du travail, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône n’a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code du travail ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhone du 4 novembre 1994 ;

Sur les conclusions de la Société nationale immobilière tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la Société nationale immobilière la somme qu’elle demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 15 mai 2001 et le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 13 janvier 1999 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la Société nationale immobilière devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la Société nationale immobilière tendant à l’application de l’article L. 761-1 d code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE et à la Société nationale immobilière.

 


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