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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 25 juin 2002, n° 98BX01269, M. A. N.

Lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 98BX01269

M. A. N.

Mlle Roca, Rapporteur

M. Rey, Commissaire du gouvernement

Audience du 25 Juin 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 juillet 1998, présentée pour M. Pierre A. N. ;

M. A. N. demande à la cour :
- d’annuler le jugement du 11 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de La Rochelle soit condamné à lui verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables de la coronarographie qu’il a subie dans cet établissement le 13 février 1996 ;
- de condamner le centre hospitalier de La Rochelle à lui verser une indemnité de 200 000 F augmentée de la somme de 10 000 F en application de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative, ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mai 2002 :
- le rapport de Mlle Roca ;
- les observations de Maître Demailly, collaborateur de Maître Le Prado, avocat du centre hospitalier de La Rochelle ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’après avoir été victime d’un oedème pulmonaire M. A. N. , alors âgé de 54 ans, a subi le 13 février 1996 au centre hospitalier de La Rochelle une coronarographie à visée diagnostique qui s’est compliquée d’une dissection artérielle ayant nécessité, en urgence, une opération de pontage destinée à assurer la revascularisation du membre inférieur droit momentanément atteint d’une ischémie aiguë ; qu’il conteste le jugement du 11 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son action en responsabilité dirigée contre l’établissement hospitalier ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné en référé par le tribunal administratif, que si la complication dont il s’agit a été favorisée par l’existence d’une déficience de l’état artériel du patient, il n’est pas établi que le médecin qui a pratiqué la coronarographie aurait eu connaissance de cette déficience avant d’entreprendre ledit examen qui a précisément pour objet de révéler de telles prédispositions ; que le requérant n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que ledit médecin n’aurait pas pris les précautions qui s’imposaient ni utilisé les moyens scientifiquement connus pour prévoir et éviter l’accident qui s’est produit ; que selon ce même rapport, la coronarographie a été réalisée par un praticien expérimenté, dans des conditions conformes aux règles de l’art ; qu’il suit de là qu’aucune faute médicale ne peut être retenue à l’encontre du centre hospitalier de La Rochelle ;

Considérant, en second lieu, que lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment de l’expertise précitée, que les coronarographies, même effectuées dans les règles de l’art, présentent des risques connus de dissection artérielle pouvant entraîner des conséquences graves pour le patient ; qu’il n’est pas contesté que M. A. N. n’avait pas été informé préalablement de l’existence de ce risque ; que ce défaut d’information a constitué une faute susceptible d’engager la responsabilité du centre hospitalier de La Rochelle à l’égard du requérant ; que celui-ci est, dès lors, fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s’est fondé sur le caractère exceptionnel d’un tel risque pour écarter le moyen tiré du défaut d’information ;

Considérant que la faute commise par les praticiens de l’hôpital a entraîné pour M. A. N. une perte de chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé ; que la réparation du dommage résultant de cette perte de chance doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d’une part, les risques de dissection artérielle inhérents à la coronarographie, évalués par l’expert à moins de 1 % des cas, et, d’autre part, les risques importants encourus par M. A. N. du fait de son état de santé, s’il renonçait à cet examen qui avait pour objet de les révéler, cette fraction doit être fixée à 1/5ème ;

Sur l’évaluation du préjudice et les droits à réparation de M. A. N. et de la caisse d’assurance maladie :

Considérant que si la caisse d’assurance maladie des professions libérales se prévaut de frais qu’elle a engagés pour le compte de M. A. N. pour la période courant du 13 au 19 février 1996, elle ne précise pas la part de ces frais qui est directement imputable à la faute de l’hôpital et qui peut seule donner lieu à indemnisation ; que, dans ces conditions, aucune somme ne peut être prise en compte du chef de ces frais ; qu’il ressort du rapport de l’expert précité que M. A. N. ne conserve aucune séquelle fonctionnelle ou organique consécutive à la dissection artérielle ; qu’aucune perte de revenus n’est alléguée ;

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques qualifiées de modérées, et psychologiques endurées par M. A. N. du fait de l’opération de pontage ainsi que du préjudice esthétique, évalué à 2/6, en les fixant à 15 000 euros ;

Considérant qu’il résulte des considérations ci-dessus qu’en l’absence de précisions permettant d’identifier les frais qui sont directement liés à la dissection artérielle, la caisse n’est pas en droit d’obtenir du centre hospitalier un quelconque remboursement ; que ses conclusions tendant au bénéfice de l’indemnité forfaitaire prévue par l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées ; que le montant de l’indemnité due à M. A. N. doit être fixé, compte tenu de la perte de chance, à 1/5ème de la somme de 15 000 euros, soit 3 000 euros ;

Sur les frais d’expertise :

Considérant que les frais de l’expertise ordonnée par le tribunal administratif sont mis à la charge du centre hospitalier de La Rochelle ;

Sur l’application des dispositions de l’article L 761- 1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le centre hospitalier de La Rochelle, tenu aux dépens, à payer 1 000 euros à M. A. N. au titre des frais que celui-ci a engagés non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, par contre, de condamner l’établissement public à verser une somme à la caisse d’assurance maladie des professions indépendantes en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 juin 1998 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de La Rochelle est condamné à payer à M. A. N. la somme de 3 000 euros, augmentée de la somme de 1 000 euros due en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les frais d’expertise sont mis à la charge du centre hospitalier de La Rochelle.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A. N. et les conclusions de la caisse d’assurance maladie des professions indépendantes sont rejetés.

 


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