L’étendue du pouvoir de critique du dirigeant

Dans un arrêt du 14 Décembre, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a affirmé qu’un cadre dirigeant a un certain droit à la critique. Cet arrêt réaffirme donc la liberté d’expression offerte aux salariés au sein même de leur entreprise. Voici les faits :

Le directeur administratif et financier d’une société jurassienne [Sanijura] avait été licencié en décembre 1994 pour avoir remis aux membres du comité de direction, auquel il appartenait, un document critiquant la nouvelle organisation mise en place par l’employeur, à la suite d’une prise de contrôle de l’entreprise. Non content de cette sanction, le directeur financier saisissait le Conseil de Prud’hommes et la procédure suivit son petit bout de chemin.

En appel, la cour d’appel de Besançon avait jugé en mars 1997 que son licenciement procédait d’une cause réelle et sérieuse, estimant que le document, qui critiquait vivement l’organisation administrative, financière et comptable de la société, allait au-delà du simple devoir d’expression critique d’un cadre dirigeant. Face à la confirmation de la sanction, le salarié se pourvut en cassation.

La Cour de cassation a estimé que ce salarié, qui était " chargé d’une mission administrative, comptable et financière de très haut niveau dans des circonstances difficiles ", pouvait être " amené à formuler dans l’exercice de ses fonctions et du cercle restreint du comité directeur dont il était membre, des critiques, même vives concernant la nouvelle organisation ". Une limite a été apportée à ce droit à la critique à savoir que doit être exclu l’usage " de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs. ". La Cour a par conséquent estimé que le licenciement n’était pas fondé et a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel.

Un point est intéressant de relever. La Cour de cassation vérifie que le document en cause ne contenait pas de termes "excessifs" et reconnaît parallèlement que le directeur a formulé des critiques "même vives". Ainsi, il s’agit ici d’une véritable finesse juridique afin de déterminer la frontière existante entre l’excessif et la vivacité... Il semblerait que les termes excessifs seraient ceux qui ne seraient pas justifiés tandis que les critiques vives seraient, elles, justifiées mais exprimées avec des tournures grammaticales excessives...

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Citation : L’étendue du pouvoir de critique du dirigeant , in Rajf.org, brève du 24 décembre 1999
http://www.rajf.org/spip.php?breve54