Un condamné libéré pour lenteur de la justice

Une décision de la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Paris est intervenu à point nommé dans le vaste débat relatif à la réforme de la justice qui tente de s’ouvrir. En effet, un homme condamné à 15 ans de prison en 1998 a obtenu sa libération par la chambre d’accusation qui a estimé que la Cour de Cassation avait trop tardé à examiner un recours au regard de la convention européenne des droits de l’homme.

C’est la première fois qu’il est possible d’assister à une application "a priori" de l’exigence d’un délai raisonnable, principe affirmé par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme dans son article 6§1. L’avocat du condamné avait formé un pourvoi en cassation le 10 septembre 1998, au lendemain de la condamantion de son client à 15 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises du Val-de-Marne pour l’assassinat de son beau-frère. L’homme n’avait cessé depuis de nier le meurtre.

Ainsi, la Chambre d’accusation a estimé dans un arrêt du 18 janvier que « compte tenu du délai écoulé depuis la saisine de la chambre criminelle de la cour de cassation, le maintien en détention du condamné n’apparaît plus raisonnable au regard des exigences de l’article 6§1 et 6§2 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. ». Si cette position est suivie, il ne fait pas de doute que de nombreux condamnés - normalement coupables - pourront être libérés en raison du dysfonctionnement et de l’engorgement de la Cour de Cassation.

Il faut préciser néanmoins que contrairement aux recours avant condamnation [pour lesquels, la juridiction suprême dispose d’un délai de 3 mois maximum pour statuer], la Cour de Cassation n’est soumise à aucun délai légal pour se prononcer sur un recours après qu’une condamnation soit intervenue. Ainsi, il semblerait nécessaire - afin qu’une telle situation ne se reproduise pas - d’insérer dans le Code de l’Organisation Judiciaire un texte limitant la durée pour l’examen d’un recours après une condamnation pénale. Cela permettrait bien évidemment à la France de se mettre pleinement en conformité avec les principes européens mais cela obligerait également à augmenter l’effectif de la Chambre Criminelle qui sera dans l’obligation de statuer bien et rapidement.

Et c’est vrai que c’est ce problème de l’engorgement des juridictions qui est souvent la source des condamnations de la France au niveau européen. Mais, il paraît de plus en plus difficile de le limiter en ne prenant aucune mesure en matière d’effectifs. Depuis de nombreuses années, les divers magistrats réclament une réforme de toute l’organisation judiciaire ; réforme non prévue dans les textes actuellement en discussion.

Peut-être que cette récente décision arrivera aux oreilles de nos parlementaires, qui dans leur grande sagesse sauront déposé habilement un amendement en ce sens.

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Citation : Un condamné libéré pour lenteur de la justice , in Rajf.org, brève du 20 janvier 2000
http://www.rajf.org/spip.php?breve45