Le droit de la concurrence une nouvelle fois malmené

Le Conseiller Sargos n’avait pas tord. En effet, dans un article intitulé « Le droit de la concurrence gravement malmené » [ Le Monde, 15 décembre 1999 p.17], l’ancien membre du Conseil de la Concurrence et du Tribunal des conflits fustigeait une décision du Tribunal des Conflits en date du 18 octobre 1999 qui, selon lui, parachevait un mouvement amorcé dans le sens que « les pratiques anti-concurentielles, quelle qu’en soit la gravité, échappent à toutes les sanctions prévues par l’ordonnance du 1er décembre 1986 dès lors qu’à un moment où un autre un acte administratif est pris. ».

La première application de cette jurisprudence vient d’être rendue. Dans une décision n°99-D-72 du 1er décembre 1999 relative à une saisine de la société 3MCE, le Conseil de la Concurrence a estimé que « les décisions qui se rattachent à la gestion du domaine public constituent l’usage de prérogatives de puissance publique ; que les conventions mises en cause par la société saisissante sont des actes de gestion du domaine public , qu’ainsi, leur examen échappe à la compétence du Conseil de la concurrence ».

En l’espèce, l’entreprise 3MCE, plus connue sous le nom de "Quick" demandait à la Haute autorité de condamner la société Mac Donald’s France en raison de la position dominante du fait qu’elle occuperait et également en raison d’avantages exorbitants du droit commun » qu’elle aurait obtenus à la suite de la signature de deux conventions d’occupation du domaine public avec la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Nice-Côte d’Azur et la Ville de Nice. En clair, le concurrent du géant américain souhaitait voir condamner les pratiques découlant de l’application de ces actes administratifs.

La solution, ici confirmée, voit s’opposer deux positions bien distinctes. Les commentateurs du Conseil d’Etat affirment que seule la Haute juridiction administrative doit être compétente pour statuer sur les pratiques indétachables. A l’opposé, une partie de la doctrine soutenue par Pierre Sargos critique la solution car elle a pour effet de « créer une impunité totale des acteurs économiques, qu’ils soient publics ou privés, qui ont la fortune - ou l’habileté - de faire entériner par une décision administrative » leurs pratiques anti-concurrentielles. Ils ne peuvent que risquer une simple annulation de cet acte administratif dont les conséquences seront minimes par rapport aux sanctions financières que pourrait octroyer le Conseil de la Concurrence.

En l’espèce le Conseil de la Concurrence s’est résigné. Appliquant la jurisprudence susrappelée, il s’est déclaré incompétent pour apprécier des pratiques de Mac Donald’s nées de son occupation du domaine public. Ainsi, le droit de la concurrence se trouve une nouvelle fois malmené. La seule issue pour le requérant est de s’adresser à la juridiction administrative. Celle-ci a déjà eu l’occasion d’apprécier la légalité d’actes administratifs à propos de l’occupation du domaine public [CE, 26 mars 1999, Société Eda] mais, elle ne pourra jamais user l’épée de Damoclès que représente la sanction financière.

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Citation : Le droit de la concurrence une nouvelle fois malmené, in Rajf.org, brève du 24 février 2000
http://www.rajf.org/spip.php?breve102