Si les prescriptions du code des marchés publics alors en vigueur ne s’appliquaient pas à un tel contrat tendant à l’étude et la réalisation d’un projet de schéma directeur des déplacements urbains communautaires, passé entre un établissement public de coopération intercommunale et un organisme sans but lucratif pour la réalisation par ce dernier d’une prestation d’études entrant dans la compétence du premier, et si, par suite, les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par ce code n’étaient pas applicables, un tel contrat doit être regardé comme un marché public de services au sens de la directive précitée.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
Statuant au contentieux
N° 98BX02208
M. TEISSEIRE
Mme Merlin-Desmartis, Rapporteur
M. Rey, Commissaire du gouvernement
Séance du 19 février 2002
Lecture du 19 mars 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 1998, présentée par M. Denis TEISSEIRE ;
Le requérant demande à la cour :
1) d’annuler le jugement en date du 15 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 22 décembre 1995 du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux autorisant son président à signer une convention confiant à l’agence d’urbanisme et de recherche Bordeaux-Aquitaine (AURBA) l’étude et la réalisation d’un projet de schéma directeur des déplacements urbains communautaires ;
2) d’annuler ladite délibération ;
3) de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 92/50 du conseil des communautés européennes du 18 juin 1992 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 février 2002 :
le rapport de Mme Merlin-Desmartis ;
les observations de Maître Laveissière, avocat de la communauté urbaine de Bordeaux ;
et les conclusions de M Rey, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux :
Considérant, en premier lieu, que c’est par une exacte interprétation des conclusions de la demande présentée par M. TEISSEIRE devant le tribunal administratif de Bordeaux que celui-ci les a regardées comme tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la délibération en date du 22 décembre 1995 par laquelle le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux a autorisé son président à signer une convention avec l’Agence d’urbanisme et de recherche Bordeaux-Aquitaine (AURBA) pour l’étude et la réalisation d’un projet de schéma directeur des déplacements urbains communautaires ; que, par suite, la demande devant le tribunal administratif n’avait ni à être précédée d’une demande préalable ni à comporter des conclusions chiffrées ni à être présentée par le ministère d’un avocat ;
Considérant, en deuxième lieu, que le délai dont disposait M. TEISSEIRE pour attaquer la délibération du 22 décembre 1995 courait de la date de la séance à laquelle il a participé ; que sa demande a été introduite devant le tribunal administratif le 22 février 1996 comme en attestent le cachet apposé par le greffe ainsi que les mentions du jugement qui font foi jusqu’à preuve contraire ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que la lettre de notification adressée à la communauté urbaine de Bordeaux indique par erreur le 21 mars 1996 comme date d’enregistrement de la demande, celle-ci n’était pas tardive ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la communauté urbaine de Bordeaux doivent être écartées ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu’en vertu de l’article 1 de la directive 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, les marchés de services passés entre un pouvoir adjudicateur et un prestataire de services sont soumis à des procédures de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant que, par délibération en date du 22 décembre 1995, le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux a autorisé son président à signer une convention confiant à l’AURBA, association régie par la loi du 1er juillet 1901, l’étude et la réalisation d’un projet de schéma directeur des déplacements urbains communautaires, comportant notamment une proposition de tracés d’un système de transports en commun en site propre ; que si les prescriptions du code des marchés publics alors en vigueur ne s’appliquaient pas à un tel contrat, passé entre un établissement public de coopération intercommunale et un organisme sans but lucratif pour la réalisation par ce dernier d’une prestation d’études entrant dans la compétence du premier, et si, par suite, les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par ce code n’étaient pas applicables, un tel contrat doit être regardé comme un marché public de services au sens de la directive précitée ; qu’il ressort des pièces du dossier que la communauté urbaine de Bordeaux n’exerce pas sur l’AURBA un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ; que d’ailleurs l’agence peut, en vertu de l’article 4 de ses statuts procéder également à des études pour des collectivités publiques, des établissements publics, ou même des particuliers, tant en France qu’à l’étranger ; qu’elle constitue ainsi une entité distincte de la communauté urbaine ; que, par ailleurs, la communauté urbaine de Bordeaux ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cette directive qui excluent expressément de son champ d’application les Amarchés de services de recherche et de développement dès lors que la convention en cause ne constitue pas un tel marché ; que, par suite, cette convention passée entre la communauté urbaine de Bordeaux, pouvoir adjudicateur, et l’AURBA, prestataire de services, entre dans la champ d’application de la directive 92/50 du 18 juin 1992 ;
Considérant que la transposition en droit interne de cette directive, qui, en vertu de son article 44, aurait du intervenir avant le 1er juillet 1993, n’a été effectuée qu’après le 22 décembre 1995 ; qu’ainsi les règles nationales applicables à la date de la délibération attaquée n’étaient pas compatibles avec les objectifs de la directive et ne pouvaient dès lors lui servir de fondement légal ; que, par suite, ladite délibération, qui ne prévoyait aucun mode de publicité et de mise en concurrence compatibles avec les objectifs de la directive 92/50 du 18 juin 1992, a été adoptée dans des conditions irrégulières ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. TEISSEIRE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à payer à M. TEISSEIRE, qui n’a pas eu recours au ministère d’un avocat, la somme de 50 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 15 octobre 1998 du tribunal administratif de Bordeaux et la délibération en date du 22 décembre 1995 du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux sont annulés.
Article 2 : La communauté urbaine de Bordeaux versera à M. TEISSEIRE la somme de 50 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
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