Conseil d’Etat, référé, 17 avril 2002, n° 245283, M. Meyet

Le requérant soutient qu’en n’imposant pas à la société Canal Plus, dont l’émission satirique "les Guignols de l’info" n’assurerait pas un traitement équitable des différents candidats à l’élection présidentielle, de respecter, pendant la durée de la campagne, les obligations qui lui incombent, le Conseil supérieur de l’audiovisuel porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le libre exercice du suffrage. Toutefois, le requérant ne justifie pas, en sa seule qualité d’électeur, subir directement et personnellement l’atteinte à la liberté fondamentale dont il se prévaut.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 245283

M. MEYET

Ordonnance du 17 avril 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 16 avril 2002, présentée par M. Alain MEYET ; M. MEYET demande au juge des référés du Conseil d’Etat de faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative pour enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de faire cesser les manquements au principe d’égalité de traitement par les moyens de communication audiovisuels des candidats à l’élection présidentielle résultant de l’émission "les Guignols de l’info" diffusée par la société Canal Plus ;

M. MEYET soutient que, par une recommandation du 23 octobre 2001 adressée à l’ensemble des chaînes de radio et de télévision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a prévu que, du 1er janvier 2002 à la veille de l’ouverture de la campagne officielle pour le premier tour de scrutin, les chaînes devraient respecter le principe d’équité dans le traitement des candidats déclarés ou présumés et qu’à partir du début de la campagne officielle jusqu’à la date du scrutin s’appliquerait le principe d’égalité entre les candidats ; que ces principes sont gravement méconnus par l’émission quotidienne "les Guignols de l’info" qui présente certains candidats sous un jour particulièrement défavorable ; que le requérant qui est électeur a intérêt à ce qu’il soit mis fin à une situation qui porte atteinte à la sincérité du scrutin ; qu’en ne prenant pas les mesures qui s’imposent pour la faire cesser le Conseil supérieur de l’audiovisuel méconnaît la mission qui lui est dévolue par la loi ; qu’en s’abstenant d’enjoindre à la société Canal Plus de respecter ses obligations le Conseil supérieur de l’audiovisuel fait preuve d’une carence qui porte une atteinte grave et manifestement illégale au libre exercice du suffrage ; qu’eu égard au choix délibéré de Canal Plus de maintenir, malgré la proximité du scrutin, une ligne satirique particulièrement marquée à l’encontre de MM. Jacques Chirac et François Bayrou, au moyen de propos diffamatoires, mensongers et injurieux et à l’importance de l’élection en cause, le comportement du Conseil supérieur de l’audiovisuel présente une gravité certaine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...)" ; qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre aux personnes dont une liberté fondamentale viendrait à être méconnue de façon grave et manifestement illégale par l’administration, d’obtenir du juge des référés, lorsque l’urgence le justifie, le prononcé de mesures susceptibles de mettre fin à la situation ainsi créée ;

Considérant qu’à l’appui de sa requête tendant à ce que, sur le fondement de ces dispositions, le juge des référés du Conseil d’Etat prononce une injonction à l’égard du Conseil supérieur de l’audiovisuel, M. MEYET soutient qu’en n’imposant pas à la société Canal Plus, dont l’émission satirique "les Guignols de l’info" n’assurerait pas un traitement équitable des différents candidats à l’élection présidentielle, de respecter, pendant la durée de la campagne, les obligations qui lui incombent, le Conseil supérieur de l’audiovisuel porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le libre exercice du suffrage ; que, toutefois, le requérant ne justifie pas, en sa seule qualité d’électeur, subir directement et personnellement l’atteinte à la liberté fondamentale dont il se prévaut ; qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter sa requête manifestement mal fondée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. MEYET est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain MEYET.

Copie en sera en outre adressée pour information au Conseil supérieur de l’audiovisuel et au ministre de l’intérieur.

Fait à Paris, le 17 avril 2002

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article905