Conseil d’Etat, référé, 21 mai 2002, n° 247008, M. R.

Les moyens tirés de ce que le décret contesté méconnaîtrait la répartition des compétences entre le Président de la République et le Premier ministre et de ce qu’il porterait atteinte aux prérogatives du Conseil des ministres en matière d’adoption des projets de loi paraissent, en l’état de l’instruction, et eu égard, sur le premier point, aux responsabilités que la Constitution confère au chef de l’Etat et, sur le second, au caractère seulement préalable et préparatoire de l’intervention du Conseil de sécurité intérieure par rapport à la délibération du conseil des ministres, manifestement infondés.

CONSEIL D’ETAT

statuant au contentieux

N° 247008

M. R.

Ordonnance du 21 mai 2002

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 17 mai 2002, présentée par M. Pierre-François R. ; M. R. demande au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner la suspension du décret n° 2002-890 du 15 mai 2002 relatif au Conseil de sécurité intérieure ;

il soutient qu’en tant que citoyen français résidant en France, il a intérêt à demander l’annulation et la suspension d’un décret qui a des effets importants sur la sécurité du pays ; qu’eu égard aux attributions du Conseil de sécurité intérieure et à l’imminence de ses premières décisions, la condition d’urgence est remplie au regard de l’intérêt public ; qu’il y également urgence au regard des intérêts du futur secrétaire général du Conseil ; que le décret dont la suspension est demandée n’est pas au nombre des actes qui doivent être pris en conseil des ministres et dont la signature revient en conséquence au Président de la République ; que ce décret ne comporte pas tous les contreseings, requis par la Constitution, des ministres qui peuvent être appelés à siéger au Conseil qu’il constitue ; qu’en donnant compétence au Président de la République pour présider le Conseil de sécurité intérieure, le décret contesté méconnaît la répartition des compétences entre le Président de la République, telle qu’elle résulte notamment des articles 5 et 21 de la Constitution ; qu’il porte atteinte aux attributions du Conseil des ministres en matière d’adoption des projets de loi ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée contre ce décret par M. R. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de justice administrative ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur l’intérêt à agir de M. R. :

Considérant qu’en vertu de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter sans instruction et sans audience une requête notamment lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, qu’elle est mal fondée ;

Considérant que l’article 13 de la Constitution prévoit que le Président de la République signe « les décrets délibérés en Conseil des ministres » et qu’en vertu de l’article 19 de la Constitution, les actes du Président de la République, autres que ceux que cet article dispense de contreseing, sont contresignés « par les ministres responsables » ;

Considérant qu’aucune règle s’imposant au pouvoir réglementaire ne limite les possibilités d’inscription d’un décret à l’ordre du jour du conseil des ministres ; que, dès lors qu’il a été délibéré en conseil des ministres, le décret dont la suspension est demandée relevait, en vertu de l’article 13 de la Constitution, de la signature du Président de la République ; qu’il n’apparaît pas que ce décret ne comporte pas le contreseing de l’un des ministres responsables, c’est-à-dire des ministres auxquels incombent à titre principal sa préparation et son application ;

Considérant que les moyens tirés de ce que le décret contesté méconnaîtrait la répartition des compétences entre le Président de la République et le Premier ministre et de ce qu’il porterait atteinte aux prérogatives du Conseil des ministres en matière d’adoption des projets de loi paraissent, en l’état de l’instruction, et eu égard, sur le premier point, aux responsabilités que la Constitution confère au chef de l’Etat et, sur le second, au caractère seulement préalable et préparatoire de l’intervention du Conseil de sécurité intérieure par rapport à la délibération du conseil des ministres, manifestement infondés ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la requête à fin de suspension présentée par M. R. selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. R. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. R.. Copie de la présente décision sera transmise au Premier ministre.

Fait à Paris, le 21 mai 2002

Signé : B. Stirn

Pour expédition conforme, Pour le secrétaire, L’adjoint au responsable du bureau des référés

J.-P. Lefèvre

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article885