Conseil d’Etat, 3 mai 2002, n° 224859, Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT)

Si l’ONILAIT est chargé, en tant que gestionnaire de la réserve nationale, d’affecter à cette réserve les quantités individuelles qui n’ont pas été réattribuées par les acheteurs aux producteurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne permet à cet office d’intervenir dans les rapports de droit privé qui s’établissent entre acheteurs et producteurs ni de statuer sur des litiges portant sur les déclarations des acheteurs relatives aux cessations de livraison.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 224859

OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS

M. Derepas Rapporteur

M. Austry, Commissaire du gouvernement

Séance du 10 avril 2002

Lecture du 3 mai 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre 2000 et 11 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS (ONILAIT), dont le siège est 2, rue Saint-Charles à Paris Cedex 15 (75740) ; l’OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 6 juillet 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté son appel du jugement du 20 juin 1996 du tribunal administratif de Lille annulant la décision du 14 décembre 1993 par laquelle son directeur a affecté la quantité de référence de M. H. à la réserve nationale ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H. devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de condamner M. H. à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;

Vu le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil des communautés européennes du 28 décembre 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission du 9 mars 1993 ;

Vu la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 modifiée ;

Vu le décret n° 91-157 du 11 février 1991 modifié ;

Vu l’arrêté du 26 janvier 1994 du ministre de l’agriculture et de la pêche ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l’OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision du 14 décembre 1993, le directeur de l’office NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS (ONILAIT) a affecté la quantité de référence laitière de M. H. à la réserve nationale ; que l’ONILAIT se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 6 juillet 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 20 juin 1996 du tribunal administratif annulant cette décision ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 5 du règlement (CEE) du Conseil des communautés européennes du 28 décembre 1992 : "Sans préjudice de l’article 6 paragraphe 1, les quantités de référence dont disposent les producteurs qui n’ont pas commercialisé de lait ou d’autres produits laitiers pendant une période de douze mois sont affectées à la réserve nationale et susceptibles d’être réallouées conformément au premier alinéa (...)" ; qu’aux termes de l’article 6 du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission du 9 mars 1993 : "A la réserve nationale visée à l’article 5 du règlement (CEE) n° 3950/92 sont affectées les quantités de référence qui n’ont pas ou qui n’ont plus d’affectation individuelle" ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 20 du décret n° 94-53 du 20 janvier 1994 modifiant et complétant le décret n° 91-157 du 11 février 1991 relatif à la maîtrise de la production de lait de vache et aux modalités de recouvrement d’un prélèvement supplémentaire à la charge des acheteurs et des producteurs de lait de vache : "Une quantité de référence laitière est attribuée le 1er avril 1993, en application de l’article 4 du règlement (CEE) n° 3590/92, au producteur (...) qui remplissait à cette date l’ensemble des conditions suivantes mettre en valeur une exploitation laitière ; livrer ou vendre directement à la consommation du lait ou d’autres produits laitiers ; disposer au titre de la neuvième période d’application de l’article 5 quater du règlement CEE n° 804/68 modifié, d’une quantité de référence laitière notifiée par un acheteur ou par l’ONILAIT selon les cas prévus respectivement au I° et 2° de l’article 1er du décret du 11 février 1991 susvisé ; / un arrêté du ministre chargé de l’agriculture, pris en application du dernier alinéa de l’article 1er du décret du 11 février 1991 fixe les modalités de calcul des quantités de référence individuelles" ; qu’aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 26 janvier 1994 pris par le ministre de l’agriculture et de la pêche pour l’application de ces dispositions : "Dans la limite de sa quantité de référence calculée conformément à l’article 2, l’acheteur adresse à chaque producteur une notification écrite, sur le modèle établi par l’ONILAIT, d’une quantité de référence individuelle pour la campagne 1993-1994. Cette quantité de référence individuelle est égale à la quantité de référence individuelle de la période allant du 30 mars 1992 au 31 mars 1993, majorée le cas échéant des suppléments attribués en application de l’article 7, quatrième tiret, du présent arrêté. La notification aux producteurs est effectuée par les acheteurs dans les trente jours suivant la notification, par l’ONILAIT, de la quantité de référence visée à l’article 2 et, le cas échéant, des dotations visées à l’article 7 du présent arrêté" ;

Considérant enfin que le 3° de l’article 1er du décret du 11 février 1991 dispose que l’ONILAIT est chargé de gérer la réserve nationale prévue à l’article 5 du règlement (CEE) n° 3950/92 ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables à la date de la décision attaquée, que si l’ONILAIT est chargé, en tant que gestionnaire de la réserve nationale, d’affecter à cette réserve les quantités individuelles qui n’ont pas été réattribuées par les acheteurs aux producteurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne permet à cet office d’intervenir dans les rapports de droit privé qui s’établissent entre acheteurs et producteurs ni de statuer sur des litiges portant sur les déclarations des acheteurs relatives aux cessations de livraison ; que, par suite, en jugeant que le directeur de l’ONILAIT n’avait pu légalement, par la circulaire du 11 mai 1993, définir une procédure lui permettant de statuer sur de tels litiges, et en rejetant, par voie de conséquence, l’appel formé par l’ONILAIT contre le jugement annulant la décision prise, sur le fondement de cette circulaire, à l’égard de M. H., la cour administrative d’appel de Douai n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de l’ONILAIT doit être rejeté ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. H., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l’ONILAIT la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’office NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS, à M. Henri-Bernard H. et au ministre de l’agriculture et de la pêche.

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