Conseil d’Etat, 29 avril 2002, n° 240647, Office français de protection des réfugiés et apatrides c/ Mme A.

Une requête à fin de suspension est atteinte d’une irrecevabilité d’ordre public lorsque le requérant n’a pas introduit une requête à fin d’annulation ou de réformation. L’exigence de production devant le juge des référés d’une copie de cette requête à fin d’annulation ou de réformation, qui est relative à la présentation matérielle de la requête en référé, ne présente pas, en revanche, le même caractère. Si l’absence d’une telle copie permet, à défaut de régularisation, au juge des référés de rejeter la requête qui lui est présentée et aux autres parties d’invoquer devant lui l’irrecevabilité dont celle-ci est atteinte, une telle irrecevabilité ne peut, dans le cas où elle n’a pas été soulevée en première instance, être opposée pour la première fois en cassation.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 240647

OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES
c/ Mme A.

M. Lenica, Rapporteur

M. Piveteau, Commissaire du gouvernement

Séance du 27 mars 2002

Lecture du 29 avril 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2001 et 14 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES (OFPRA), dont le siège est à Péripole 114 à Fontenay-sous-Bois (94126), représenté par son directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule l’ordonnance du 15 novembre 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Melun en tant qu’elle a prononcé, à la demande de Mme A., la suspension de l’exécution de la décision du directeur de l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES du 30 octobre 2001 rejetant la candidature de Mme A. à l’examen professionnel pour l’accès au grade d’officier de protection principal de 2ème classe, concernant la session du 22 novembre 2001 ;

2°) condamne Mme A. à lui verser la somme de 1000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 93-34 du 11 janvier 1993 modifié portant statut particulier des corps de fonctionnaires de l’office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Auditeur,
- les observations de Me Spinosi, avocat de l’office FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A.,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 522-1 du code de justice administrative : "A peine d’irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension fane décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d’annulation ou de réformation et accompagnées d’une copie de cette dernière." ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une requête à fin de suspension est atteinte d’une irrecevabilité d’ordre public lorsque le requérant n’a pas introduit une requête à fin d’annulation ou de réformation ; que l’exigence de production devant le juge des référés d’une copie de cette requête à fin d’annulation ou de réformation, qui est relative à la présentation matérielle de la requête en référé, ne présente pas, en revanche, le même caractère ; que si l’absence d’une telle copie permet, à défaut de régularisation, au juge des référés de rejeter la requête qui lui est présentée et aux autres parties d’invoquer devant lui l’irrecevabilité dont celle-ci est atteinte, une telle irrecevabilité ne peut, dans le cas où elle n’a pas été soulevée en première instance, être opposée pour la première fois en cassation ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est pas contesté que Mme A. a formé, dans le délai contentieux, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du 30 octobre 2001 du directeur de l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES ; que l’ordonnance attaquée a d’ailleurs visé la requête à fin d’annulation ; qu’il résulte de ce quia été dit ci-dessus que, le moyen tiré par l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES de ce que la copié de cette requête à fin d’annulation n’avait pas été jointe à la requête en référé ne peut être invoqué pour la première fois devant le juge de cassation ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient l’office requérant, il ressort des pièces du dossier que le juge des référés s’est fondé sur des éléments de fait et de droit développés par Mme A. dans ses mémoires devant le tribunal administratif et dont il avait reçu communication ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut être qu’écarté ;

Considérant qu’en relevant que Mme A. justifiait de l’urgence à demander la suspension de l’exécution de la décision du 30 octobre 2001 par laquelle le directeur de l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES avait refusé son inscription sur la liste des candidats admis à se présenter à l’examen professionnel devant se dérouler le 22 novembre 2001 pour l’accès au grade d’officier de protection principal de 2ème classe, le juge des référés s’est livré à une appréciation souveraine des faits qu’il n’a pas dénaturés ;

Considérant qu’en prononçant la suspension de la décision contestée après avoir relevé qu’un doute sérieux existait, en l’état de l’instruction, sur l’application de la condition d’ancienneté requise pour pouvoir se présenter à l’examen professionnel susmentionné, le juge des référés, qui n’a pas commis d’erreur de droit, s’est livré à une appréciation souveraine des circonstances de l’espèce qui n’est pas entachée de dénaturation et qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Sur les conclusions de l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES tendant à la condamnation de Mme A. à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A., qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES la somme de 1 000 euros qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de Mme A. tendant à la condamnation de l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES à payer à Mme A. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES est rejetée.

Article 2 : L’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES versera à Mme A. la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article685