Conseil d’Etat, 3 avril 2002, n° 223712, Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis

L’infirmière à l’encontre de laquelle est engagée la procédure de reversement àla suite d’un dépassement du seuil d’activité doit être mise à même de s’expliquer oralement devant la commission paritaire départementale, chargée de donner un avis sur le reversement envisagé. A cet effet, et sans préjudice des obligations d’information incombant à la caisse en vertu des dispositions précitées, la commission doit soit avertir l’infirmière de la date de la séance au cours de laquelle son cas sera examiné, soit l’inviter à l’avance à lui faire connaître si elle a l’intention de présenter des explications verbales pour qu’en cas de réponse affirmative de sa part, elle l’avertisse ultérieurement de la date de la séance.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 223712

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS

M. Boulouis, Rapporteur

Mlle Fombeur, Commissaire du gouvemement

Séance du 11 mars 2002

Lecture du 3 avril 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête enregistrée le 31 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENTS, dont le siège est 195, avenue Paul Vaillant-Couturier à Bobigny cedex (93014) ; la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 23 mai 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 30 mars 1999 annulant la décision de son directeur général adjoint du 5 mai 1997 ordonnant à Mme B. de reverser à la caisse la somme de 127 325,63 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la CAISSE PRIMAiRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, alors en vigueur : « Sauf disposition contraire, le délai d’appel est de deux mois, il court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l’article R. 211 (...) » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la notification faite à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS du jugement du 30 mars 1999 du tribunal administratif de Paris, reçue le 20 mai 1999, ne comportait que les visas et le dispositif de celui-ci ; que la caisse n’a reçu notification du texte complet du jugement que le 17juin 1999 ; que, par suite, en estimant tardif son appel enregistré au greffe de la cour le 16 août 1999 alors que, faute pour la première notification d’avoir permis à son destinataire de connaître les motifs du jugement notifié, seule la seconde notification avait pu faire courir à l’encontre de la requérante le délai du recours contentieux mentionné à l’article R. 229 précité et qu’ainsi, la requête de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS n’était pas tardive, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que la caisse requérante est, dès lors, fondée à en demander l’annulation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que le B de l’article 11 de la convention nationale des infirmiers approuvée par un arrêté du 10 avril 1996, validé par l’article 59 de la loi du 28 mai 1996, organise la procédure de suivi du « seuil annuel d’activité » imposé aux professionnels ; que lorsqu’un dépassement de ce seuil est constaté, « la caisse transmet le dossier de l’infirmière concernée à la commission paritaire départementale pour avis. (...)/ La professionnelle est simultanément informée, par lettre recommandée avec accusé de réception, par la caisse primaire de son lieu d’exercice principal, des mesures encourues en raison du dépassement constaté et de la possibilité de disposer d’un délai de trente jours pour présenter ses observations à la commission paritaire départementale. (...) Dans un délai d’un mois suivant la transmission du relevé par la caisse, la commission informe l’infirmière et, sur la demande de celle-ci, recueille ses observations écrites et/ou orales./ Dans les dix jours qui suivent l’échéance de ce délai, la commission paritaire départementale, après avoir recueilli les éventuelles observations de la professionnelle, transmet le dossier ainsi que son avis dûment motivé à la caisse, qui décidera le cas échéant de procéder à l’application des procédures de reversement (...) » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’infirmière à l’encontre de laquelle est engagée la procédure de reversement à la suite d’un dépassement du seuil d’activité doit être mise à même de s’expliquer oralement devant la commission paritaire départementale, chargée de donner un avis sur le reversement envisagé ; qu’à cet effet, et sans préjudice des obligations d’information incombant à la caisse en vertu des dispositions précitées, la commission doit soit avertir l’infirmière de la date de la séance au cours de laquelle son cas sera examiné, soit l’inviter à l’avance à lui faire connaître si elle a l’intention de présenter des explications verbales pour qu’en cas de réponse affirmative de sa part, elle l’avertisse ultérieurement de la date de la séance ;

Considérant qu’aucune des deux lettres adressées les 17 et 21 mars 1997 par la commission départementale des infirmiers de Seine-Saint-Denis à Mme B. ne mentionnait la date de réunion de la commission, ni la possibilité pour l’intéressée d’être entendue par la commission si elle en faisait la demande ; qu’ainsi, Mme B. n’a pas été mise à même d’exercer les droits qui lui sont reconnus par l’article 11 précité de la convention ; que, par suite, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de son directeur général adjoint ordonnant le reversement à la caisse, par Mme B., de la somme de 127 325,63 F ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme B., qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 23 mai 2000 est annulé.

Article 2 : La requête de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS devant la cour administrative d’appel de Paris et ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à Mme Monique B. et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

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