Conseil d’Etat, 3 avril 2002, n° 220086, M. P. et autres

Le ministre de l’agriculture et de la pêche a adressé par télécopie le 15 février 1999 à la cour ses premières observations en défense, qui ont ensuite fait l’objet d’un envoi par courrier. La télécopie, confirmée par courrier ultérieur, étant parvenue au greffe de la cour avant la clôture de l’instruction, les observations en défense du ministre ont ainsi été produites dans des conditions régulières. Il appartenait dès lors à la cour, qui a d’ailleurs visé et analysé ces observations, de les communiquer aux requérants.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 220086

M. P. et autres

Mme Albanel, Rapporteur

M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement

Séance du 11 mars 2002

Lecture du 3 avril 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 11 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour MM. Roland P. et Paul P., Mme Thérèse P. et M. Pierre P. ; les consorts P. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 9 février 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté leur demande tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 9 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 21 février 1995 de la commission départementale d’aménagement foncier de Loir-et-Cher relative aux opérations de remembrement dans les communes de Sens et de Concriers en tant qu’elle concerne leurs biens, d’autre part, à l’annulation de ladite décision ;

2°) de condamner 1’Etat à leur verser la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. P.,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article R. 138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, en vigueur à la date de l’arrêt attaqué : "La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R.139 et R. 141" ; qu’aux termes de l’alinéa 1 de l’article R. 156 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors en vigueur : "Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 16 décembre 1998, d’une part, le ministre de l’agriculture et de la pêche a été mis en demeure de produire un mémoire en défense et, d’autre part, une ordonnance du président de la deuxième chambre de la cour administrative d’appel de Nantes a fixé la clôture de l’instruction au 16 février 1999 ; que le ministre de l’agriculture et de la pêche a adressé par télécopie le 15 février 1999 à la cour ses premières observations en défense, qui ont ensuite fait l’objet d’un envoi par courrier ; que la télécopie, confirmée par courrier ultérieur, étant parvenue au greffe de la cour avant la clôture de l’instruction, les observations en défense du ministre ont ainsi été produites dans des conditions régulières ; qu’il appartenait dès lors à la cour, qui a d’ailleurs visé et analysé ces observations, de les communiquer aux requérants ; qu’en s’abstenant de procéder de la sorte, la cour a méconnu les exigences qui découlent des dispositions précitées de l’article R 138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, reprises à l’article R.611-1 du code de justice administrative ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autrès moyens du pourvoi, que les consorts P. sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code susvisé, le Conseil d’Etat s’il prononce l’annulation d’une décision administrative statuant en dernier ressort peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Sur les moyens tirés de la violation de l’article L. 123-4 du code rural :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-4 du code rural, "Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu’il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l’article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées (...)"

Considérant que, si les consorts P. contestent le classement de plusieurs des parcelles qui leur ont été attribuées, eu égard notamment à la qualité des terrains en cause, il ressort des pièces du dossier, et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise demandée, que le classement de ces parcelles n’est pas entaché d’inexactitude ;

Considérant qu’il a été tenu compte de la présence, sur la parcelle attribuée ZO 43, d’un pylône de haute-tension, en classant ladite parcelle dans la catégorie T12 qui correspond à la valeur de productivité réelle la plus basse ; qu’en procédant à un tel classement, l’administration n’a, par suite, pas commis d’erreur d’appréciation ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, en ce qui concerne le compte n° 285 des biens propres de M. Laurent P., pour des parcelles d’apports réduits de 29 ha 28 a 04 ca valant 236.909 points, les attributions sont de 29 ha 28 a 62 ca valant 236.909 points, en ce qui concerne le compte n° 286 des biens de M. Laurent P. grevés de l’usufruit de M. Pierre P., pour des parcelles d’apports réduits de 8 ha 65 a 85 ca valant 68.602 points, les attributions sont de 9 ha 79 a 31 ca valant 68.603 points, en ce qui concerne le compte n° 287 des biens de M. Laurent P. grevés de l’usufruit de Mme Thérèse P., pour des parcelles d’apports réduits 4 ha 53 a 58 ca valant 35.348 points, les attributions sont de 4 ha 83 a 79 cavalant 35.118 points, en ce qui concerne le compte n° 288 des biens de M. Laurent P. grevés de l’usufruit de M. Paul P., pour des apports réduits de 8 ha 99 a 09 ca valant 70.126 points, les attributions sont de 8 ha 60 a 56 ca valant 69.656 points, en ce qui concerne le compte n° 289 des biens de M. Paul P., pour des apports réduits de 69 a 32 ca valant 1.519 points, les attributions sont de 85 a 90 ca valant 2.052 points ; que, dans ces conditions, la règle d’équivalence posée par les dispositions susvisées de l’article L. 123-4 n’a pas été méconnue ;

Sur les moyens tirés de la violation de l’article L. 123-1 du code rural :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-1 du code rural : "Le remembrement (...) a principalement pour but, par la constitution d’exploitations rurales d’un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d’améliorer l’exploitation agricole des biens qui y sont soumis (...)"

Considérant que, si les consorts P. soutiennent que la nouvelle distribution parcellaire aggrave leurs conditions d’exploitation, du fait, notamment, de la forme des parcelles qui leur ont été attribuées, cette allégation n’est toutefois pas assortie de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du jugement par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aménagement foncier de Loir-et-Cher en date du 21 février 1995 portant sur leur réclamation relative aux opérations de remembrement réalisées dans les communes de Seris et Concriers ;

Sur les conclusions des consorts P. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-I du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer aux consorts P. la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 9 février 2000 est annulé.

Article 2 : La requête des consorts P. devant la cour administrative d’appel de Nantes et le surplus des conclusions de leur requête devant le Conseil d’Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux consorts P. et au ministre de l’agriculture et de la péche.

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